Plafond bas, lumières blafardes, couloirs interminables, escalators, correspondances non épistolaires… le métro offre un décor particulier à des histoires qui le sont tout autant.
20 mars 1995. Des disciples de la secte Aum lâchent du gaz sarin dans le métro de Tokyo.
Qu'est-ce qui fait qu'une telle folie survient dans le quotidien le plus banal ? Comment est-il possible d'être endoctriné au point de commettre un tel crime ? Regroupant les témoignages de blessés mais aussi de disciples de la secte, Haruki Murakami cherche à comprendre.
Victimes et coupables sont-ils vraiment si différents que les seconds soient considérés comme le diable en personne ? Et si les fanatiques d'Aum n'étaient finalement que l'effrayant miroir de ce dont nous sommes tous capables ?
Avec ce livre dérangeant, Haruki Murakami développe les thèmes qui lui sont chers - l'étrangeté au monde, le culte du leader, le mal venu des profondeurs -, et livre une des pièces maîtresses de sa réflexion sur l'être humain.
Plafond bas, lumières blafardes, couloirs interminables, escalators, correspondances non épistolaires… le métro offre un décor particulier à des histoires qui le sont tout autant.
L'auteur Haruki MARAKAMI sur l'attaque terroriste dans le métro de Tokyo le 20 mars 1995 par la secte AUM
Il a interviewer les victimes de cette tragédie, ainsi que des membres de la secte, et aussi délivrer son analyse de la situation
C'est un livre différent que je n'ai pas l'habitude de lire, mais j'ai été effectivement très intéressé, d'abord par les témoignages des personnes qui ont subies cela, beaucoup étaient semblables, mais la perception du vécu semblait différente, ce qui as fait tout l'intérêt de cet ouvrage.
La partie consacrée aux membres de la secte AUM étaient encore plus intéressantes, j'ai pu me rendre compte, les moyens de manipulation qu'employaient cette organisation, et j'avoue parfois la crédulité de certaine personne était étonnante, mais malgré cela, j'ai beaucoup aimé comprendre comment une telle atrocité est pu y arriver
L'analyse de l'auteur était aussi très pertinente, il a mis en exergue pourquoi une telle secte existe-t-il au Japon ? Et surtout pourquoi elle avait autant de succès ?
Pour conclure, j'ai beaucoup aimé ce livre, et j'ai pu m'imprégner de la souffrance des victimes, une tragédie que j'avais évidemment entendu parler, mais sans vraiment m'y intéresser pleinement.
L’escalade de l’horreur se poursuivant toujours, nous oublions un peu trop vite, surtout si cela se produit loin de l’hexagone. L’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo, le 20 mars 1995, fait partie de ces faits gravissimes rangés dans un coin de nos mémoires puis délaissés. Un des plus grands écrivains japonais, Haruki Murakami, n’a pas laissé passer cela sans réaliser un impressionnant travail de mémoire et d’écriture en publiant Underground dès 1997, livre publié en français six ans après.
Pour cela, avec deux assistants, il a recherché des survivants pour les interroger et cela lui a pris toute l’année 1996. Il avait 700 noms mais n’a pu en identifier que 140. Parmi ces personnes, il a réussi à réaliser 62 entretiens dont plusieurs avec des membres de la secte Aum.
Chaque témoignage, publié après lecture et approbation de la personne, est précédé d’une présentation de l’auteur qui n’oublie pas de détailler chaque lieu, chaque ligne et chaque station de métro, présentant aussi les hommes qui ont sciemment perpétré ces crimes.
Il ressort tout de suite que chaque criminel choisi par le gourou Asahara et qui s’est installé dans le métro pour percer une ou deux poches de plastique contenant le gaz mortel, chacun avait un complice l’ayant convoyé en voiture et l’attendant à la station suivante. De plus, ces hommes étaient tous très instruits, diplômés, faisant partie de l’élite du pays mais convertis à ce qui se voulait une nouvelle religion.
Au fil des témoignages des rescapés, on remarque l’incrédulité des gens, la désorganisation complète des secours et l’attitude héroïque des employés du métro. Plusieurs sont morts et d’autres ont été gravement intoxiqués en ayant voulu intervenir.
En tête de chaque témoignage, l’auteur met en exergue une phrase révélatrice de l’état d’esprit de la personne interrogée. En voici quelques-unes : « Je ne suis pas une victime, je suis un survivant. » (Toshiaki Toyoda, 52 ans) ; « Il ne s’agit pas seulement de décider si je prends le métro ou non ; le simple fait de marcher me fait peur désormais. » (Tomoko Takatsuki, 26 ans) ; « Si je n’avais pas été là, quelqu’un d’autre aurait ramassé les poches. » (Sumio Nishimura, 46 ans) ; « Ce genre de peur, je ne l’oublierai jamais. » (Yoko Iizuka, 24 ans).
La plupart du temps, il n’y a pas de haine envers les auteurs des attaques même si certains demandent l’application de la peine de mort. Aussi, lorsque Murakami réussit à questionner d’anciens membres de la secte Aum, on essaie de comprendre le phénomène dans le cadre de la société japonaise. Akio Namimura explique qu’il a été séduit parce que Aum s’appuie sur le bouddhisme primitif et certains aspects du yoga mais qu’il fallait donner beaucoup d’argent.
Là aussi, les témoignages sont impressionnants et il est évident que le problème de fond n’est pas réglé. Les procès qui se sont tenus ont été lugubres, déprimants, désespérants et l’auteur ajoute : « Nous devons pourtant comprendre que la plupart de ceux qui adhèrent à des cultes ne sont pas anormaux ; ce ne sont ni des déshérités ni des excentriques, mais des gens qui mènent une vie normale qui habitent dans mon quartier. Et dans le vôtre. »
Ainsi, le problème est plus profond et peut concerner toutes les sociétés comme cette radicalisation que nous vivons aujourd’hui.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Un livre passionnant qui décrypte un évènement tragique, l'attentat terroriste perpétré par la secte Aum dans le métro en 1995. Les nombreux entretiens, avec les survivants ou d'anciens adeptes de la secte, nous font apercevoir la vie quotidienne tokyoïte des années 90 et nous font réfléchir sur les carences en tout genre qui ont conduit à ce drame.
Underground est un livre écrit en deux, c’est-à-dire qu’il est constitué de deux parties très différentes correspondant à des périodes et à des méthodes de saisie des données distinctes répondant à un but commun : comprendre ce qui s’est passé dans le métro de Tokyo le 20 mars 1995.
Un travail de romancier, nous dit Murakami, mais pas un travail de fiction. Rien à voir donc avec le Windows on the World de Beigbeder qui nous propose un récit fictif centré autour de personnages créés de toutes pièces dans le contexte d’un attentat terroriste. Non. Pour Underground, Murakami a méticuleusement interrogé une soixantaine des 5000 victimes du gaz sarin. Les premières réticences rencontrées, qu’il prend soin de rapporter, sont révélatrices de l’impression générale rendue par ces interviews : de nombreux témoins ont refusé d’être entendus, certains de ceux qui l’ont été n’ont accepté l’entretien que sous couvert d’anonymat, tous ou presque ont censuré la première transcription qui leur a été soumise. Et, en cohérence avec cela, ce qui frappe le lecteur (occidental ?), c’est la persévérance des uns et des autres à poursuivre les objectifs initialement fixés (aller au travail, si possible sans arriver trop en retard, acheter, comme prévu, la bouteille de lait au combini habituel). Les gens n’ont pas paniqué. Cette perturbation de l’ordre des choses s’est déroulée dans la quasi-indifférence des uns ou des autres, ou plutôt, chacun a mis un point d’honneur à restaurer au plus vite la normalité dans laquelle il évolue. La plupart des victimes du gaz sont retournées au travail quelques jours seulement après l’attaque. Seuls quelques-uns s’avouent traumatisés. Les autres admettent qu’ils souffrent de maux de tête, troubles de la vue, fatigue persistante un an encore après les événements, pour autant, ils refusent de se considérer comme diminués.
Une grande préoccupation japonaise qui interpelle le lecteur occidental : ces gens se perçoivent et tiennent à être perçus comme des gens ordinaires, employés fiables, opérationnels, n’ayant pas été affectés par ce qu’ils ont traversé.
Ce recueil de témoignage est suivi d’un court essai, une réflexion dans laquelle Murakami évoque la réaction de la société et des média à l’égard de la secte Aum, qui a perpétré l’attentat. La stratégie permettant de reprendre au plus vite une vie normale implique de considérer ces attentats comme un accident de parcours perpétré par des méchants, des gens exclus de la société, de la norme si chère au japonaise, finalement guère concernée par les événements, pourvu que la justice s’en charge. L’essai s’achève sur une question pourtant pertinente : cette secte a pourtant émergé dans le contexte de cette société japonaise. En est-elle si éloignée ? Et si on prend le contrepied du sentiment général, comment cette même société a-t-elle pu permettre, et même favoriser l’émergence de ce mouvement spirituel devenu organisation terroriste ?
A ce stade, la lectrice (occidentale) que je suis restait un peu sur sa faim. Les témoignages recueillis livrent, certes, un portrait éloquent d’une société où la norme est reine et où rien ne doit perturber l’ordinaire. J’ajoute que je ne suis pas convaincue par la traduction, l’emploi du passé simple dans les courtes biographies présentant chaque témoin m’ayant parue incongrue, entre autres petits accrocs dans la formulation. Mais surtout, je me posais les mêmes questions que l’auteur, qui sont les membres de la secte Aum, quelle(s) place(s) occupent-ils dans cette société japonaise contemporaine ?
Le deuxième temps du livre, qui est constitué par les témoignages de certains membres ou ex-membres de Aum, recueillis un an plus tard, m’a apporté des réponses bien plus satisfaisantes.
Le portrait préalablement dépeint de la société japonaise fait apparaître une structure qui, sans surprise, laisse peu de place à l’individu. On se réalise dans le travail, les études, dans la capacité à se conformer à un modèle social et familial rigide. Une société du faire et non de l’être. Les membres d’Aum ne sont pas des paria, ils sont intelligents et rationnels (à l’exception peut-être d’une jeune femme qui se perçoit comme une sorte de medium). Mais ils ont en commun le sentiment profond de n’avoir pas été reconnus ni pour leur être, ni pour leur faire dans la société dans laquelle ils ont évolué. Plusieurs ont grandi dans des structures familiales extrêmement contraignantes, pour d’autres, c’est une sensibilité artistique, une intelligence, des compétences, un sens du devoir hors norme qui n’ont pas été reconnus. La plupart d’entre eux a éprouvé des difficultés à l’entrée dans la vie d’adulte : difficultés à trouver un emploi à la hauteur de leurs qualifications, à fonder une famille. Aum a prétendu leur offrir un contexte (patriarcal) dans lequel leurs efforts et leur mérite seraient enfin reconnus, ce que leur refusait la société japonaise.
Les dérives sectaires existent partout, mais une société corsetée comme celle-ci accentue certainement terriblement le sentiment d’inadéquation éprouvé par les adeptes comme ceux qui acceptent de témoigner ici.
Murakami termine son essai sur ce paragraphe éloquent :
« Peut-être prennent-ils les choses un peu trop à cœur. Peut-être portent-ils une douleur en eux. Ils ne savent pas bien exprimer aux autres leurs pensées intimes et ils sont tourmentés. Incapables de communiquer avec autrui et avec le monde, ils errent de-ci de-là, ballotés entre un sentiment de supériorité et l’idée qu’ils ne sont pas tout à fait comme il faudrait. Ça pourrait très bien être moi. Ça pourrait être vous. »
Le texte, à mi-chemin entre données brutes et analyse, entre collecte d’interviews et essai, est dense et pas particulièrement distrayant. Mais il est éclairant, et la curieuse homogénéité qui émerge de sa lecture est un peu angoissante. La légitimité de Murakami pour accomplir ce travail réside, il s’en explique, dans ce que ses compétences de romancier vont lui permettre de faire émerger, à savoir des lectures individuelles, parfois contradictoires des événements. Néanmoins, et c’est peut-être la grande réussite de cette ouvrage, l’ultra-conformisme ne permet que ponctuellement de faire émerger le ressenti de chacun, qu’il s’agisse des victimes de l’attentat ou des membres de Aum. L’ensemble présente une uniformité étouffante.
Ce roman est passionnant.Dans la première partie (qui donne son nom au livre),l'auteur reconstruit les événements du 20 mars 1995(la secte Aum répand du gaz sarin dans le métro de Tokyo).Des témoignages touchants des survivants qui ont subi l'horreur ,beaucoup en gardant des séquelles.L'auteur prend la mesure de l'incapacité des institutions qui n'ont pas pu (ou su) réagir vite,faute de communication.
La deuxième partie rapporte les témoignages d'adeptes(certains ont quitté la secte depuis).Encore une fois,la faille du système éducatif et social a provoqué l'adhésion de "cerveaux" à cette secte.Ils se sont laissés briser "pour leur bien".Ces témoignages sont peut _être encore plus frappants que ceux de leurs victimes(ils le sont aussi,victimes).
L'auteur révèle une fois encore ,grâce à une fine analyse des situations et des personnalités,une vive intelligence et une grande clairvoyance.Difficile d'oublier ce roman!
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