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La couverture avait de quoi me rebuter mais je m'étais engagée à le lire.. alors je l'ai entamé et là surprise j'ai été happée par l'histoire.
Ce roman nous raconte l'histoire d'une jeune homme introverti, discret, en retrait, s'exprimant peu, et qui semble avoir manque d'affection de la part de ses parents. Après le bac, il reprend le boulot de son père à l'abattoir basé à la périphérie de sa ville. Son boulot est de tuer l'animal d'une manière totalement mécanique sans une once d'humanité et au rendement soutenu.
François, ce jeune homme a quelques moyens de gérer ce travail : il fait de longues promenades en forêt et admire Robert, un voisin éleveur de cochon dont l'exploitation est à taille humaine et qui a une relation toute particulière avec ses bêtes.
Cet équilibre va s'écrouler avec la mort de Robert. Cette perte associée au sadisme de certains de ces collègues sera le déclencheur de sa rébellion. Il décide alors d'intervenir au sein de l'entreprise pour essayer de faire changer les choses.
Cette rébellion aura t-elle le succès escompté ?
J'ai été impressionnée par l'aspect militant de ce roman et qui m'a fait me poser plusieurs questions quant à la nature de bourreau qui est enfouie en chacun d'entre nous.
J'ai lu 1/4 de ce livre mais je ne suis pas du tout emballée par le sujet, ni par l'écriture, ni par le style.. Et j'ai décidé d’arrêter là ce supplice...
Tu travailleras aux abattoirs, comme moi. Et vlan ! Prends ça cher fils. François vient de passer le bac, mais introverti, hermétique, ne parlant pas ou si peu, le père a décidé pour lui. Six mois de stage et le CDI derrière. Oui François est devenu « tueur » à l’abattoir industriel de son village, vous savez, « ces curieux bâtiments à l’entrée de la ville, d’où sortaient des cris et des odeurs épouvantables. »
François, un garçon puis un homme qui s’est retiré de la vie, retiré en lui. Il est plus que solitaire, ne peut se lier à personne par manque de confiance en lui, par absence d’amour parental. Un chaton qui n’a pas été éduqué par sa mère, ne sera jamais propre. François, que ses parents n’ont jamais aimé, n’ont jamais porté l’attention affectueuse attendue, ne peut s’aimer et donc aimer les autres. « Ce père qu’il ne savait aimer et qui ne l’avait jamais aimé ».
La vie de François est toute tracée, tueur professionnel jusqu’à la retraite, quelle belle perspective de vie !! « C’était donc ainsi que sa vie se déroulerait. Toutes les quatre-vingt-dix secondes, il saignerait un corps suspendu par les pattes arrière, chaque jour, durant les quarante prochaines années. Il regarderait, durant quarante années, des animaux pris au piège hurler, se balancer, chercher à fuir, à échapper à la douleur, un mal qu’ils ne pouvaient pas comprendre parce qu’ils ne pouvaient le comparer à rien de ce dont ils avaient fait l’expérience. Partout il y avait les odeurs de leurs semblables. Chacun d’entre eux entendait les cris de l’animal qui l’avait précédé, suspendu lui aussi. »
Chaque jour, il doit tuer son lot de bêtes, François ne peut s’y faire. L’attitude des collègues qui, pour se défouler, s’en prennent à un animal et lui infligent des tortures, j’ose le mot, avant de le laisser mourir sur le ciment, le révulse. Est-ce le boulot inhumain qui rend les ouvriers de l’abattoir sadiques ? « Il faut bien que l’on s’amuse, parce que autrement, on se tirerait une balle en sortant d’ici »
Le rendement, la compétitivité règnent ici aussi « Et moi, qui ne suis qu’un pauvre travailleurs, je ne suis pas plus respecté que l’animal que je tue. Le combat est perdu d’avance, n’est-ce pas ? Les descriptions de sévices prolifèrent, elles sont consultables partout. La connaissance, surtout aujourd’hui, n’a pas de limites. Des lois existent, bien sûr. Le directeur les connait. Des associations sur le pied de guerre. Mais pour que les lois, les associations soient efficaces, il leur faut, non pas l’adhésion, mais la confiance absolue de la société tout entière. Et il faut que cette confiance soit entretenue, de manière constante ». Un pamphlet contre le gain à tout prix qui absout beaucoup de dérives.
François se trouve face à ses contradictions « Je ne peux pas respecter, et aimer profondément la vie humaine, songea-t-il, et sous la même impulsion, haïr viscéralement la vie animale. Cela serait une contradiction absurde… Si je ressens l’envie de frapper un animal, cette envie ne peut totalement disparaître si je suis en compagnie d’un être humain. Elle peut être inhibée, mais elle existe, aussi intense, aussi invincible. »
Errol Henrot décrit l’ambiance, les odeurs d’urine, de sang, de peur, de mort qui montent à la gorge dès l’entrée dans l’abattoir industriel. Ses mots justes, forts, brutaux m’ont fait ressentir ces odeurs de sanies, j’en ai pris plein la gueule, sans jamais avoir envie de fermer le livre tant j’ai été subjuguée par l’écriture de Errol Henrot.
La mort de Robert, qu’il admire, le paysan est un déclencheur. Il ne sait pas comment il va faire. Peut-être envoyer ses textes à la presse ? Il ne peut plus supporter tout le sang versé, décide de ne plus subir l’ordre des choses, de ne plus accepter le comportement honteux de ses collègues, leur violence gratuite envers plus faible. François crie son désespoir à la tête de son patron qui l’écoute benoitement, avec, toutefois, un sentiment de peur. Ce faisant, l’ouvrier pourrait même aller jusqu’au meurtre tant il y a de violence en lui devant toute cette mort. Prenant peur de sa folie, il préfère s’ensauver, fuir dans la forêt.
Ses soupapes sont les balades en forêt, regarder, admirer, son voisin Robert élever ses porcs avec amour, douceur et passion. Que j’ai apprécié les pages où il est question de la mise bas d’une truie. Pour moi, c’est un hommage aux paysans que je connais et qui vivent autour de chez nous.
Un livre rouge sang où la lâcheté humaine sévit à tous les étages, même celle de François qui préfère s’enfermer en lui plutôt que de s’affirmer. Un livre fort, militant qui pose la question d’un suivi objectif et durable de la gestion des abattoirs. La mécanisation serait peut-être une bonne solution pour que nous puissions continuer de consommer de la viande sans infliger ni aux animaux, ni aux hommes qui travaillent dans les abattoirs des situations hors normes
Errol Henrot a commis là un superbe premier livre militant, à l’écriture quasi clinique avec des envolées poétiques. Un livre qui a du coffre, de la tripe. Un coup de cœur.
Merci les fées des 68 premières fois pour cette perle rouge sang.
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