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"C’est étrange, très étrange que jamais personne, aucune autre cubaine n’ait écrit un texte comme celui-ci"

Wendy Guerra, auteur de "Un dimanche de révolution" (Buchet-Chastel) répond à nos questions

"C’est étrange, très étrange que jamais personne, aucune autre cubaine n’ait écrit un texte comme celui-ci"

C’est en Espagne et non à Cuba que son premier roman, Tout le monde s’en va, a été publié en 2006. Dans Un dimanche de révolution (Buchet Chastel), Wendy Guerra reprend le motif de la création artistique dans un pays aux libertés contrôlées pour raconter le parcours d’une poétesse cubaine. Le roman n’a pas laissé les lecteurs de lecteurs.com insensibles. Wendy Guerra a accepté de répondre à leurs questions, avec l’aimable traduction de l’équipe éditoriale de Buchet-Chastel.

 

Un dimanche de révolution est-il une fiction ou la réalité ? Est-ce la une réelle situation pour vous que cette recherche à être reconnue dans votre propre pays, ou vous êtes vous inspirée de faits réels vécus par des personnes de votre entourage ? 

Et aujourd'hui qu'en est-il de cette demande de reconnaissance ?

L’homme a toujours écrit à partir de son propre contexte, de sa relation à la réalité qui l’entoure. Beaucoup de ces dramaturgies se fraient un chemin en nous, de façon puissante et emphatique. Ma mère, mes meilleurs amis, légion d’artistes et d’intellectuels qui ont cohabité avec nous et ont connu l’exil, ont vu ces situations domestiques terribles leur barrer la route ; mais pour un écrivain, ce qu’elles ont de difficile est intéressant parce que c’est cela même qui lie les uns aux autres ces conflits en vue de créer un drame sincère et crédible.

Nous, auteurs de fiction, avons une dette envers nos bourreaux, nos oppresseurs et ceux qui tentent de nous empêcher de respirer, car ils ont permis la création des grandes trames humaines dont on se souvient aujourd’hui dans la littérature. Sans le cauchemar qu’est de vivre dans une société censurée, fermée, cette libre et insatiable façon de chercher la lumière, de créer, depuis toujours, des libertés individuelles, n’aurait jamais existé.

 

Votre histoire raconte avec beaucoup de précision et de détails la situation de Cleo à Cuba. Avez-vous, à l'image de Cleo, subi cette vie surveillée, et les oppressions qui pèsent sur les intellectuels ? Ressentez-vous tout comme elle ce déchirement entre votre île natale et la liberté ?

J’aime vivre sur mon île, même si ce geste est un exercice de rappel aux autorités de ce qu’un jour nous aurions dû être, avons voulu être : la plus grande utopie libertaire latino-américaine. Malgré la gauche que nous avons au pouvoir je continue de me définir comme une femme de gauche, je ne me reconnais pas dans la droite, j’ai hérité ce sentiment de mes parents, et comme Cleo je tente de résister dans une île entourée de toutes parts d’eau et de politique. Cleo et moi, Cleo et Dulce María Loynaz, Cleo et ma mère, Cleo et les milles, millions de femmes silencieuses qui écrivent aujourd’hui sans le dire dans mon beau pays, une terre d’infini,  donnons un sens particulier aux pages de ce livre.

Je n’ai jamais pensé que je serai celle qui écrirait une histoire sur une femme – qui deviendrait le symbole d’autres femmes – qui ont été anéanties socialement, dans l’ indifférence, le mutisme et la castration littéraire, car comme on le sait au XXIe c’est une humiliation de demander à une femme de se taire, une honte de faire disparaître d’une île réputée pour sa culture une de ses habitantes. Cleo et moi partageons la censure, la surveillance, et la peur d’être écrasées par le profond machisme léniniste qui aujourd’hui nous traîne jusqu’à l’aéroport international José Marti… la plupart d’entre nous, en revanche, voulons résister, vivre là où nous sommes nées : à La Havane. Cuba.

C’est étrange, très étrange que jamais personne, aucune autre cubaine n’ait écrit un texte comme celui-ci, ou sans doute… n’ont-elles pas osé s’aventurer dans la profonde douleur que provoque le silence.

 

 

Avec les questions de régine berlinski et Léane Belaqua

 

 

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