Un premier roman qui est une découverte rare d'un talent certain. Un sujet surprenant et une intrigue captivante, un style affirmé pour cette oeuvre au charme désuet, suranné, parfois délicieusement macabre, qui s'ancre dans la vie d'un village français des années 1980. Une réflexion simple mais juste et touchante sur la mémoire, ce qui nous reste des êtres chers qui ont disparu et in fine sur notre manière de vivre - le plus important qui nous reste à faire avant de disparaître. Un premier roman enthousiasmant.
Toussaint, un quadragénaire mal dégrossi, a hérité de la charge du cimetière de son village. Il passe ses journées à constituer des murailles d'ossements, à épousseter les caveaux, à se balader entre les tombes, radio allumée, pour tenir l'au-delà au courant de ce qui se déroule sur Terre. Seul Pataud, son chien, lui permet de se dire qu'il n'est pas totalement seul. Jusqu'à sa rencontre avec Marguerite, une vieille dame qui revient au pays. Pourquoi est-elle partie du jour au lendemain soixante années plus tôt ? Peu à peu, les langues se délient pour faire sortir de terre ce qui y était enfoui.
Entre drames, rancoeurs et petits secrets, Toussaint est le témoin privilégié d'une lente exhumation.
Les petits détails sont là, mais jamais superflus, ils viennent rythmer un texte épuré.
Ce texte d'apparence légère soulève des questions bien plus graves et importantes, comme le respect que l'on a envers les défunts, le devoir de mémoire, le deuil et la manière dont nos proches nous accompagnent même après leur mort. La postérité.
L'uniformisation qui menace tout les enfants une fois l'âge adulte atteint. À travers l'histoire de ce cimetière, c'est aussi l'histoire d'un village qui est racontée. Et la sombre histoire familiale de Marguerite liée, comme on le découvre dans les dernières pages du roman, à celle de Toussaint lui-même.
Toussaint, n'est-ce pas un prénom prédestiné pour un gardien de cimetière ? Toussaint a la belle quarantaine d'un homme qui aime son village, sa terre, son cimetière.
Car c'est le métier de ce Toussaint là, surveiller, préparer, nettoyer, parler aux morts et leur faire écouter la radio pour qu'ils ne s'ennuient pas trop dans leur si long sommeil.
Un jour arrive dans son cimetière de Charmont une vielle dame prénommée Marguerite. Inconnue au bataillon, et pourtant Marguerite est une enfant du pays, ce pays qu'elle a abandonné plus de soixante ans plus tôt.
Peu à peu, Toussaint apprivoise la vieille dame et découvre qu'elle est la fille d'un couple d'armuriers décédés depuis bien longtemps. D'ailleurs leur chapelle mortuaire est quasiment en ruine. Marguerite sait que son heure va bientôt arriver et décide de restaurer la-dite chapelle, après tout ce sera sa dernière demeure, autant la faire à son goût.
Le vieux garçon bourru et tendre et la vieille Marguerite solitaire s'apprivoisent peu à peu. Difficile de connaître le secret de la dame, mais les langues se délient, les souvenirs s'égrennent, le malheur est enfin dit, les mots sont posés sur les souffrances qui ont changé une vie.
Enfin, quelques secrets gardent encore leur mystère.
Un joli roman d'amitié et d'amour, de vie paisible et calme, dans une France des années 60 plus paysanne que citadine.
Si au départ j'ai eu la crainte de lire un fade remarque en plus court de "Changer l'eau des fleurs" de Valérie Perrin, j'ai rapidement pris plaisir à découvrir la vie de Toussaint et de Marguerite.
L'humanité des personnages, leur humour, leur goût pour la vie et l'amitié qui se dessine entre eux à mesure des chapitres les rend particulièrement attachants.
Décidément, je n'aurai sans doute plus la même vision des cimetières après cette nouvelle lecture.
chronique en ligne sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2022/12/13/tout-doit-disparaitre-laurent-maillard/
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