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Du plus loin qu'il m'en souvienne, j'ai toujours voulu faire rire mes contemporains. En y réfléchis- sant, je soupçonne que ce besoin néfaste est sûre- ment dû aux têtes sinistres qui, à ma naissance, se sont penchées sur mon berceau en constatant ma monstrueuse difformité, car je suis né sans menton.
Bien plus tard, paraît-il, le menton est venu.
Il a poussé peu à peu jusqu'à atteindre une taille presque normale. Mais entre-temps, le pli était pris, il fallait distraire, amuser, faire disparaître jusqu'à les désintégrer ces trognes boudeuses et apeurées qui avaient été les protagonistes gigantesques de ce nou- veau monde que mon premier regard étonné avait embrassé. Ainsi pendant mes longues premières an- nées, par mon comportement déséquilibré et aso- cial, je luttais jour après jour afin de transformer, grâce à mes inventions grimacières ou langagières, les rictus de colère ou de haine en débuts d'amorces de sourires bienveillants.
Cahin-caha j'avançais vers l'instant où je croi- sais pour la première fois le comique d'Aristophane.
C'était en cours de français de quatrième et l'on étu- diait Les Plaideurs de Jean Racine. C'était au pro- gramme et une petite note de bas de page indiquait que cette pièce comique était une adaptation de la première partie des Guêpes d'Aristophane. J'avais découvert ces Plaideurs avec beaucoup de plaisir et ce qui m'avait enthousiasmé, c'était, dans mon sou- venir, le passage où, dans sa plaidoirie, un avocat défend son client qui n'est autre qu'un chien qu'on accuse d'avoir volé et mangé un chapon. Le comble du rire est atteint lorsque l'avocat, pour émouvoir les jurés, fait entrer sur scène les enfants de l'accusé qui ne sont autres que des petits chiots qui immé- diatement se mettent à pisser partout. Cette scène incongrue m'avait profondément marqué. Je me de- mandais comment il était possible que Jean Racine, l'auteur tragique par excellence, ait pu se laisser al- ler à accepter de signer sous son nom de telles pi- treries dérisoires et cocasses. Ce jour-là, j'avais juste poussé une porte et à peine entrevu l'univers d'Aris- tophane.
Ce que je me propose donc ici d'expliquer, c'est comment, cinquante ans après cette première ren- contre, j'ai fini par plonger à corps perdu dans toute l'oeuvre d'Aristophane afin de tenter de restituer, par mon travail sur ses onze pièces et ses fragments, le théâtre de ce génie comique.
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