En 1768 paraît l'ultime ouvrage de Laurence Sterne, Voyage sentimental à travers la France et l'Italie. À une époque où les Anglais semblent pris de fièvre pérégrine et où se multiplient guides, instructions et comptes rendus à l'usage des voyageurs, Sterne déjoue les attentes des lecteurs. Ce livre, comme le précise la postface, est « un recueil d'impressions personnelles, intimes, reçues en courant, au jour le jour ; sorte de journal de l'âme que l'écrivain est maître d'arrêter où bon lui semble, ou plutôt qui s'arrête de lui-même, quand les éléments d'impression viennent à manquer. » L'auteur visite la France et l'Italie avec un esprit ouvert, observe et relate avec empathie des coutumes et des moeurs qui lui sont étrangères. Il faut donc entendre le mot sentimental sous deux acceptions principales : la première concerne bien cet état d'esprit du voyageur curieux et épris du pays qu'il visite, enclin à beaucoup d'indulgence. La seconde est celle de l'homme amoureux, ayant noué des amours extraconjugales, hanté par une liaison dont il se trouve éloigné, mais également réceptif à tout signe de sensualité émanant des rencontres féminines que son voyage lui procure.
Les six parties de notre ouvrage, en écho aux six expositions présentées de septembre à décembre 2009 - pour la plupart dans différentes villes situées sur le parcours de Laurence Sterne en France -, reprennent la thématique du voyage sentimental en y confrontant la création contemporaine : le caractère sentimental, au sens où on l'entendait au XVIIIe, est-il compatible avec la création d'aujourd'hui ? Dans les collections des Frac, constituées maintenant depuis un quart de siècle, peut-on y trouver quelque écho ? L'ouvrage questionne le vagabondage mélancolique et nostalgique d'un profond humanisme, le périple entre dialogue intérieur et découvertes hasardeuses, le passage d'une frontière à l'autre, d'un pays à un autre, d'un champ artistique à un autre, mais aussi les esthétiques du divertissement et de l'artifice, la typologie du voyageur ou l'objet consubstantiel au voyage même, la malle.
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