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Pourquoi s'embêter à écrire un résumé lorsque la quatrième de couverture est aussi bien ? Pour information, pour les non-Belges -dont moi, je suis Breton, on ne peut pas avoir tous les défauts-, Stavelot est une petite ville, dans la province de Liège, en région wallonne, et la Laetare est une fête traditionnelle avec défilé dans toute la ville. Et pour la macralle, eh bien, je vous laisse la signification découvrir dans le livre..
Livre qui est le troisième de la série avec Guillaume Lavallée, un ex-flic, au passé trouble, toujours à la limite de la loi, pas toujours du bon côté de cette limite. Ses deux premières enquêtes, Le roi de la forêt et Le jugement de Dieu étaient de très belles surprises, et ce troisième opus s'il n'est plus une surprise est également excellent. En fait, tout me plaît. L'intrigue d'abord que Christian Joosten sait rendre captivante jusqu'au bout, sans aucun temps mort. Puis les personnages, entre un Guillaume Lavallée hanté par ses fantômes, une journaliste prête à tout pour un scoop, une commissaire et une libraire qui ne laissent pas les hommes et Lavallée en tête, indifférents, des ex(?)-truands, des flics qui n'aiment pas voir revenir un ex-flic radié de la maison... Cette brochette participe à la tension, à la noirceur du roman. L'ambiance est tendue parce que personne ne se fait confiance, que tout le monde doute de tout le monde.
Puis il y a le pays, la région de Liège entre le 4 et le 13 mars, à une saison où il fait encore froid et humide : "En ce mois de mars, le parc qui cercle l'abbaye de Stavelot est d'une tristesse morne. Les bourgeons hésitent à s'ouvrir et les maigres fleurs n'en sont encore qu'à vainement sortir de terre. Seuls les buis acceptent d'être la caution verte de cet espace. Même l'herbe rase, humide et couchée par le froid et l'hiver récent, fait pâle figure." (p.140) Au contraire de pas mal de polars où les descriptions des lieux et des paysages ne servent qu'à remplir des pages pour donner un gros volume, celles de Christian Joosten augmentent encore la noirceur, poissent davantage le roman. Elles ne sont pas là pour faire joli, elles servent l'atmosphère, l'embrument, la refroidissent.
En outre, avec des formules bien trouvées "Mes yeux cherchent sa photo, cerclée de noir sur le frigo. Avec son Alzheimer, je ne sais même pas s'il sait qu'il est mort." (p.32/33) et une écriture particulièrement soignée, on entre dans la catégorie des polars ou des romans noirs littéraires. Littéraire parce que le style n'est pas banal, passe-partout. Il est bien sûr accessible à tous, mais travaillé, cherche la bonne formule, le bon mot au bon endroit, évite les expressions toutes faites. Du polar. Du noir. Du bon. Du très bon !
Deuxième aventure de Guillaume Lavallée après le troublant Le roi de la forêt et cette dernière est tout aussi troublante. C'est la personnalité du héros qui perturbe et pose question : son passé n'est pas glorieux, il aime la solitude, le sombre, habitent dans des coins reculés, ne fréquente presque personne, est totalement désabusé et frustré d'avoir été contraint de quitter la police et l'envie de résoudre des enquêtes le titille régulièrement. On ne sait jamais vraiment de quel côté il est ni quel jeu il joue. Tout avec lui peut arriver, le pire comme le meilleur.
Pour assombrir le tableau, il y a aussi le contexte géographique et climatique : les environs de Charleroi et ses quartiers les moins bien fréquentés et Sarajevo pendant la guerre. Et lorsque tout est sombre, l'écriture de Christian Joosten rajoute une couche de noir. Fine, jouant avec les indices distribués au goutte à goutte, tant sur l'enquête en cours que sur la vie de Guillaume Lavallée, ménageant le suspense et faisant monter l'intensité. Du noir poisseux, qui colle et dont on a du mal à se défaire lorsque le roman est posé. Bref, du bon !
"Il y a bien deux choses qui tombent l'automne venu sur les voies ferrées : les feuilles mortes et les macchabées. Le point commun entre les deux est, comme le disait si bien Montand, qu'ils "se ramassent à la pelle". Du coup, le commissaire Francis Jean avait cette chanson-là en tête depuis le matin quand on a prévenu le service que le premier omnibus vers Ottignies avait été arrêté en catastrophe entre les gares de Lodelinsart et Fleurus, l'avant du train maculé de sang." (p.13)
Dans l'excellente collection Noir corbeau des éditions Weyrich, le petit dernier est un bijou. La couverture jaune vif laisse présager un peu de légèreté, mais que nenni ! C'est du lourd, du sombre. Une noirceur indéniable portée par une région et ses habitants rudes, taiseux et par des personnages pas très joyeux ni heureux : jalousies et rancœurs, amour, haine,... et surtout renforcée par une écriture au cordeau qui ne s'embarrasse pas de fioritures tout en restant élégante. Même les descriptions des lieux qui parfois sont inutiles et longues dans un roman policier jouent ici un rôle : "Une banquette de bois recouverte de ce Skaï épais dont on inondait les snacks pseudo-américains dans le début des années 1970 m'invite à me poser. Un rose initialement criard, devenu pastel au fur et à mesure des décennies, recousu par endroits et puis des sets en papier pour masquer les griffes et manques d'une table en Formica." (p.126); Voilà, en quelques lignes, le décor est planté, tout est dit et tout le monde visualise.
C'est lent, c'est sombre, les personnages eux-mêmes ne sont pas des flics à l'étasunienne qui dégainent à la moindre occasion. C'est la confession d'un homme et l'aveu de ses zones d'ombre, des actes dont il n'est pas fier et qui sont pour beaucoup la cause de sa morne vie de couple. Guillaume Lavallée est un flic atypique qui a réussi à s'intégrer dans cette communauté rurale de Belgique, qui y vit depuis trente ans mais l'on sent bien qu'un petit couac pourrait le faire repasser dans la case des étrangers.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de Christian Joosten et la construction de son roman entre l'année 2006 et la découverte des corps et les retours en 1976, l'année de l'arrivée de Guillaume Lavallée dans ce pays et de la disparition de l'amie de Françoise. Christian Joosten écrit-là son premier roman policier et je dois dire qu'il m'a bien bluffé, jusqu'au bout. Une maîtrise incroyable du suspense et des retournements de situation. Il se murmure que ce serait le premier d'une série avec Guillaume Lavallée, j'avoue que je suis intrigué de voir ce bonhomme évoluer tant il détonne dans ce monde du polar.
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