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«Il arrive qu'un instant sans durée concentre en lui-même la valeur d'un long intervalle et fasse tenir le maximum de ferveur dans le minimum de temps. Il arrive qu'une jouissance continuée et plus ou moins diluée se ramasse au foyer d'une joie-éclair. [...] Or qu'est-ce que la vie entière perdue dans l'océan de l'éternité, sinon « un grand instant » ? . Cet extrait de La Mort de Jankelevitch, dans un chapitre intitulé «La vie brève», circonscrit le point d'attention réunissant des poèmes remontant à des époques diverses (enfance et jeunesse, temps présent) mais pour tenter d'en restituer et déplier l'intensité particulière, seul trait qui les rassemble, et pourrait faire de la vie reparcourue par coups de sondes un grand instant.
Dès les premiers textes en prose de ce recueil s’élève une douce nostalgie des lieux du passé, de l’enfance, que l’auteur porte en lui
« Qui a connu le velouté des lapereaux qu’on extrait des clapiers, la forge en été gorgée de mirabelles faisant un miel épais de l’air qu’on respire, les seaux de pommes, ne s’en remet pas.
Je ne m’en suis pas remis »
Puis d’autres formes poétiques emboitent le pas à cette prose, des versets, tercets et des distiques. De ce mélange bigarré, parmi ces strates de mémoire hétéroclites, c’est la vie dans son foisonnement qui nous est offerte.
Dans deux textes : Rémi I et Rémi II, l’auteur évoque avec pudeur l’ami disparu « Nous étions faits pour nous entendre : nos rages alors s’encastraient »
Et la mort encore, la sienne, qui questionne : « Au moment de mourir, quels seraient les instants que j’aurais à revoir ? »
Dans « Le Dernier aveu » le poète évoque son écriture passée et ses rêves d’un poème « en forme d’apocalypse »
« J’aurais voulu écrire un poème à rendre aphones tous les oiseaux
Un chant capable de fendre en deux les poitrines et qu’en sortent les cœurs
Tout palpitants et secoués de sang et de sanglots »
On déambule dans un Paris comme un village où les églises ont « une couleur de beurre » et on assiste à « la naissance du printemps rue Lafayette. »
Au détour d’une page, voilà qu’on se cogne à la dure réalité des migrants, ceux qui « sortent des pays où le sable boit le sang ». Lorsqu’ils ne finissent pas au fond des mers dont « le bleu éblouissant avale les corps d’un coup », ils s’entassent dans des cabanes « fragiles comme pour des goûters d’enfants » et que les bulldozers détruisent.
La mémoire, encore, dans le dernier poème de ce recueil. Intitulé « Vie du sieur H. et de tant d’autres » il évoque la vie d’Homère. Lorsque sa cécité est totale, il peut alors composer l’Iliade.
Des poèmes à lire et relire, à savourer lentement avant que n’advienne cet « instant profond où l’on n’est plus rien »
Ce recueil a reçu le Prix Apollinaire 2019
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