"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ça commence comme une nouvelle d'Alice Munro : lors d'un déménagement, une romancière est abordée par sa voisine du dessus qui l'a reconnue, et l'invite chez elle pour parler de Charlotte Delbo.
Ça continue comme un récit d'Isaac Babel. Car les parents de Jenny, la voisine née en 1925, étaient des Juifs polonais membres du Bund, immigrés en France un an avant sa naissance.
Mais c'est bien un livre de Geneviève Brisac, un « roman vrai » en forme de traversée du siècle : la vie à Paris dans les années 30, la Révolution trahie à Moscou, l'Occupation Jenny et son frère livrés à eux-mêmes après la Rafle du Vel' d'Hiv, la déportation des parents, la peur, la faim, les humiliations, et l'histoire d' une merveilleuse amitié... Le roman d'apprentissage d'une jeune institutrice douée d'une indomptable vitalité, que ni les deuils ni les tragédies ne parviendront à affaiblir.
Ça se termine à Moscou en 1992, dans la salle du tribunal où Staline fit condamner à mort les chefs de la révolution d'Octobre, par la rencontre improbable mais réelle entre des « zeks » rescapés du Goulag et une délégation de survivants des camps nazis.
A l'écoute de Jenny, Geneviève Brisac rend justice aux héros de notre temps, à celles et ceux qui, dans l'ombre, ont su garder vivant le goût de la fraternité et de l'utopie.
L’auteur aménage dans un nouvel immeuble et sympathise avec une voisine, Jenny, qui, au fil des jours lui raconte sa vie.
Née en 1926, ses parents étaient des juifs polonais athées, aux idées très larges.
On parcourt ainsi l’Histoire, de 1930 à nos jours.
Jenny a eu une existence très exposée, surtout dans sa jeunesse, mais jamais ne se plaint. C’est une personnalité très attachante.
Certes, tous ces évènements horribles ont déjà été dits et redits, mais en même temps ils ne le seront jamais assez.
Et ils continuent à nous glacer.
Le fait que ce soit un témoignage actuel les rend encore plus poignants.
Ce petit livre, petit par sa taille et par son nombre de page, est un magnifique roman dont le sujet n'a évidemment rien d'original mais qui apporte un énième témoignage sur les atrocités de la seconde guerre mondiale.
C'est l'histoire d'Eugénie Plocki rescapée de la rafle du Vel d'Hiv, cette jeune fille de 16 ans issue d'une famille juive polonaise se retrouve seule avec son frère. Ce roman retrace l'enfance d'Eugénie, ses souvenirs et ses espoirs, du moment où sa famille quitte la Pologne à aujourd'hui; elle évoque l'installation de sa famille, l'extrémisme, la peur, la déportation puis la vie sans ses parents accompagnée de son frère. Elle évoque également l'après guerre et son engagement politique, ses convictions.
Alternant passé et présent cette histoire qui se lit rapidement, des pages pleine d'émotion mais sans patho car Eugénie ne se plaint jamais, ne regrette rien de sa vie et a avancé sans haine suivant ses idéaux et son envie de vivre. S'engager pour ne pas oublier, se battre pour lutter contre le désespoir.
Le récit alterne aussi entre le témoignage d'Eugénie et les ressenties de la narratrice en de courtes phrases qui sonnent comme un appel à l'urgence, vite, dire se que l'on a vécu pour ne pas oublier, pour ne pas faire taire les voix du passé, celles qui ont encore beaucoup de choses à nous apprendre avant qu'il ne soit trop tard.
Un bel exemple de liberté dans lequel je me suis laissée emportée avec un grand plaisir.
Vie de ma voisine est une oeuvre littéraire originale qui situe entre la biographie et le roman. Ce projet littéraire est venue à l'esprit de Geneviève Brisac après avoir échangé longuement avec sa nouvelle voisine, désormais amie, Jenny Plocki. Au tout début de leur rencontre, c'est d'une autre femme qu'elles ont parlé : l'écrivaine Charlotte Delbo qui n'est plus de ce monde. Charlotte et Jenny étaient amies. Elles avaient entre autres comme point commun d'avoir subi, directement pour la première et indirectement pour la seconde, le traumatisme de la déportation des juifs durant la seconde guerre mondiale.
Née en 1925 de parents juifs polonais immigrés en France avant sa naissance, Jenny Plocky a perdu ses parents lors de la rafle du Vel'd'Hiv. Se retrouvant seule à dix-sept ans avec son jeune frère, elle a dû faire face à la terrible absence de ses parents puis se résoudre à leur disparition définitive, quand elle a compris qu'ils ne reviendraient pas. Toute sa vie, elle a cherché à reconstituer ce qui s'est passé entre le moment où ses parents ont quitté le Vel'd'Hiv et celui où ils sont morts, ce qui ne l'a pas empêchée d'aller de l'avant.
Geneviève Brisac relate assez longuement l'enfance de Jenny. Une enfance pauvre mais heureuse. Entourée par un père très cultivé et une mère au grand sens pratique, Jenny a grandi dans un foyer uni qui tout fait pour s'intégrer en France. Elle travaillait très bien à l'école et faisait la fierté de ses parents. Leur sérénité sera anéantie par la montée du nazisme. En 42, après la déportation de ces derniers, Jenny continuera à aller à l'école, soutenue par son amie de toujours et les parents de cette dernière. Elle deviendra institutrice.
Sans le drame qui l'a touchée alors qu'elle était adolescente, Jenny aurait peut-être été une personne différente, moins engagée. Elle a milité toute sa vie contre les injustices et espéré un monde meilleur. Combative, elle n'a jamais baissé les bras. C'est une grande partie du siècle que nous balayons avec ce récit. Si la shoah occupe une grande place, il est question également de l'évolution des idées (mai 68, la place des femmes dans la société...).
La vie de Jenny Plocky méritait plus que le détour et Geneviève Brisac l'a couchée sur le papier avec originalité, mêlant ses propres réflexions à celles de sa nouvelle amie. Toutes deux ont en commun l'amour des livres et de la culture et cette complicité transparaît au travers des lignes de l'ouvrage.
En faisant des recherches sur Jenny Plocky, j'ai trouvé un témoignage vidéo passionnant et bouleversant qui complète ce que l'on apprend dans le roman (ici).
Une lecture émouvante et enrichissante.
Lien : http://livresselitteraire.blogspot.fr/2017/03/vie-de-ma-voisine-de-genevieve-brisac.html
A travers ce bouleversant roman, Geneviève Brisac rapporte ses échanges avec Jenny, une force de la nature, une femme engagée politiquement qui n’a jamais renié ni ses origines, ni ses convictions.
Les « je » de l’auteure et de Jenny se confondent en une seule voix, celle du présent et celle du passé. Vie de ma voisine est la traversée du siècle à travers les yeux d’une enfant, les souvenirs d’une vieille dame remplie de vie et d’espoir. De leur arrivée en France, à la montée de l’extrémisme, de leur voyage en Pologne durant l’occupation en passant par la déportation de ses parents, la faim, la misère de deux enfants livrés à eux même. Puis l’après-guerre, Mai 68 et les commémorations, rien n’est laissé au hasard. Tout est inscrit, avec précision et émotion. Emotion qui nous submerge à chaque page grâce à une écriture qui se fait vive, concise, comme pour appuyer sur ces souvenirs qui pourraient à tout moment disparaître.
Ainsi la plume de Geneviève Brisac se fait l’écho d’une vie mais aussi d’un témoignage collectif.
Elle dresse le portrait d’une femme rayonnante qui ne manifeste aucune haine ni aucune rancœur et qui aura toute sa vie avancé en écoutant son cœur, qui aura vécu pour transmettre aux autres sans jamais renoncer à ses idéaux.
Ce livre est un double hommage vibrant : celui d’une femme à sa famille, à une mère déterminée, éprise de liberté, à un père aimant, aux convictions fortes. Et celui d’une voisine à une femme admirable devenue une amie et qui brille par son courage.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2017/02/vie-de-ma-voisine-de-genevieve-brisac.html
Geneviève Brisac nous raconte ici la vie de sa voisine. Suite à un déménagement, elle a rencontré cette voisine, "Eugénie, dite Jenny, dite Nini", institutrice de classe préparatoire, née en 1925. Jenny l'aborde un jour pour lui parler de Charlotte Delbo car elle a entendu Geneviève Brisac parler de cette résistante dans une émission.
Réunies par l'amour des livres, très vite Geneviève Brisac et Jenny se lient d'amitié. Peu à peu Jenny va lui confier son histoire et Geneviève Brisac va écouter, questionner et accompagner, "elle réinvente le plus loyalement possible la vie de Jenny"
Dans le récit leurs voix se fondent, " les temporalités et les topographies" se mêlent, aboutissant à un texte serré, haché.
Les parents de Jenny étaient des émigrés juifs polonais, militants politiques. Son père l'emmenait en manifestation alors qu'elle n'avait que 9 ans, avec ses parents elle a vu arriver les mesures anti-juives en 1936.
Leur vie bascule le 16 juillet 1942 lorsqu'un ancien voisin policier frappe à leur porte et les arrête. C'est la rafle du Vel d'Hiv...
Les enfants français sont autorisés à quitter le lieu de regroupement, or Jenny et son frère sont devenus français par déclaration à leur naissance. Leurs parents, contrairement à la plupart des autres parents, font le choix d'indiquer que leurs enfants sont français pour qu'ils échappent à la déportation.
Commencent alors ce qu'appelle Jenny les deux heures les plus importantes de sa vie au cours desquelles sa mère lui transmet ce qu'une mère se doit de transmettre à sa fille pour l'armer pour la vie.
Nul besoin d'indiquer que ce passage est fabuleux et vaut à lui seul la lecture de ce roman. La mère de Jenny va lui expliquer tout ce qu'une femme doit savoir pour être libre et indépendante, elle va lui expliquer l'amour, la contraception, l'avortement, le divorce..., elle va lui donner son alliance, sa montre...
Jenny se remplit alors de la force que ses parents lui transmettent à ce moment là, c'est d'autant plus émouvant que ses parents ont une vision claire de ce qui les attend.
Jenny et son frère vont ensuite être livrés à eux-mêmes en proie à la faim et à la peur. Le lien avec leurs parents va passer par des lettres où chacun, à coup de mensonges, tente de rassurer l'autre jusqu'à la dernière lettre que Jenny reçoit, un petit bout de papier où son père a écrit cette magnifique phrase "Vivez, espérez.". Elle reçoit ce message un an après que son père l'ait glissé à l'extérieur du train qui l'emportait vers la mort. Un cheminot l'a récupéré et posté.
Après ces années de survie, ce sera l'engagement politique à gauche, la guerre d'Algérie et Mai 68.
Geneviève Brisac dresse le magnifique portrait d'une femme qui ne manifeste aucune haine et qui aura toute sa vie la passion de la transmission. Une femme pleine d’énergie, de curiosité et d'amour de la vie qui ne renoncera jamais à ses convictions et à ses idéaux. J'ai trouvé ce court récit très sobre et dense.
j'ai eu très envie de me plonger dans ce récit à deux voix, celle de l'écrivain et celle de sa voisine, Jenny Plocki, rescapée de la rafle du Vel d'Hiv.
La narration est façonnée à la manière d'entretiens amicaux et se déroule parfois au gré d'une sorte de pèlerinage dans Paris à la re-découverte des endroits où Jenny a grandi.
Au-delà de ce témoignage essentiel (que Jenny Plocki a déjà restitué sur ce site), c'est une belle leçon de vie que transmet la vieille dame, une leçon de dignité et d'espoir.
Elle évoque certes les difficultés de la vie quotidienne sous l'Occupation, les dangers d'être juif dans une Europe envahie par les nazis, mais elle raconte aussi ses engagements politiques, l'amitié, et surtout l'amour de ses parents, leur courage.
Un beau roman-récit, doux et intelligent, qui évite l'écueil de l'apitoiement, conservant tout au long des pages ce refrain : "Vivez, espérez" sur un mode résolument optimiste !
Geneviève Brisac fait la connaissance de sa voisine d’immeuble, qui habite quelques étages au-dessus du sien : Eugénie Plocki. Celle qui se fait plus communément appeler Jenny aborde l’écrivaine en lui expliquant qu’elle a connu Charlotte Delbo. A partir de cette confidence, Jenny livre toute sa vie à sa voisine.
Fille d’immigrés juifs polonais, Jenny grandit à Paris et se révèle être une petite fille douée pour l’école. Geneviève Brisac raconte ses relations avec ses parents et son petit frère, dont elle est proche. On sent un véritable amour dans cette famille. Son père aime particulièrement partager des discussions politiques avec elle. Jenny est très proche de Monique, une jeune fille de sa classe. Jenny, ses parents et son frère sont raflés le 16 juillet 1942. La police française proposant aux enfants d’être libérés, Monique et Maurice font leurs adieux à leurs parents en deux heures. Ils ne les ont ensuite jamais revus. C’est la mère de Monique qui leur permit de se cacher et de survivre jusqu’à la fin de la guerre. Cette expérience, ainsi que son éducation, fit de Jenny une femme libre, indépendante et une militante.
J’ai été surprise par la capacité de Geneviève Brisac à synthétiser une vie aussi riche et intense en l’espace de si peu de pages. Son écriture a quelque chose de doux, de profondément respectueux à l’égard de Jenny. Contrairement à La marche du cavalier, que je venais tout juste de lire, tout est facile et fluide dans ce récit.
À l’heure où les témoins directs des atrocités commises par les nazis disparaissent, le nouveau roman de Geneviève Brisac vient nous offrir une nouvelle occasion de rafraîchir ce «devoir de mémoire» que nous devrions tous porter en nous. Car si le pire n’est jamais sûr, les exactions du pseudo État islamique sont là pour nous rappeler que la barbarie est bien loin d’avoir été éradiquée de notre planète.
Ajoutons que sous la plume de Geneviève Brisac ce témoignage est formidablement bien au mise en valeur. Grâce au scénario qu’elle nous propose, on se rend compte à la fois de la force et de l’actualité de ce thème, mais aussi de la fragilité et de l’urgence de retracer ces parcours de vie.
Tout commence lorsqu’elle croise sa nouvelle voisine. Cette dernière a reconnu l’écrivaine et souhaite lui parler de Charlotte Delbo (que Ghislaine Dunant a remis en lumière dans Charlotte Delbo, une vie retrouvée, couronné par le Prix Femina essai).
En grimpant les deux étages qui séparent la narratrice d’Eugénie, dite Jenny, dite Nini, la narratrice va toutefois en apprendre bien plus que quelques souvenirs, quelques échanges avec une rescapée des camps. « Je pense à la lumière et à la fraîcheur qui émane d’elle. » écrira-t-elle après avoir entendu la vieille dame (née en 1925) lui parler de sa vie et de celle de ses parents. Ce sont eux les vrais «héros» de ce court récit.
Rivka Rajsfus a quitté son village de Blendow en Pologne pour aller en Amérique, mais son rêve prendra fin prématurément. Elle aura cependant trouvé l’amour en route, en la personne de Nuchim Plocki. Le couple s’installe en France, veut œuvrer à changer le monde et ne croit pas vraiment à cette menace qui au fil des jours se fait pourtant plus précise. Même occupé, le pays des droits de l’homme doit pouvoir s’appuyer sur des principes, sur les valeurs figurant au fronton des mairies…
Il suffira qu’un policier, qui a vécu quelques temps sur leur palier, les livre à la police pour que tout bascule.
Arrêtée et internée, la famille n’imagine pas son destin. Mais au moment où on propose de libérer les enfants, le pire se précise. Vient alors cette scène aussi dramatique que superbe durant laquelle Rivka Rajsfus apprend à sa fille « en deux heures à être une femme libre, une femme indépendante.»
Livrés à eux-mêmes les enfants vont réussir à regagner leur domicile et à s’en sortir. Les parents partiront vers Auschwitz. Nuchim Plocki est officiellement mort d’une crise cardiaque trois semaines après son arrivée, vers la fin août. Quant au destin de Rivka, il est incertain : «De ma mère, aucune trace. Rien.»
Même après des recherches auprès des autorités allemandes Jenny n’en saura pas plus. « Mes parents sont morts. Ils sont à mes côtés pour me donner le courage de vivre, c’est grâce à eux que je vis ici, dans cette cour, je peux compter sur eux. »
Un courage que Jenny trouvera d’une part auprès des livres, qui « sont les meilleures armes de la liberté. Et la liberté s’apprend. Dans une classe par exemple. Dans tes classes, dit une élève, on était libres de ne rien faire, et on travaillait comme des fous.»
Et d’autre part auprès des rescapés et de son engagement militant. Outre Charlotte Delbo, elle va aussi nous parler de Jean-René Chauvin et de Rudi Vrba, deux personnalités qui méritent aussi qu’on s’attarde un peu sur leur parcours. À leur côté, elle n’oubliera jamais de « poser les questions qui dérangent. Tout est là. Toujours. C’est l’essence de l’esprit d’enfance.»
C’est aussi la belle leçon de vie que nous offre Geneviève Brisac.
http://urlz.fr/4El2
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !