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Léa est tout juste majeure, elle sort de l’hôpital où depuis quelques années elle enchaîne les séjours. Léa évoque très rapidement les raisons qui l’ont poussée un jour à arrêter de s’alimenter, mais s’attarde de façon imagée et très poétique sur son état du moment « Ma vie est un carré blanc sur un fond blanc. Comme une toile de Kasimir Malevitch. Atone au premier regard. Plus subtile que ça dans le fond ».
Un jour où elle monte sur le toit de son immeuble, elle qui se dit « faite pour les équilibres instables », prend conscience qu’elle seule a les clés de sa guérison.
Elle se lance un défi : savoir si on peut avoir un vrai destin, être heureux en habitant à une adresse ordinaire dans une ville quelconque. Quelconque mais pas n’importe laquelle : le 21 bis avenue du Maréchal Joffre, que l’on soit à Houilles (Yvelines) ou ailleurs. Et même le ailleurs fera l’objet de recherche pour le choix final des quatre villes / personnes sélectionnées.
Pour relever ce défi, elle doit partir, seule, couper le lien avec ses parents. Sa mère, qui a mis sa vie entre parenthèses, voire arrêté de vivre pour s’occuper de sa fille, se sent lâchée, abandonnée. Son père redoute son départ, mais la laisse partir, plus ou moins conscient des conséquences que cela pourra avoir sur l’équilibre familial.
Léa part ainsi à la rencontre des habitants du 21 bis avenue du Maréchal Joffre à Mérignac, Biarritz, Tarbes et enfin La Colle-sur-Loup. Chacun leur tour, chacun à leur façon, Joseph, Milo, Marceau et Garance joueront un rôle crucial dans la reconstruction de cette jeune femme à la fois fragile et si forte, et surtout étonnante et bouleversante. Mais je vous laisse les découvrir.
J’ai aimé la construction alternée du roman entre le récit de Léa, à la première personne, et celui de tous les autres protagonistes, à la troisième personne. Alors oui c’est parfois un peu tiré par les cheveux, certainement improbable de voir les planètes s’aligner aussi facilement, mais malgré tout cela, ce roman m’a laissé une jolie note de fraîcheur, de douceur, de bonheur simple, de retour à l’essentiel, et ça fait du bien.
"Je m'appelle Joséphine Ikeda. Joséphine parce que je suis née en France. Ikeda, pour mes parents japonais. Je suis cheffe de partie poisson. J'officie depuis deux ans au sein d'un étoilé. J'ai choisi ce métier. (...)
Je suis la seule femme de la brigade. Curiosité pour certains, aberration pour d'autres. Les derniers me considèrent comme l'opportunité d'un coup pratique à consommer sur place. Dans la chambre froide, le laboratoire ou ailleurs.
Je n'ignore rien de la violence en cuisine. Je vis avec. Je la tien à distance. Jusqu'à aujourd'hui. Je pense encore, alors que je suis à terre, que le sexisme n'est pas un passage obligé. J'ai tout faux. Les exigences de la haute gastronomie autorisent des dérives, des abus, du harcèlement, sans que cela ne dérange personne. J'aurais peut-être dû céder la première fois, mettre mon cerveau en pause le jour de mon arrivée dans cette cuisine ? Le message du chef avait été clair, j'étais bien la seule à être passée à côté. (...)"
Ça, c'est la page 12 de La sourde oreille, le nouveau et surprenant roman d'Anne de Kinkelin. Autant vous dire qu'on va parler sexisme, identité et cuisine gastro...
Joséphine Ikeda, cheffe de partie poisson, s'est fait agresser. Travailler 70 heure/semaine pour gagner 1300 euros, Joséphine s'en fout. Ce qui compte pour elle, c'est couper, trancher le poisson, réaliser des mets aux saveurs uniques.
Faisant fi des brimades, des réflexions sexistes et racistes qui ont jalonné son parcours, Jo a choisi ce métier malgré des codes toujours régis par la gent masculine. C'est après le succès d'un dîner important que le drame se produit aux yeux de tous et se poursuit avec son renvoi. La cause ? Divers prétextes aussi stupides les uns que les autres couvés par une violence inouïe. Exemple : une femme aurait l'interdiction de préparer des sushis car elle a les mains chaudes. Bref, vous l'aurez compris, le fait d'être une femme justifie les moyens...
Choquée, Jo rentre chez elle une dorade sous le bras et se réveille le lendemain avec un handicap : la perte partielle de l'audition. Si cette perte à de quoi surprendre, elle est d'autant plus troublante qu'elle ne vise que les voix masculines ! Coupée de la moitié de la population mondiale, serait-ce le signe d'un besoin de changement inconscient ?
Entourée de Simone et d'Olympe, deux amies aussi passionnées qu'elle, la cheffe de partie réfléchit à ce qu'est et sera sa vie. Et si elle trouvait les réponses auprès de ses parents et du restaurant familial breton ? Remonter le fil de ses origines, lever le voile du passé familial pour comprendre, peut-être, le phénomène qui l'atteint ?
Tandis que les interrogations se bousculent, une colère sourde mijote. Joséphine cédera-t-elle à la vengeance ?
Roman sociétal et féministe par bien des aspects, celui-ci traduit le malaise ambiant d'une profession encore majoritairement masculine. La question repose sur la place qu'ont les femmes en brigade ou plutôt celle qu'on veut bien leur donner, et le mépris avec lequel on les traite, comme l'exprime l'auteure à travers cette phrase :
- C'est vrai, Jo. Regarde, quand les femmes font une cuisine traditionnelle et classique, on dit que c'est de la cuisine de maman. Quand les hommes le font, on applaudit parce qu'ils révisent le répertoire.
Avec une succession de plats gastronomiques aussi succulents les uns que les autres, s'oppose le dégoût des coulisses donc.
L'identité comme point commun avec son précédent roman (12 bis, du Maréchal-Joffre), donne une saveur particulière à celui-ci puisqu'il démontre la condition féminine intergénérationnelle et intra-familiale.
Pour qui ? Pourquoi ?
Documenté, fluide et riche, La sourde oreille est le bouquin qu'il vous faut pour les vacances, et pourquoi pas entre deux lectures de plage.
Pour celles et ceux qui aiment la gastronomie et qui ne s'arrêtent pas aux portes des cuisines !
Un énorme merci aux éditions HarperCollins qui m'a fait parvenir ce roman à ma demande, moi qui ai adoré "12 bis, du Maréchal-Joffre".
Lien blog : https://bookncook.over-blog.com/2021/06/book-n-furious-la-sourde-oreille-anne-de-kinkelin.html
Doux, poétique et d'une bienveillante mélancolie, laissez-moi vous présenter le roman que j'aurais aimé écrire : 12 Bis, avenue du Maréchal Joffre, d'Anne de Kinkelin et édité dans la très belle collection Traversée chez Harper Collins. Maison d'édition que je remercie chaleureusement pour l'envoi de ce livre très réussi. Pour preuve ces quelques phrases :
"Je suis une vraie-fausse malade. Vraie, parce que mes parents passent leur temps à me regarder avec des yeux condescendants. Fausse, parce que ma maladie ne rentre pas entièrement dans le Vidal."
De cet extrait de première page, l'auteure pose l'ambiance de son second roman en quelques phrases. de la maladie il sera question, un peu, mais surtout du questionnement intérieur d'une jeune femme en pleine rupture familiale.
Cette fille c'est Léa. 18 ans à peine au compteur et une habituée de l'hôpital depuis près de 10 ans. Son mal ? Une anorexie émotionnelle qui passe par l'assiette.
"J'ai perdu le goût de l'assiette le jour où j'ai oublié de sourire." dit-elle. Ça ne s'invente pas...
Alors elle se réfugie sur son toit et observe la banlieue parisienne rêvant de déambuler, elle aussi, dans quelques rues du monde. Et soudain, une révélation, enfin ! Prisonnière du regard et de l'attention parentale, Léa prend conscience du malaise. Fraîchement diplômée du bac et l'été pointant le bout de son nez, c'est décidé, Léa part à l'aventure. Oui, mais pour aller où, comment, dans quel but ???
Prendre une adresse. Et pourquoi pas la sienne, le 12 Bis avenue du Maréchal-Joffre ? Rien ne lui plaît dans celle-ci. Mais peut-on avoir un destin avec une adresse aussi banale ? En choisissant au hasard quatre habitants du "12 Bis", c'est décidé, Léa part à la conquête d'elle-même.
De Mérignac à La-Colle-sur-Loup en passant par Tarbes et Biarritz, la bachelière sillonne le sud, son coeur palpitant un peu plus au gré des rencontres. Léa retrouvera-t-elle le goût du sourire ? Et si cette quête lui ouvrait enfin les yeux sur ses parents et peut-être retrouvez une place auprès de sa mère ?
Histoire d'une naissance , d'un envol, d'une liberté, ce roman est avant tout celui d'un apprentissage. L'apprentissage des émotions, des autres, de soi, avec dans l'ombre toujours ce rapport au corps et la maladie.
Ponctuée de phrases courtes et percutantes qui m'ont d'ailleurs fait penser à Loulou Robert, cette histoire résolument optimiste révèle une poésie écrite avec beaucoup de sincérité et de simplicité.
Émouvant et terriblement élégant craquez pour cette invitation au voyage.
Prêt pour ce nouveau podcast ? Retrouvez cette chronique tous les jeudis sur ZED, webradio francophone qui émet depuis le Chili ainsi que sur Allô la Terre.
Lien blog : http://bookncook.over-blog.com/2020/08/12-bis-avenue-du-marechal-joffre-anne-de-kinkelin-9.html
C'est l'histoire de Léa, une jeune femme, anorexique depuis huit ans déjà, perdue dans ses émotions.
C'est l'histoire de son émancipation, de sa quête existentielle, de sa reconstruction, de son besoin de vivre, de sa renaissance.
Nous la suivons dans cette quête qui paraît insensée, ou tout du moins inconsidérée, avec un questionnement étrange : Peut-on vivre à une adresse banale, et avoir un destin ?
Elle décide donc de prendre ce fameux destin en main, de sortir de la case qu'on lui a attribuée, elle, la jeune femme malade, et dans laquelle elle s'était endormie. Elle décide de prendre sa vie en main, hors du carcan familial, et de partir en voyage, en quête de soi.
Pour répondre à son questionnement, elle choisit 4 personnes, qui vivent à la même adresse banale, mais dans 4 villes françaises différentes.
Une idée, qui semble saugrenue, et qui lui vaut des accueils variés, déstabilisants, étonnants, voire même déplaisants... mais chaque rencontre apporte de l'eau à son moulin de la vie.
Au fil de son périple, elle vit une réelle renaissance, mais en chemin, et dès son départ, elle bouleverse la linéarité de son existence, ce qui, par un effet de dominos, risque bien d'avoir des conséquences dans la vie d'autres personnes.
N'oublions pas que nous sommes tous interconnectés, nous, humains sur la planète Terre. Si nous semons des graines, il est probable que la vie refasse surface, évolue, change, prenne une autre dimension.
J'ai grandement apprécié de suivre Léa dans son périple et sa quête de sens. Et j'ai beaucoup aimé la plume de l'auteure, tout en sensibilité, délicatesse, douceur, poésie.
N'êtes-vous pas en ce moment en train de ressentir des picotements dans vos jambes... comme une vie de voyage ?
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