"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Clara Arnaud ? Je la lis pour la première fois avec Et vous passerez comme des vents fous, titre inspiré d’ « Impromptu », de Hovhannès Chiraz, poète arménien du XXe siècle.
Ma lecture a été passionnante, envoûtante, enrichissante, pleine de tensions, d’interrogations, un immense bol d’air dans ces Pyrénées ariégeoises chères à l’autrice.
Justement, cette autrice, Clara Arnaud, développe une écriture magnifique qui me captive dès les premières lignes avec Jules, jeune Pyrénéen qui n’a qu’un but : capturer un ourson, le dresser, pour vivre ensuite une vie de saltimbanque comme d’autres avant lui. Quelle tension dès ces premières pages, au début de ce printemps 1883 ! Ensuite, la ferrade, chez le forgeron du village est une scène extraordinaire, prenante et révoltante, que Clara Arnaud sait si bien faire vivre et ressentir.
Au même endroit, dans ce hameau d’Arpiet, à notre époque, voici Gaspard qui part pour l’estive avec un impressionnant troupeau de brebis. Il laisse au hameau Lucie, son épouse, et leurs deux filles. Aussitôt, Clara Arnaud m’offre une formidable aventure en montagne, aventure à la fois rude et merveilleuse avec des descriptions précises, jamais lassantes. Hélas, le réchauffement climatique et la sécheresse qui en résulte mettent à mal cette nature au sein de laquelle Gaspard s’apprête à vivre plusieurs mois, même si le souvenir de la tragédie de l’estive précédente le hante régulièrement.
Troisième personnage principal, Alma ; elle est comme une étrangère dans le village d’Arbat dont Arpiet est un hameau. Docteure en biologie comportementale, elle a observé les ours du Kamtchaka à l’Alaska plus d’autres missions destinées à étudier la vie sauvage de plus en plus menacée par l’activité humaine. Mal vue par certains habitants du village, elle travaille pour le Centre National de la Biodiversité afin d’en savoir plus sur le comportement des ours, animaux à la fois fascinants et inquiétants.
Avec une alternance vite addictive, chacun de ces trois personnages revient et je suis impatient de suivre leur évolution. Le travail du berger est bien détaillé. C’est complet, sans complaisance. Par l’intermédiaire de Jean, un ancien, dont les brebis font partie du troupeau emmené par Gaspard, je note que les randonneurs et les touristes perturbent sérieusement la vie sauvage en altitude.
Le métier de berger à l’estive est si bien détaillé que je ressens aussi bien les souffrances que les moments d’intense bonheur. C’est complet comme le détail du travail accompli par Alma, éthologue, qui étudie le comportement de l’ours, cet animal sauvage qui intrigue, passionne, fascine, effraie mais qui doit retrouver sa place dans ces montagnes d’où il avait été chassé. Dans ce roman, notre rapport au monde sauvage est bien détaillé avec toutes les contradictions qui opposent ceux qui veulent tout contrôler, régenter et ceux qui veulent laisser vivre un peu la nature.
Alma relève la moindre trace du passage des ours, touffes de poils, crottes, plus les images captées par des caméras qu’elle essaie de placer aux endroits jugés propices. Hélas, les contraintes administratives, la frilosité de certains responsables et le manque de moyens entravent vite son action.
Tous les problèmes posés par la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées sont là. Ils sont aussi vécus du côté du berger et des pertes inévitables subies par son troupeau. Clara Arnaud n’oublie pas de souligner que l’ours ne connaît pas les frontières et que le côté espagnol est aussi concerné. Le travail des chiens comme les patous – de pastor en occitan - qui savent protéger le troupeau, est bien raconté tout comme l’hostilité manifeste de certains habitants n’hésitant pas à utiliser délation, menaces et… je n’en dirai pas plus.
Clara Arnaud ne délaisse pas Jules et son aventure de montreur d’ours qui l’entraîne bien loin de ses Pyrénées. Elle sait aussi faire vivre la famille de Gaspard et ses retrouvailles émouvantes avant de détailler enfin ce qui est arrivé l’année précédente à Ilia. L’autrice mène son récit de façon rythmée, hachée, rendant bien la panique de ces moments déterminants entre vie et mort.
Quelle écriture délicate aussi puisqu’elle sait bien suspendre le temps avant l’épilogue. C’est généreux, imagé, un vrai régal !
Lauréat du Prix du roman d’écologie 2024, Et vous passerez comme des vents fous fait partie des huit romans sélectionnés pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2024.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/06/clara-arnaud-et-vous-passerez-comme-des-vents-fous.html
si la construction narrative m'a parfois déroutée:je trouve que cela" casse" le rythme ,même si Jules est un personnage intéressant.Une communion avec la nature ,y compris Negra à laquelle on s'attache.Gaspard m'a rappelé le berger du film"un pasteur"de Louis Hanquet même si,lui,c'est le loup son adversaire.
Un excellent moment de lecture en compagnie d'Alma.
Clara Arnaud partage se roman nature writting au coeur des Pyrénées en compagnie d'Alma et Gaspard dand de beaux paysages, l'ours, les troupeaux et plusieurs saisons. Une histoire en France et une autre à New York mis en parallèle.
La plume de l'autrice est sensibles, documentés, immersif, à chaque chapitre une saison, l'écriture est poétique, envoûtante. Une lecture agréable et touchante, Clara Arnaud évoque avec se livre l'écologie et le changement climatique.
L'autrice vient de remporté le Prix du roman 2024 de Version Femina.
"Il douta un instant de la certitude du printemps, de la possibilité même de cette résurrection. Et du retour des percnoptères de leur retraite africaine, de la sortie de tanière des ours, du bourgeonnement des hêtres, comme si questionner ces éclosions leur restituait une valeur magique, et que, à l'égal des Mayas, il eût pu douter du retour du soleil chaque matin, de la course des saisons."
Et vous passerez comme des vents fous est une superbe histoire d’ours et d’hommes dans un décor grandiose, une nature sublime, les Pyrénées.
Trois personnages habitent ce roman. On les découvre au fil de trois récits qui s’entrelacent sur deux époques.
Celui de Jules qui, au printemps 1883, à Arpiet, est à l’affût. La mère ourse vient de sortir de sa tanière après l’hibernation. Il s’y introduit alors, la peur au ventre, et capture un de ses deux oursons. Il va le dresser. Il a choisi son destin. L’Amérique. Il sera montreur d’ours.
Puis de nos jours, celui de Gaspard, un berger pyrénéen. Il s’apprête à remonter en estive avec ses brebis, hanté par la mort tragique d’Ilia, une bergère, survenue un an plus tôt. Depuis l’accident, l’ours a été relégué au rang de tabou absolu, mais pourtant il est au cœur des préoccupations et de l’organisation de l’estive.
Dans le même temps, Alma, éthologue, nouvelle au sein du Centre de la biodiversité, spécialiste passionnée des ours travaille sur la réintroduction du plantigrade dans les Pyrénées, rêve d’une cohabitation apaisée et tente de faire sa place dans une équipe d’hommes.
Les deux trentenaires se croisent de loin en loin, totalement dévoués à leurs missions respectives.
Mais bientôt les attaques d’une ourse les confrontent à leurs failles.
C’est notre rapport à la nature et notre relation à l’ours et au sauvage que Clara Arnaud explore ici brillamment en nous présentant différents points de vue.
Avec Gaspard, si elle décrit bien comment l’estive qui dure plusieurs mois est une période de liberté pour le berger seul sur les flancs escarpés de la montagne avec son troupeau et lui procure quelques moments de grâce, elle révèle également toute la complexité, la technicité et la responsabilité que comporte ce métier qui demande un engagement aussi bien physique que mental.
C’est aussi l’évolution de ce métier qui est abordé dans le récit et les différents avis des éleveurs, ceux qui prônent la cohabitation avec l’ours et acceptent qu’il y ait quelques prédations de la part de l’animal et ceux qui sont farouchement opposés à sa présence sur leur territoire et qui sont prêts à sortir le fusil malgré la réglementation.
Alma, la chercheuse qui met son temps au service de la réintroduction des ursidés dans les Pyrénées sait que l’ours prend place dans une chaîne d’interdépendances, impliquant quantité de plantes, d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens, mais aussi les hommes et leur bétail. Elle reste persuadée qu’une meilleure compréhension de son comportement et de ses déplacements permettrait de limiter les risques.
L’histoire de Jules quant à elle, montre que les ours ont été autrefois présents dans ces vallées et le dressage des ours, une tradition.
Mais rien n’est simple et Clara Arnaud montre bien comment il est difficile de trouver un équilibre et combien celui-ci peut être très rapidement fragilisé.
Et vous passerez comme des vents fous est une véritable immersion au cœur de la montagne, de la première à la dernière page. Le roman nous convie au sein d’un écosystème complet dans lequel l’écologie et le réchauffement climatique sont omniprésents.
J’ai particulièrement apprécié le talent de l’auteure à nous faire partager la beauté, la magnificence des paysages de montagne, à nous faire découvrir toute la vie souvent insoupçonnée des animaux qui y vivent par le biais de ces deux personnages passionnés que sont Alma et Gaspard, tous deux sachant bien que c’est la nature qui fixe les règles.
J’ai aussi trouvé très intéressant et émouvant ce passage de transmission basé sur la confiance, entre Jean et Gaspard.
Loin de vouloir faire un débat entre les pro et les anti, Clara Arnaud propose avec ce roman un magnifique espace de discussion tout en maintenant pour notre plus grand plaisir une dose de suspense.
J’imagine l’important travail de documentation et d’immersion nécessaire pour l’écriture d’un aussi brillant ouvrage. Si les noms des villages ont été changés, ils existent bien et se situent au pied du massif des Trois-Seigneurs rebaptisé dans le récit massif des Trois Reines.
Et vous passerez comme des vents fous de Clara Arnaud, en laissant une grande part à l’imagination, à la rêverie, dans un décor majestueux mais fragilisé, a été pour moi un véritable coup de cœur.
Et vous passerez comme des vents fous est en lice pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2024.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/05/clara-arnaud-et-vous-passerez-comme-des-vents-fous.html
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