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« Et la fille baisse les yeux. Mais le jour les corps assis s’estompent. Personne ne semble plus les remarquer. »
« La Porte de la Chapelle » est une litanie qui happe et prend sens. La porte des errances, des désespérances, qui claque sous les affres des vents sociétaux et impondérables. L’écriture de Fanny Garin est contemporaine, réelle, corps à corps avec elle, la fille égarée dans le labyrinthe des anonymes. Sans toit, seule au monde, accrochée aux grilles des indifférences. La rue pour arche, les passants, ombres mouvantes qui décèlent avant l’heure la peur d’un monde hostile. Laisser la fille, son cœur déchiré, Porte de la Chapelle, elle, l’abandonnée, vaillante et pure. Les saisons égrènent son endurance. L’échappée des sensations, le corps seul doit resurgir. Les paysages s’effacent. Elle seule est le combat des lignes qui s’affolent, qui ont compris le mot : sans-abris. Et pourtant ! il aurait fallu l’infinie splendeur de l’altruisme, la compassion et l’amour pour qu’elle se love sur la paille refuge. « La Porte de la Chapelle » est un écho universel. Un livre d’utilité publique, un livre Noé. Il donne le pouvoir à Elle et au rythme des jours qui ne sont qu’alcool, prostitution, hommes-loups, les dangers comme de la boue sous ses pieds meurtris.
« Tout comme la fille autrefois en avait un, de prénom – Et puis la fille s’imagine soudain déchirer une des pages du carnet d’un stylo BIC, en faisant beaucoup de traits, très fort, des traits bleus ou noirs, trouant le papier, et puis elle s’imagine dessiner des petits escargots, ce soir, pour l’enfant. »
« C’est le seul dessin que je sache faire, dit-elle, ou encore les nuages, ce genre de choses naïves. C’est aussi que je suis bonne à rien, vois-tu. »
Le texte est sève et d’exactitude. Sans le pathos aux abois qui aurait pu détourner le majeur et en faire juste un écrit sociétal. Non, ici, c’est la rencontre avec Elle, le fil d’Ariane, les feuilles qui tombent sur son dos frigorifié. Le caillou tendu à l’enfant comme une chapelle en prière. Les pudeurs certifiées d’honneur, la femme qui œuvre au café du matin, à la douche et à l’hospitalité qui est ici, la pierre angulaire de la fraternité.
« Quelques gouttes sont tombées hier, comme un pressentiment des jours qui suivent. » « Nous mettons notre corps à l’abri mais le reste est mouillé –blancs, trottoir, toits, arbres, bâches »
« Car aujourd’hui il pleut. Alors nous pensons aux détails. A ce qui est concret. A cette goutte d’eau qui tombe sur le front de la fille. »
Les jours sont des batailles. Porte de la Chapelle devient un gouffre, un non-retour. Crescendo, la fragilité est Le radeau de Géricault. Le corps est une voie sans issue. La fille, gerbe de blé a perdu la main tendue en route, trop invisible. Ce texte est à lire à voix haute. Il est levier, écueil et sa sincérité est une beauté mélancolique.
« Je regarde plusieurs fois sur internet si une fille n’est pas morte, Porte de la Chapelle. »
L’oisillon tombé du nid, Fille couverture rose, survie, ressac et turbulences, symbole des faillites.
« Les araignées dorment-elles ? »
« La Porte de la Chapelle » est magnanime, grave, et son urgence de lecture est spéculative. Un texte rare, une résonnance fraternelle, une lutte de chaque instant. Un regard théologal, un cri dans la nuit.
Fille universelle, Marianne sanglote.
Publié par les majeures Éditions Publie.net.
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