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«?Récemment, je me suis rendu compte d'un fait étrange?: j'ai beau être née et avoir grandi dans un pays communiste, les membres du Parti que j'ai connus se comptent sur les doigts d'une main. Comment est-ce possible???» De cet étonnement, pas si anodin qu'il y paraît, l'auteur remonte ses souvenirs et questionne le rapport des autres et le sien, à l'endoctrinement.
Ces invités de «?marque?», par exemple, venus se ressourcer au Bolchoï ou ce digne instituteur français, communiste de père en fils. Cet aventurier d'une autre époque, aussi, père d'une amie, qui a sans doute fait bien plus pour le Parti que ses reportages vantant les bienfaits des plans quinquennaux en Iakoutie?!
Cette réflexion, Elena Balzamo la mène en l'associant à son propre parcours. Une trajectoire qui, de l'Oural à l'Atlantique en passant par ses lectures d'enfance, prend la forme d'un certain triangle isocèle...
Ecrit par Elena Balzamo, » Triangle isocèle « est publié en cette rentrée littéraire 2019 aux éditions Marie Barbier.
Elena Balzamo est née en 1956 à Moscou. Elle est à la fois auteure, essayiste, traductrice et critique littéraire, spécialiste des littératures scandinaves et russes.
Ce court récit plonge le lecteur dans le questionnement de l’endoctrinement, et plus particulièrement au communisme, dans son pays d’origine, l’es-URSS. Sa grand-mère, raconte-t-elle, possédait sa propre carte de membre du Parti ! C’est en 1981 qu’Elena Balzamo quitte définitivement la Russie pour la France.
L’ouvrage commence ainsi, par l’extrait d’une interview, qui en dit long sur le ton ironique, mais sincère de cette auteure :
» – Vous vous appelez Elena Balzamo – vous êtes italienne ?
– Non.
– Vous écrivez sur la Suède – vous êtes suédoise ?
– Pas du tout.
– Vous avez un petit accent slave – vous êtes russe ?
– Euh… Je suis née à Moscou.
– Française, alors ?
– Hm… Selon l’état civil.
– Mais enfin, vous-même, vous vous sentez quoi ?
Me voici plongée dans l’embarras :
– Je me sens… européenne.
Embarras chez mes interlocuteurs. »
Un triangle isocèle. Son côté méridional. Son côté septentrional. Sa base. Voilà comment se présente cet ouvrage, comme la forme géométrique qui représenterait au plus près la vie d’Elena Balzamo.
» Se retourner pour regarder en arrière est une occupation plus gratifiante que regarder devant soi. Simplement parce que demain est moins attrayant qu’hier. «
L’auteure se remémore son enfance en Russie.
p. 13 : » Pendant mon enfance, on ne parlait pas politique dans ma famille, en tout cas pas en ma présence. «
La première partie du livre est consacrée principalement à une mission qui lui est confiée, pleine d’anecdotes.
p. 15 : » Vers la fin de mes études de langues et littératures scandinaves à l’Université de Moscou, je fus « réquisitionnée » par le Comité central du PCUS pour servir d’interprète aux invités de marque dudit comité. «
Au cours de ses études de littératures, elle fait la rencontre de Marina. Mais c’est son père qui va susciter son intérêt. Toute la seconde partie de l’ouvrage raconte ses recherches sur ce personnage énigmatique, ancien membre du KGB.
p. 42 : » Venu en URSS comme journaliste au milieu des années 1950, son père avait rencontré sa mère, l’avait épousée, une fille était née de cette union. Peu après, il était retourné en Suède sans emmener sa famille. «
La troisième partie m’a semblée plus intimiste.
p. 83 : » Jusqu’ici, il a été question de deux côtés du triangle – qu’en est-il du troisième, qui, dans le cas d’un triangle isocèle, s’appelle « la base » ? Existe-t-il un lien permettant de réunir ces deux entités, le côté méridional et le côté septentrional, à la fois antithétiques et complémentaires ? Pour moi ce lien ne fait pas de doute : c’est la littérature. Grâce à elle, échappant aux contingences matérielles, on dispose d’un accès au monde dans sa plénitude, d’un outil permettant de s’en faire une idée et d’une boussole qui aide à s’y comporter correctement. À condition de s’en donner la peine. «
Par l’apprentissage des langues, par le travail de la traduction, par le voyage, par les rencontres, Elena Balzamo n’y voit qu’un seul et même dénominateur commun : la littérature.
Après des années passées en France, elle rentre au pays et nous décrit une Russie bien après la fin du régime communiste.
p. 112 : » Lorsque, à la fin des années 1990, je revins à Moscou, ce fut un choc. «
Ce livre est une ouverture sur une autre culture, une autre politique, souvent bien méconnues. Percutant mais ironique, l’auteure nous fait rencontrer un instituteur méridional, un vieux communiste suédois et le père d’une amie. Le lecteur avance au même rythme que les questionnements et les réflexions sincères de l’auteure.
p. 36 : » Moi qui avais toujours tenu les communistes pour des tarés, je venais de comprendre qu’il existait une autre façon de voir les choses, même si elle supposait une part d’aveuglement. «
Un récit à la fois touchant et instructif.
» La littérature est la seule forme de garantie morale dont dispose la société. « (Joseph BRODSKY)
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