Le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue.
Cette semaine, nos deux explorateurs ont lu « Appelez-moi Lorca Horowitz » d’Anne Plantagenet (Stock)
L’avis de Nathalie :
Ce roman est original. On suit les voix de l’auteur et du personnage qu’elle a choisi Lorca Horowitz. Lorca est une secrétaire dans un riche cabinet espagnol d’architecte dirigé par les Pereire. Cette femme qui est au cœur d’un fait divers fascine l’auteur et lui permet de s’interroger sur sa vie en parallèle au récit de cette affaire.
La narration qui mêle la fois le « je » de l’auteur et les pensées confuses, revendicatives de la secrétaire provoque un décalage de voix qui est intéressant. L’auteur nous parle de ses pensées intimes, de son rapport à l’amour, l’Espagne. Elle cherche à comprendre pourquoi elle a été fascinée par cette femme, pourquoi elle éprouve de l’empathie pour elle au lieu de l’empathie pour ses riches patrons. Le roman est aussi le récit d’une transformation totale, d’une usurpation d’identité, de place puisque la secrétaire se met peu à peu à singer sa riche patronne jusque dans les moindres détails. Le récit de son malaise, de sa vie difficile, de son amour obsessionnel pour Julian sont bien décrits. J’ai aimé cette plongée dans l’intimité de l’auteur et de son double que devient peu à peu Lorca.
C’est avant tout un roman sur la psychologie et les ressorts de cette femme, par sur le fait divers en lui-même mais sur des détails pour les enquêteurs qui interpellent l’auteur. J’ai apprécié cette mise en abîme, cette quête et la réflexion introspective de l’auteur sur sa propre vie. Par moment, la narration de Lorca est difficile à suivre mais comme l’auteur on veut comprendre pas par voyeurisme mais à cause de la singularité des actions de Lorca pendant plusieurs années. Lorca devient peu à peu un personnage de fiction mais qui a de l’épaisseur au fil du texte de petite secrétaire insipide à la une des journaux espagnols. Peu à peu on s’éloigne du pourquoi, elle a fait ça et la réussite de l’auteur est de maintenir un cap, un rythme vers la découverte de ce personnage. On cherche plus comme elle à la comprendre et ses réelles motivations passent au second plan. La réflexion sur l’écriture, la transformation de la réalité par un écrivain, ses mécanismes sont fascinants.
Donc poursuivez l’enquête et rentrez dans la tête d’une auteur, de ses doutes, du matériel de l’écrivain avec le personnage de Lorca.
© nathalie eirenamg
L’avis de Florence :
Anne Plantagenet nous raconte l’histoire de cette secrétaire espagnole qui avait envie de ressembler à sa patronne pour simplement enfin exister après un vécu terne et sans intérêt. Dès le début de ce roman l’auteur arrive à nous plonger dans ce monde de l’usurpation de personnalité, à la construction de cette nouvelle personnalité et jusqu’à la dernière page on peut voir la transformation s’accomplir avec minutie de la part de Lorca Horowitz.
L’auteur a choisi de construire son roman en alternant les chapitres sur ce fait divers et des chapitres sur ses réflexions existentielles.
Dès les premières pages de ce roman, j’ai été happée par ce fait divers d’usurpation mais également émue par le témoignage de l’auteur sur son ressenti vis-à-vis de sa vie, sur ce besoin de mouvement, de renouvellement. L'écriture est vive et m’a tenu en haleine jusqu’à la fin.
J’ai aimé cette atmosphère oppressante, on imagine et on voit bien la construction par Lorca Horowitz d’un plan macabre pour s’emparer d’une autre vie que la sienne.
Peut-être un petit bémol sur la fin que j’ai trouvé un peu « bâclée » et la disparition soudaine du témoignage de l’auteur m’a laissée sur « ma faim ».
© Florence Husson-Gomez