"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
" C'est à la frontière de la douleur et de la souffrance qu'un garçon devient un homme ", affirmait Emil Zátopek. C'est précisément en repoussant constamment les limites de son propre corps que l'athlète tchèque est devenu le phénoménal coureur à pied que l'on connaît et un des sportifs les plus célèbres de l'histoire. Sa victoire sur le 10 000 mètres et sa deuxième place sur le 5 000 mètres aux Jeux olympiques de Londres en 1948 n'étaient qu'un début. Trois médailles d'or à Helsinki quatre ans plus tard et un triplé resté inégalé depuis ont fait de lui une légende. C'est pourtant un succès plus important encore qu'il a alors remporté en contraignant le régime communiste à autoriser la participation aux Jeux olympiques de son collègue Stanislav Jungwirth, initialement sanctionné pour des motifs politiques. Le scénario signé Jan Novák et la réalisation visuellement enivrante de Jaromír 99 nous font revivre quelques uns des plus grands moments de la carrière d'Emil Zátopek ainsi que sa rencontre avec Dana, l'amour de sa vie.
Cher Marie Moinard *,
Combien sont les sportifs qui, désormais, tutoient les Dieux ? Les regardent dans les yeux ? Peu ! Très peu ! Mohamed Ali bien entendu. Mais aussi Emil Zatopek !
Sachez, chère Marie, que le triple médaillé aux Jeux Olympiques d’Helsinki coure encore à l’Olympe, chaque jour, sur Marathon. Jupiter s’en délecte quotidiennement de voir ce fébrile petit homme allez plus vite, plus loin, plus fort qu’Éole.
Sur terre, bénit soit ceux qui ont vu, en vrai, courir Zatopek, compter ses foulés sur la piste de terre plane et ovale de 400 mètres, en synthétique sur asphalte. S’effrayer en regardant le visage du champion torturé pendant la course. Comment peut-on en arriver là ? Pour quelle cause ? Pour la victoire, chers amis, pour la victoire ! Bénit soit ceux qui ont perdu contre Zatopek. Sachez que c’est un honneur et un privilège. La défaite parfois se mue en récompense.
L’homme aux bottes (Bata) de 7 lieux m’apparaît dans cette bande dessinée (par Jaromír 99) en super-héros. Ses pouvoirs ? Son opiniâtreté, sa confiance en lui, sa ténacité…sa fidélité.
C’est évidemment, chère Marie, un bel ouvrage ! Savez-vous ce qu’il me vient à l’esprit maintenant que je l’ai lu ? Je m’en vais le glisser dans ma bibliothèque. Pas n’importe où d’ailleurs. En bonne place. Pour qu’il se voit. Pour que je puisse le retrouver au premier coup d’œil. Comme un objet qui me rassure. Notre environnement est fait de tout un tas de petites choses, qui, posées, toujours au même endroit, gardent l’équilibre (telle la déesse Maât) de notre monde intérieur. Je le reprendrai de temps en temps, pas trop souvent. Ce qui est rare est précieux. Et surtout, il faut qu’il soit visible pour mes hôtes, mes amis, mes passagers d’un jour. Alors, avec précaution, entre le fromage et le dessert, je le sortirai. Je glisserai ce que je sais, en fait bien peu, de ce coureur invétéré. Sans être érudit, je leur montrerai l’impression très particulière de cette bande dessinée. Un plongeon graphique dans les années 50 en Tchécoslovaquie. Je leur expliquerai, avec délectation, que chaque planche rappelle les affiches patriotiques de ces années de plomb. Hautes en couleur rouge et turquoise et rouge brique. “Étonnant, non ?”
Puis, je m’arrêterai sur quelques planches “regarder chers amis, celle-ci, puis celle-là !” “Et sentez, cette odeur !” “Oui, sentez ce livre.” Mes amis, polis, acquiesceront à mes propos dithyrambiques sur l’olfactif de ce livre. “Étonnant non !”
Puis, avoir leur avoir indiqué d’acheter l’ouvrage (évidemment !), je me délecterai de leur raconter mes quelques lectures en ce domaine. Il faut savoir, parfois se gargariser auprès des siens. Je leur parlerai bien sûr de l’ouvrage de Jean Echenoz : “courir” ! Une bible en la matière. Et puis nous reviendrons à table distiller quelques banalités. Qui sommes-nous à côté du héros des courses à pied ?
Chère Marie, vous perpétuez en ce livre le souvenir de “Topek”. D’ailleurs que reste-t-il de cette “bête de somme” chez la jeune génération de coureurs ? C’est ce que j’ai demandé à l’un d’entre eux, Hugo Hay, récent champion de France espoirs : “Pour moi c’est d’abord le “100x400m”. C’est l’un des mythes qui se transmet de génération en génération sur la piste. C’est vraiment l’image d’un bourreau de travail, de l’entraînement à l’ancienne, sans réflexion scientifique et physiologique comme maintenant, mais plutôt dans l’idée toujours plus.”. La vérité vient de la bouche des jeunes coureurs.
Preuve de sa forte popularité, Zatopek est même dans les kiosques. Un magazine porte son nom : “Zatopek magazine”
J’ai retrouvé un article du Temps, de Yves Terrani, le lendemain de la disparition du champion en 2000 : “il n’était pas beau à voir, mais il courait vite”.
Chère Marie, Cette bande dessinée est belle à voir, alors courons vite…l’acheter !
* éditrice chez Des Ronds dans l’O
https://blogs.letemps.ch/sebastien-beaujault/2018/05/17/chere-marie-moinard/
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