"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Berlin,1933, leur vie bascule. Militants anti-nazis, persécutés, exilés, la photographe Ruth Becker, son mari Hans, l'écrivain socialiste Ernst Toller et son amante, l'ardente Dora, tentent depuis Londres d'alerter le monde sur la menace hitlérienne - en vain. Leur fraternité vacille, Dora est assassinée. Soixante-dix ans après, exhumant les Mémoires d'Ernst, Ruth se souvient... Inspiré d'une histoire vraie, ce magnifique roman d'amour et d'espionnage tisse les destinées tragiques de ces héros de l'ombre dans un hommage virtuose.
« Tout ce que je suis » d’Anna Funder, roman basé lui aussi sur des faits réels et des personnages ayant réellement existé.
Les quelques 500 pages ont été dévorées en deux jours tant cette histoire m’a passionnée.
Après la Première Guerre Mondiale, des mouvements pacifistes ont vu le jour en 1919 en Allemagne, principalement dans le sud. Ces mouvements seront bien vite réprimés mais les intellectuels, les journalistes qui y ont participé deviendront des témoins de la vie politique allemande et de la montée du nazisme.
Anna Funder a choisit de nous faire suivre le parcours de deux couples : d’un côté celui formé par l’écrivain socialiste Ernst Toller et de son amante Dora, femme passionnée et militante courageuse ; de l’autre celui formé par la photographe Ruth Becker (cousine de Dora) et de son mari Hans.
De 1919 à 1933, nous découvrons la montée du nazisme en Allemagne, comment Hitler une fois au pouvoir a verrouillé et manipulé la société allemande.Le point de départ fut la chasse aux communistes après l’incendie du Reichstag : « Ils avaient commencé par la liste qu’ils avaient volée au siège du parti communiste (4000 noms) mais de nouveaux ordres bien plus larges leur étaient parvenus -arrêter ou tuer quiconque avait manifesté son opinion. S’ils vous trouvaient dans n’importe quel lieu public, bar ou café, ils vous plaçaient en garde à vue, mais pour peu que vous soyez chez vous, vous pouviez être abattu sur place, en pleine « tentative de fuite ». Pour certains, ils ne s’embarrassèrent ni d’une exécution. 8 communistes furent trouvé dans une cave de Mitte qui avait été tout simplement clouée de planches. Des gens qui allaient au travail entendaient leurs cris à travers le soupirail qui donnait sur le trottoir, mais personne n’osait leur porter secours. Les appels mirent deux semaines avant de cesser. »
Les choses ne feront qu’empirer et de nombreux journalistes, écrivains et intellectuels seront contraints à l’exil : « Depuis l’incendie du Reichstag et son lot de persécutions, 55.000 allemands, dont quelque 2.000 écrivains et artistes, avaient été contraints à l’exil. Nous étions plusieurs centaines à échouer en Grande Bretagne. On nous avait donné le plaisant surnom d' »émigrantsia » car nous étions des émigrés cultivés opposants au régime. Les juifs arrivèrent plus tard. Mais nous n’avions rien de nantis. Tous, nous étions déracinés, dans l’embarras, coupés de notre langue, souvent sans le sou, privés de lecteurs et interdits de travail. »
Pourtant, tous auront à coeur de dénoncer la situation en Allemagne malgré le danger. Si le gouvernement britannique ne les écoute pas, pensant qu’il faut accorder à Herr Hitler le bénéfice du doute (il finira bien par se comporter comme un gentleman), le gouvernement nazi, lui, ne les lâche pas. Ils sont surveillés et suivis en permanence par des espions, leurs appartement cambriolés et saccagés, ils sont victimes de tentatives d’intimidation, certains, dont Dora, seront assassinés.
Ce qui les motivait : prévenir le monde de ce qui était en train de se passer et ouvrir les yeux à leurs compatriotes : « Nous devions produire des tracts et nous débrouiller pour les envoyer en Allemagne. Le jeune garçon, en particulier, avait de bonnes idées : imprimer en caractères minuscules sur du papier de soie pour boîtes à cigares, ou encore sur le papier paraffiné qui sert d’emballage au beurre anglais ou,plus audacieux, les glisser dans les prospectus nazis. Hitler avait peut-être muselé la presse, mais nous étions convaincus que le peuple, une fois correctement informé reprendrait ses esprits et pencherait du côté de la liberté. Nous nous trompions, c’était sous-estimer le pouvoir de séduction du nazisme, ce dépassement du moi qu’il offrait, cet abandon corps et âme au collectif. »
La suite, on la connaît malheureusement.
Ce roman, passionnant, se lit presque comme un roman d’espionnage.
D’un point de vue personnel, c’est le roman que j’avais envie de lire depuis des années. Je m’explique : ma grand-mère paternelle, allemande, vivait en France depuis les années 1920, mariée à un Français. Quand à 13-14 ans, j’ai découvert l’horreur des camps, j’ai été profondément choquée et me suis interrogée sur le fait que, peut-être, des membres de cette branche de ma famille avaient pu commettre des atrocités. Je m’étais toujours demandée comment des personnes pouvaient être embrigadées de cette façon et comment un pays pouvait être conduit à la barbarie. Ce roman m’a apporté beaucoup de réponses.
D’un point de vue général, ce roman a une résonance particulièrement dans la situation actuelle : « La plupart des gens n’ont aucune imagination. S’ils pouvaient s’imaginer les souffrances des autres, ils seraient incapables de leur en infliger autant……Se représenter la vie d’un autre est un acte de compassion profondément sacré…. Nous avons risqué notre vie pour aider nos semblables, ici et à Londres, à imaginer, à se représenter les choses. Ils n’ont rien imaginé.
Un style littéraire plaisant.un énième livre sur cette période cependant avec un regard différent celui de juifs allemands et de militants anti nazi..
Inspiré de la vraie vie de militants allemands anti-nazis dans les années 30, ce roman me laisse un sentiment étrange. J'ai énormément apprécié de lire un récit historique qui met à l'honneur la résistance allemande au régime hitlérien. Ces grands personnages mériteraient par ailleurs d'être mieux connus et c'est un grand hommage qui leur est fait dans ce livre.
J’ai beaucoup aimé ce roman profond où l’on frémit avec les héros devant les risques qu’ils prennent pour défendre leur idée de la liberté. Mais ce livre n’est pas que le récit d’un combat politique. C’est aussi une histoire d’amitié et une passion amoureuse qu’il nous est donné de partager.
L’écriture est aussi passionnée que délicate, engagée que respectueuse des personnages et nous permet de réfléchir sur ce qu’a pu être la jeunesse allemande de cette époque. Comment se projeter dans un avenir si incertain ? Comment songer à fonder une famille dans un monde qui n’apprend pas de son passé ?
https://metoile.wordpress.com/2015/07/31/tout-ce-que-je-suis/
"Quand Hitler arriva au pouvoir, j'étais dans mon bain". Au début des années 2000, en Australie, Ruth est une vieille dame à la mémoire volatile et à la santé défaillante. Pourtant, l'arrivée d'un paquet par la poste va soudain faire rejaillir les souvenirs d'une époque douloureuse. Il s'agit des Mémoires et des derniers écrits de Ernst Toller, mort à New York en 1939 et compagnon de route et de résistance des années 30.
Par des allers et retours entre ces écrits et les souvenirs retrouvés de Ruth, l'auteur nous ramène en Allemagne, en pleine montée du nazisme, avec la prise de pouvoir d'Hitler et la négation progressive de toute démocratie. Ruth a grandi sur les ruines de la guerre de 14-18 et son adolescence a été guidée par un engagement pacifiste et un espoir de révolution inspiré de celle de la Russie. Mariée à Hans, un journaliste satirique, elle admire sa cousine, Dora Fabian, engagée pour cette cause qu'elle entend défendre à tout prix aux côtés d'intellectuels dont Ernst Toller avec lequel elle vit une histoire passionnelle mais contrariée par leurs deux personnalités indépendantes. Bientôt repéré et menacé par les nazis, le petit groupe est forcé à l'exil comme des milliers d'allemands qui fuient le régime hitlérien.
Depuis Londres, ils tentent d'organiser une chaîne d'informations pour alerter les gouvernements européens des véritables visées d'Hitler alors que les Anglais et les Français persistent à le considérer comme un chef d'état tout à fait normal. Dora est la plus engagée, celle qui prend le plus de risques et qui parviendra notamment à sauver les écrits de Toller et même à les faire sortir d'Allemagne. Pourtant, l'opinion publique reste sourde. Les mouvements des réfugiés sont entravés par leur statut qui leur interdit toute action ou prise de parole politique mais ils réussissent malgré tout à se procurer et à diffuser des informations qui mettent en lumière les mensonges d'Hitler qui, malgré les termes du traité de Versailles est en train de reconstituer une armée et de l'équiper de matériel dernier cri. Le Reich continue à avancer ses pions, menaçant, jusque sur le sol britannique.
Dans ce contexte dramatique, alors que chaque destin est sur un fil, les personnages se battent entre amours et trahisons, complots et mensonges, guidés par un idéal de vérité et un espoir de liberté. L'auteur rend ici un bel hommage à ces combattants qui ne sont pas souvent mis en lumière en littérature. Inspiré d'une histoire vraie, basé sur une documentation méticuleuse recensée en fin d'ouvrage, ce roman qui se lit comme un polar est aussi poignant qu'instructif.
On espère qu'il y aura toujours des Ruth, des Toller et des Dora pour alerter. On espère que la prochaine fois ils seront écoutés et réussiront là où ils ont malheureusement échoué : éviter la guerre.
Un roman riche et très éclairant sur la condition des réfugiés que ce soit pour des raisons politiques ou pour échapper à l'antisémitisme. Des personnages magnifiques et terriblement romanesques. Une belle réussite.
Un livre sur la mémoire
Un livre à deux voix, celle de Ruth et de Toller, où les époques et les temps se mêlent, pour évoquer le souvenir de la figure centrale de ce roman, Dora, cousine de l’un et amour de l’autre. Ce roman est construit sur une double narration fort bien maîtrisée : la voix de Ruth, devenue presque centenaire qui raconte son quotidien, au présent, en 2002, en Australie. Elle souffre d’une mémoire immédiate déficiente mais, paradoxalement, se remémore d’anciens souvenirs qui nous laissent découvrir sa jeunesse aux côtés de sa cousine Dora. Ce récit au présent de Ruth est souvent drôle, d’une grande lucidité grâce à son goût de l’autodérision.
Puis c’est Ernst Toller, dramaturge socialiste, qui prend le relais du récit pour faire écho à la voix de Ruth. Dans une chambre d’hôtel, en 1939, à New-York, il apporte des modifications au récit autobiographique qu'il a écrit quelques années plus tôt en Allemagne, récit qui lui permet lui aussi de faire revivre Dora.
Pour ces deux personnages (ayant existé), le passé envahit peu à peu le présent et nous raconte l’histoire, la petite et la grande. On découvre alors de jeunes militants allemands – Ruth, Dora, Hans et bien d’autres – engagés dans la lutte contre la montée du nazisme alors qu'Hitler vient d’être nommé chancelier. C'est un combat sans merci qu’ils engagent contre l’oppression nazie d’abord à Berlin puis en exil à Londres, pour avertir le monde sur la menace grandissante du régime hitlérien. Ersnt Toller est en marge du réseau de ces militants, il est intellectuel engagé avant d'être militant mais ses souvenirs coïncident avec ceux de Ruth pour faire revivre Dora, qui est le personnage central de l’histoire, celle qui sera au cœur du réseau des résistants allemands, celle qui aura consacré sa vie et son énergie à ses convictions et son combat contre le nazisme
Livre formidablement écrit et documenté, qui nous éclaire sur une page méconnue de l’histoire, celle de la résistance allemande à l’aube de l’arrivée au pouvoir d’Hitler et de la montée du nazisme. Cet ouvrage nous rappelle au passage la révolution qu'a connue l'Allemagne après la première guerre mondiale en 1918-1919.
« Tout ce que je suis » est un roman magnifique, formidablement enrichissant, dont la trame, inspirée de faits et de personnages réels, en renforce la puissance. Un vrai coup de cœur.
Ils étaient jeunes, ils étaient beaux, ils rêvaient pour leur pays de paix, de solidarité, de liberté, d'égalité. "Ils", ce sont Ruth, Dora, Hans et Ernst, une bande d'amis, journalistes ou auteurs, photographes ou étudiants. Et leur pays, c'est l'Allemagne, une nation exsangue après la défaite de 14-18 mais où tout est à faire pour un monde meilleur. Adhérents du Parti des travailleurs socialistes, ils luttent pour ne plus jamais être soldat et devoir se battre dans les tranchées, pour que les femmes soient les égales de des hommes, pour que les ouvriers puissent vivre décemment. L'arrivée d'Hitler au pouvoir brise leur élan. Elu démocratiquement, le führer ne tarde pas à s'emparer des pleins pouvoirs et à instaurer la terreur. Les opposants au régimes sont abattus, envoyés dans les premiers camps de concentration ou déchus de leur nationalité et contraints à l'exil. Ruth, Dora, Hans et Ernst arrivent ainsi à Londres où, malgré l'interdiction faite par le gouvernement , ils s'organisent pour dénoncer le régime nazi et ouvrir les yeux des démocraties européennes sur les velléités guerrières du nouveau chef d'état. Mais l'Allemagne ne tolère aucune critique. Les dissidents sont menacés, enlevés, tués, même en territoire étranger. C'est au prix fort qu'ils paient leurs convictions et leurs engagements.
Quelques soixante-dix ans plus tard, Ruth, professeure de littérature à la retraite, reçoit, en Australie, son pays d'adoption, un colis contenant les derniers écrits d'Ernst, un récit de ces évènements rédigés dans une chambre d'hôtel new-yorkaise, juste avant la deuxième guerre mondiale. Au fil de sa lecture, Ruth se souvient...de sa jeunesse, de son amour pour Hans, de sa cousine Dora et d'Ernst son éternel amant. Défilent alors la lutte, la politique, les engagements, les amours, les trahisons, les persécutions, tous les amis qui se sont battus en vain contre la montée du nazisme.
Intrigues politiques et amoureuses se conjuguent dans cette fiction très réussie, basé sur des faits réels, que l'auteure a entrepris d'écrire après sa rencontre avec Ruth, seule survivante de la bande d'amis idéalistes. Elle a choisi d'entremêler les souvenirs de Ruth, en Australie en 2001 avec ceux d'Ernst Toller, à New-York, en 1939. Le procédé, déstabilisant dans les premières pages, finit par ne plus gêner, à mesure que l'on s'y habitue et que les deux récits se rejoignent. Finalement, on est pris dans cette histoire et on ne la lâche plus jusqu'aux dernières pages. Avec brio, Anna FUNDER revient sur une époque qui a fait l'objet de tant de livres, films et documentaires, qu'on croit la connaitre par coeur, mais elle le fait du point de vue de la résistance allemande dont on parle peu en définitive. Et pourtant, quel courage il fallait pour oser s'opposer aux nazis ! Réfugiés en Grande-Bretagne, en France, en Tchécoslovaquie, ou ailleurs, désormais apatrides, ils vivaient de peu, n'ayant droit à aucune activité professionnelle ou politique. Révoltés par les agissement d'Hitler, inquiets pour leur pays, mais profondément convaincus que le nazisme ne saurait perdurer, ils ont sacrifié jeunesse, amours, famille au service de leur cause. Comment penser à l"avenir quand l'Allemagne prépare la guerre? Comment envisager de fonder une famille alors que le danger rôde, partout, tout le temps ? Jeunesse perdue, avenir incertain, ils se sont brûlés les ailes au feu de l'Histoire. Certains, perdus loin de leur pays, de tout ce qui était leur vie, ont renoncé à leurs idéaux dans l'espoir de redevenir "quelqu'un", ils ont trahi par faiblesse, par peur ou par désespérance.
L'histoire bouleversante de Ruth, Hans, Dora et Ernst, de vraies personnes devenues personnages de roman, est rendue merveilleusement dans un récit balayé par le souffle de l'Histoire. Ces destins tragiques, brisés, nous emportent dans un tourbillon d'émotions qui vont de l'admiration à la pitié, en passant par la tristesse et l'effroi. Une belle réussite, portée par une plume sensible, qui a su s'effacer pour laisser la parole à ses héros méconnus. Enrichissant, passionnant, magistral !
je suis plongée dans la lecture d'un magnifique roman : Tout ce que je suis de ANNA FUNDER éditions Héloïse d' Ormesson
c 'est un
roman à double narration, donnant la parole successivement aux deux personnages principaux , ces
personnages ayant réellement éxistés,
- Ruth une très vieille dame nous raconte sa jeunesse lors de la montée hitlérienne..
- Toller, auteur de pièces de théâtre, militant, nous relate ses souvenirs, écrit sa biographie depuis une chambre d hôtel
il a combattu en 1914 , il ne peut se remettre des horreurs de cette guerre, il a passionnément aimé Dora...jeune journaliste qui sera assassinée dans des conditions obscures....
c'est le combat de quatre amis dont la vie est imprégnée par la politique allemande des deux guerres,
malgré l oppression nazie ,ils défendent leurs convictions devant les démocraties européennes qui ne les écouteront pas...
la difficulté n est pas dans l 'écriture qui est fluide, la lecture est aisée mais on peut être troublé par les flash back ,les évènement se situant à des époques différentes ...
.. c est avant tout une intrigue politique et ...Amoureuse ;
Nathalie 21 mai 13
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