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S’inspirant d’un fait divers tragique et refusant tout voyeurisme malsain, Frédéric Boyer emprunte la voie de la philosophie et de la théologie pour nous questionner sur la nature du mal. Par petites touches, il évoque l’insoutenable.
Des déménagements successifs, six en moins de deux ans. La Petite ne grandissait pas, ou mal. Elle manifestait ce que l’on diagnostiqua hâtivement comme des retards, sans qu’aucune inquiétude ne s’installe. Services sociaux, médecins, gendarmes : nul ne soupçonna de danger imminent. Quelques bleus, griffures ou coupures. Pourtant, l’assistante sociale et le médecin conclurent que ses « bobos » relevaient sans doute d’accidents domestiques ; après tout, elle tombait souvent, une véritable casse-cou.
Se taire, feindre de ne rien voir, de ne rien savoir des brutalités et des tourments quotidiens infligés à La Petite : huit années d’un calvaire muet.
Un récit bouleversant dans un style parfois exigeant, où l’innocence et l’abandon se confrontent à la violence infligée au plus faible, au plus innocent et vulnérable d’entre nous.
Pour quel juste motif les enfants sont condamnés à souffrir ?
Nous savons tous ce qu’est une vache pour la voir souvent dans les prés en compagnie de ses semblables. Mais leur prête-t-on attention ? Après avoir lu cet étonnant opuscule de Frédéric Boyer, vous n’aurez plus le même regard sur les vaches qui « ont des robes pleines de ronces et de fleurs et de poudre des champs ».
« A quoi aurions nous ressemblé sans les vaches ? » questionne l’auteur qui interroge aussi notre humanité et notre mort prochaine. Car nous mourrons comme meurent les vaches. C’est ce qui est annoncé dès la première page : « Les premières à mourir ce sont les vaches. »
Et c’est l’homme qui tue « l’animal promis à nos abattoirs »
« Très vite l’être humain a jalousé les vaches » Car la vache a sa place dans le monde du vivant, elle nous rassure. Pourtant, elle nous renvoie à notre face cachée, nos secrets et nos faiblesses. Seraient-elles meilleures que nous ?
« Les vaches sont peut-être ce qui nous est arrivé à la fois de meilleur et de pire. Elles se réfléchissent en nous telles qu’elles sont et ont toujours été et nous font expérimenter que nous sommes fantômes de chair, pitres vivants. »
Les vaches sont sans malice, prétries d’innocence. Peut-être sont-elles la réincarnation de l’agneau mystique, car elles sont « vides de passion »
Les vaches sont-elles le reflet de nos propres existences ? Dans leurs yeux se reflète « le vaste et cruel univers. »
La vie serait-elle possible sans elles ? Si elles venaient à disparaitre, que deviendrions-nous ?
« C’est alors qu’en pleurs nous les appellerons dans les bois, dans les prés, dans note ciel vide. »
Derrière sa douceur relative, la poésie de Frédéric Boyer retentit d’une violence qui interroge notre rapport au vivant.
Cette poésie est plus profonde qu’il n’y parait au premier regard, elle demande à être explorée, fouillée, digérée. Chaque lecteur est libre de trouver un sens, littéral, allégorique, mystique… à cet éloge bovin.
Je me demande si la poésie de Frédéric Boyer n’est pas écrite pour être longuement ruminée en regardant passer les vaches …
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