"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Rentrée littéraire 2022 - Magnifique styliste, Yves Viollier raconte l'amitié trompée, la générosité exploitée. Ou est-ce plutôt le repentir impossible, la honte masquée ? le romancier pose peut-être avant tout cette question essentielle : Que cache le visage que nous donnons à voir ?
J'ai posé la question à mon oncle, la dernière fois que nous nous sommes vus, il y a plus d'un an, il était encore en pleine forme. Est-ce que tu as parlé à tes amis ? Il m'a répondu : Je n'ai pas encore osé...
Roger Martin les a séduits. Il a été accueilli dans ce bourg dont le narrateur est le maire, comme un ami de toujours. Veuf, à plus de soixante-dix ans, il avait besoin d'une famille. Et tous lui ont ouvert les bras. Il est devenu le père, le grand-père, le vieil homme que les jeunes aiment bien.
La déception a été aussi violente que l'amour et l'amitié avaient été doux. Le fil du temps s'est tendu. Roger, en jeune homme, est alors apparu dans sa vérité. L'Occupation avait été ce théâtre où il a joué un rôle funeste.
Écrivain de l'épure, Yves Viollier, avec ce texte chaleureux et glaçant à la fois, dont le sujet est dessiné avec la plus grande humanité, pourrait prendre pour sienne la devise simenonienne : Comprendre et ne pas juger.
Que cache le visage que nous donnons à voir ?
Roger Martin les a séduits. Il a été accueilli dans ce bourg dont le narrateur est le maire, comme un ami de toujours. Veuf, à plus de soixante-dix ans, il avait besoin d'une famille. Et tous lui ont ouvert les bras. Il est devenu le père, le grand-père, le vieil homme que les jeunes aiment bien.
La déception a été aussi violente que l'amour et l'amitié avaient été doux. Le fil du temps s'est tendu. Roger, en jeune homme, est alors apparu dans sa vérité. L'Occupation avait été un théâtre où il avait choisi de jouer un rôle funeste.
Yves Viollier raconte le roman d'une vie : l'histoire d'un état de sidération quand il découvre la jeunesse de son ami. Son enquête dans les archives départementales de Bordeaux lui donne l'opportunité d'évoquer les choix faits par les jeunes pendant la guerre.
Roger est il une victime ou un bourreau sans scrupule ni regret ? La question reste en suspension. L'auteur nous immerge dans un monde en gris où l'enfance, l'environnement, les valeurs sociétales impactent les décisions de toute une vie.
Peut-on continuer de se sentir proche humainement d'une personne chère quand on découvre ses secrets criminels ? L'amour cesse-t-il noyé par la découverte d'une vie de mensonge ? Comment pardonner la trahison d'un simulateur exceptionnel ?
D'une plume élégante, ce magnifique texte plaide le droit à l'oubli. L'histoire vraie d'un viel homme affable et généreux qui pendant la guerre, à 19 ans, a fait le choix de devenir riche en commettant des crimes en quantité. Miroir violent pour chacun d'entre nous car nous avons tous des zones d'ombres que nous souhaitons cacher aux autres. Un roman historique très personnel et très humain. Passionnant.
Un jeune homme si tranquille d'Yves Violler publié aux éditions Les Presses de la Cité aborde avec délicatesse l'histoire d'une amitié trahie.
Dans ce roman, le narrateur dresse le portrait de Roger Martin, 85 ans, qui vient de mourir. Dans le village de Mesnard, en Vendée, il était aimé de tous. Aux obsèques, le neveu du défunt est stupéfait par la foule pleurant et regrettant ce vieillard en apparence gentil et bienveillant. Étonné, il leur dévoile son passé. La consternation est grande. le narrateur reconstitue ce parcours en accumulant les témoignages et les archives sur cet « homme qui a gagné sa vie au prix de celles des autres » (p.178).
Roger Martin, dernier enfant d'une famille misérable d'éclusiers, est né en 1925. Adolescent, Roger prend la place de son frère, Moïse, garagiste , tué dans des circonstances troubles. À 17 ans, Roger devient l'agent 302. Il collabore avec la Gestapo comme vélotaxi et espion et se met à gagner sommes colossales. Août 1944, Roger fuit au milieu des troupes allemandes. À 19 ans, après des mois d'errance, il est arrêté en août, et condamné en novembre 1945.
En 1954, amnistié pour bonne conduite, il devient un homme ordinaire. Il part pour le Pays basque, rencontre et épouse Maïalen. Ensemble, ils gèrent des gîtes. En 1995, le narrateur, sa femme et leurs filles, passent leurs vacances dans les Pyrénées et logent chez le couple. Ainsi débute l'histoire de leur incroyable amitié !
À travers cette enquête, de ce double voire triple récit de vie, l'auteur pose la question du pardon et de la rédemption, lors de la découverte d'un sombre passé d'une personne que l'on a aimé.
Malgré cet épisode macabre de notre Histoire, c'est avec enthousiasme que j'ai découvert ce livre. Dès le départ, j'ai été charmé par la quatrième de couverture. La lecture m'a convaincu.
C’est parce qu’il avait l’air gentil et fragile qu’il inspirait tellement la confiance et que tout le monde lui ouvrait ses portes.
En 1942, les résistants l’ont laissé entrer dans leur réseau pourtant très prudent, sans imaginer qu’il travaillait pour la Gestapo de Périgueux.
Comme 70 ans plus tard, Anne et son mari l’ont accueilli chez eux, dans leur village de Vendée, le laissant prendre la place d’un père et d’un grand-père qu’ils n’avaient pas eu.
Sans aucun doute, Roger Martin a joué de son abord facile et de son allure chétive pour briser les barrières de la méfiance. Mais quel était son but, ses motivations ?
On pourrait parler de duplicité, de traîtrise, d’immoralité mais on ne sait pas vraiment ce qui l’a poussé dans cette voie du mensonge durant toute sa vie.
Alors quand on sait tout, des dénonciations, des arrestations, des assassinats, et que la justice a fait son œuvre après la guerre, peut-on accorder son pardon au pire des collaborateurs et le laisser prendre un nouveau départ ?
Ce roman soulève la question du rachat de ses fautes et du droit à l’oubli. En nous poussant dans les retranchements de notre conscience, il bouscule les limites de notre tolérance.
Si les résistants ont payé de leur vie leur confiance en cet homme, quel prix vont devoir payer ces habitants qui l’ont laissé vivre au milieu d’eux pendant des années et l’ont accompagné de leur amour jusqu’à son dernier jour ?
La façon dont Yves Viollier nous raconte les faits, sans prendre parti, est pleine d’humanité et de sobriété et l’histoire de ce « jeune homme si tranquille » garde une vraie dimension romanesque.
En éveillant notre questionnement, l’auteur nous laisse chercher, une fois le livre refermé, la réponse qui est en chacun de nous.
Ne pas oublier, ni pardonner mais s’interroger sur le rachat d’un homme qui a vendu son âme au diable dans sa jeunesse et qui a passé les soixante-dix années suivantes à déployer humanité, rires et enthousiasme. Voilà à quoi nous invite Yves Viollier dans son dernier roman, lors de la rentrée littéraire 2022.
Roger Martin est mort, sa famille et ses amis sont nombreux à l’accompagner au cimetière qu’il avait choisi. Quand Pierre, son neveu demande à Anne et à son mari, s’il leur a parlé, la surprise est totale. Parler ? Parler de quoi ? Le narrateur se veut détective et n’aura de cesse que de remonter le fil du temps et des événements pour découvrir un Roger qu’ils n’ont jamais connu, celui de sa jeunesse durant les années 43-44 et 45, du côté de Périgueux et Angoulême. Et la vérité se révélera !
Pas manichéen pour deux sous, l’auteur nous met face à la réalité des années de guerre, celles qui nous font parfois nous demander au plus profond de nous : qu’aurais-je fait ? Et face au dilemme de la compréhension pouvant conduire au pardon.
Il n’y a pas de grande défense de l’accusé, juste des accrocs de vie à prendre en compte, une enfance massacrée par un père alcoolique, une période noire durant laquelle l’argent peut être gagné facilement, l’insouciance de la jeunesse et la perte d’un frère aimé. Tout est en nuances et nous avançons au rythme du narrateur, qui nous fait découvrir Roger au travers de l’amitié qui les liait.
Il n’y a ici rien de glauque, ni dans la description des actes, ni dans les relations humaines ; tout est pesé, mesuré, non pour innocenter mais plutôt pour laisser à chaque lecteur la responsabilité de son choix. Bizarrement, la lumière de l’humanité n’est jamais totalement absente malgré ce que l’on découvre.
C’est un livre important pour la réflexion personnelle, déstabilisant par les périodes de vie évoquées, tantôt joyeuses quand on parle amitié et chasse à la pantière en Pays Basque mais glaçantes quand on donne des noms en Dordogne.
C’est un livre épuré comme sait les écrire Yves Viollier depuis toujours ; ce sont des romans forts, témoins de l’Histoire.
Je remercie #NetGalleyFrance et les Presses de la Cité pour #Unjeunehommesitranquille
Quand Roger est mort, ils étaient nombreux à s'être déplacés pour les obsèques. Il faut dire qu'il était apprécié dans cette petite ville où son chemin l'avait mené : serviable, souriant, charmant. Loin de son passé. Son neveu le sait, il a eu des gros problèmes autrefois, et c'était « plus grave que des bêtises ».
Ses amis des dernières années ne peuvent en rester là, sur le sentiment d'avoir été trahis sans en savoir plus. Ils mènent alors une enquête auprès de la soeur de Roger, de ceux qui l'ont côtoyés et aux archives de Bordeaux où les faits sont notés noir sur blanc, ne laissant aucun doute sue les méfaits du sympathique vieil homme.
L'intrigue tourne autour de la personnalité particulière de Roger, passant facilement inaperçu, s'intégrant avec facilité partout où il passe, et le plus souvent très apprécié pour sa bonhomie. Il ne semble pas non plus motivé par l'appât du gain, n'ayant pas vraiment profité de cet argent salement obtenu. S'il aime les animaux, il ne semble pas particulièrement ému par le sort des victimes qu'il a désigné. Il a beau avoir commis le pire, on n'arrive pas à lui en vouloir vraiment.
L'écriture est particulière. Concordances de temps, expressions sans doute locales, stéréotypies des descriptions : est-ce pour signifier que l'on a affaire à une restitution orale de l'histoire, par les propos du narrateur ?
L'histoire reste malgré tout captivante dans sa façon de laisser planer le doute sur le « héros » .
272 pages Presses de la Cité 28 Août 2022
#Unjeunehommesitranquille #NetGalleyFrance
Le roman s'ouvre sur l'enterrement de Roger Martin, né en 1925, qui vient de mourir à l'âge de 85 ans dans le village de Mesnard en Vendée où il s'était installé neuf ans auparavant. Tout le village pleure cette figure du grand-père bienveillant qu'il était devenu et en particulier le maire du village, le narrateur, sa femme, Anne et leurs deux filles qui l'avaient fait venir du Pays Basque où ils l'avaient rencontré et s'y étaient attachés, après la mort de sa femme. Mais le neveu de Roger laisse échapper une phrase sibylline après les funérailles qui va conduire le maire et sa femme à remonter dans le passé de Roger. Ce qu'ils découvrent est glaçant et les laisse anéantis.
Ce roman, en partie biographique puisque l'auteur a connu Roger, son ami, dont il n'a découvert le sinistre passé qu'à son enterrement, est le roman de l'amitié, de la confiance trahies. Qui est le vrai Roger, celui qui a été responsable de nombreux morts alors qu'il avait à peine 18 ans, qui a travaillé, pour l'argent, sans idéologie, recruté par la Gestapo ou le Roger des presque soixante-dix années suivantes qui aimait sa femme, aidait tout le monde, participait à la chorale, apprenait le bricolage aux enfants?
L'auteur ne juge pas, il décrit une enfance misérable dans une maison éclusière en bord de Charente, saccagée par le départ de sa soeur qu'il aimait et de son frère qu'il admirait partis vivre leur vie à Angoulême, alors qu'il n'avait que 13 ans, le laissant seul avec un père ivrogne qui le battait et une mère dépressive, inexistante; puis c'est la mort inexpliquée de ce frère adoré à 20 ans et la trahison de son premier amour qui se marie avec un autre.
C'est le roman d'une vie non choisie, dans une période dramatique où les autres décident pour vous sans que vous opposiez une quelconque résistance, comme si, en votre for intérieur, vous pensiez que vous méritez ce qui vous arrive.
Le rachat est le thème central du roman sans qu'on sache si Roger a ressenti des remords, des regrets, de la honte laissant ainsi le/la lecteur/trice face à ses interrogations, ses réflexions.
Très beau roman autour du personnage de Roger que certains verront comme un pur salaud qui n'a pas payé pour ses fautes inexcusables et d'autres comme lui-même victime de la vie; c'est cette ambivalence qui donne toute sa force à ce livre d'où tout manichéisme est absent.
#Unjeunehommesitranquille #NetGalleyFrance
Gros coup de coeur pour ce roman dont j’ai trouvé le thème passionnant : connaissons- nous réellement nos amis et les fréquenterions-nous encore si l’on découvrait qu’ils ont pu avoir un jour un comportement horrible ?
C’est ce que se demande le narrateur de ce livre. Sa femme et lui ont rencontré dix ans auparavant au Pays Basque, Roger Martin et son épouse Maïelen. Ils ont fréquenté leur gîte très régulièrement, séduits par la chaleur humaine et l’énergie positive qui émanait du lieu.
Des liens profonds et sincères d’amitié se sont tissés. Aussi, quand Roger s’est retrouvé veuf et inconsolable à plus de soixante-dix ans, le narrateur l’a invité à venir s’installer dans le petit village de Vendée dont il est le maire.
Le vieil homme s’est intégré très facilement dans ce nouveau lieu, il a tissé de nombreux liens sociaux avec des gens de tous âges et de tous horizons professionnels. C’est la raison pour laquelle, il y avait foule pour assister à ses obsèques.
Le narrateur va découvrir, horrifié, peu de temps après, que son ami Roger n’était pas l’homme bon et profondément humain qu’il semblait être. En effet, Roger Martin, dans sa jeunesse pendant la Seconde Guerre mondiale, avait collaboré activement avec l’ennemi, envoyant ainsi à la mort plusieurs dizaines de personnes.
Après cette terrible découverte, le narrateur et sa famille seront confrontés à un questionnement qui restera sans réponse :
» La question qui nous hante, Anne et moi, c’est : regrettait-il ses crimes ? Pas seulement un regret fugitif qui n’entraîne pas à conséquence. Etait-il avec nous, malgré les apparences, le monstre froid et dénué de scrupules décrits par l’inspecteur Grandcoin ? Nous n’en avions pas l’impression. Son sourire était celui d’un homme qui dort du sommeil du juste. Mais qu’est-ce-que nous connaissons de ceux qui partagent notre vie . Il y avait l’homme qu’il donnait à voir (…) Ses rires au milieu de nous, son enthousiasme, son humanité ne pouvaient-ils pas être une manière d’expier son péché ? «
Un roman passionnant porté par une belle écriture. Une belle découverte de cette rentrée.
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