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Sofia écrit des listes, partout et tout le temps. Des listes des diminutifs les plus gênants, des phrases qu'elle aurait souhaité ne jamais avoir dites ou des restaurants les plus mauvais. Une obsession qui lui permet d'affronter un quotidien morose : sa fille de deux ans et demi doit se faire opérer du coeur pour la troisième fois, Alzheimer emporte peu à peu sa grand-mère, et ce n'est certainement pas sa mère Anastasia, grande collectionneuse d'autocollants Panini et adoratrice de Tolstoï, qui peut lui apporter son aide.
De ses origines russes, la jeune femme ne sait que très peu de choses. C'est en trouvant chez sa grand-mère de mystérieuses listes écrites en cyrillique qu'elle découvre l'existence de Gricha, un oncle dont elle ignorait tout. Qui était cet homme passionné, fougueux et marginal ? À travers lui, l'histoire familiale de Sofia se dévoile peu à peu pour livrer ses plus lourds secrets.
Un roman à la fois cocasse et grave qui s'interroge avec justesse sur les liens familiaux et la quête identitaire.
Sofia sombre peu à peu...Elle n'a pas perdu les kilos pris durant sa grossesse. Elle est incapable de commencer à écrire un nouveau livre. Sa grand-mère, atteinte d'Alzheimer, se meurt lentement dans une maison de retraite. Sa petite fille doit subir incessamment une troisième opération du cœur... Heureusement, quand tout va mal, il lui reste toujours ses listes. Les listes qu'elle dresse depuis l'enfance, sur tous les sujets, en toute circonstance et que, ni une visite chez le psychologue, ni le courroux d'Ana, sa mère, n'ont réussi à lui faire abandonner. De toute façon, que vaut la désapprobation d'une femme qui affiche le portrait de Tolstoï partout dans son appartement et collectionne les autocollants de football Panini ?
Quand sa mère lui demande de vider l'appartement devenu inutile de sa grand-mère, Sofia trouve une boîte au fond d'un placard. Et dans cette boîte : des listes ! Des listes en russe. Interrogée, Ana nie en connaître l'existence. Pourtant, elle a bien connu l'auteur des listes. Gricha était son frère, il y a longtemps, là-bas, quand la Russie s'appelait encore l'Union soviétique, et elle, Anastasia.
Deux histoires, celle de Sofia à Munich et celle de Gricha à Moscou. Deux comptes à rebours, les quelques jours avant la lourde opération que doit subir la fille de Sofia et les années avant que Gricha ne soit plus qu'un souvenir pour sa mère et sa sœur. Deux douleurs, celle de Sofia qui, alors que sa vie se délite, se réfugie dans l'inertie, et celle de Gricha, fougueux, révolté qui étouffe dans un pays où l'individu est broyé par le système. Et des listes, point commun entre ses deux êtres qui ne se sont pas rencontrés.
Deux vies mais une même famille dans laquelle on est immergé dès les premières lignes. Et très vite, on en découvre les secrets, les non-dits. Sofia est née en Union soviétique mais elle était encore un nourrisson quand sa mère est venue s'installer en Allemagne, ''rescapée'' par son tout nouveau mari allemand. De la vie là-bas, elle ne sait presque rien. Son père y est mort, sa mère et sa grand-mère y vivaient dans la peur et le manque de tout. Elle ne soupçonne pas l'existence d'autres membres de cette famille en exil. Pourtant, la découverte des listes et les confidences de son beau-père vont lui ouvrir une porte sur ce passé.
Et c'est là que Gricha entre en scène, personnage à la fois touchant et flamboyant, voué au drame. Tout petit, il grimace lors de la cérémonie dédiée à la mort de Staline. Plus tard, il sèche les cours pour aller à l'enterrement de Boris Pasternak. Très vite, il entre en dissidence, s'entourant de camarades qui, comme lui, veulent changer le visage du communisme. Toujours en vadrouille pour une réunion, une distribution de livres interdits, il inquiète sa famille qui craint une arrestation. Cet homme curieux de tout, épris de liberté, enfermé dans une société liberticide, est l'archétype de l'âme slave cadenassée par le totalitarisme soviétique. Gricha, c'est l'optimisme, le souffle de la liberté, l'envie de découvrir le monde.
Toute en retenue et en pudeur, Lena GORELIK nous livre un roman riche en émotions. On s'attache à ces personnages pleins de failles : Sofia qui avoue ses pensées les plus secrètes et les moins avouables, Anastasia qui voudrait colorer de rose le monde autour d'elle, Franck, silencieux mais tellement aimant, Flox si compréhensif et attentif malgré ses propres inquiétudes, la grand-mère et ses gâteaux, et bien sûr, Gricha et ses amis contestataires. Le récit n'est jamais larmoyant, malgré les drames, la tristesse, la peur, mais on ne peut s'empêcher d'avoir la gorge serrée dans les toutes dernières pages. Une très belle réussite pour cette jeune auteure allemande, d'origine russe.
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