"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Sursum corda de Veronika Boutinova est un roman de voix qui relate l'amour absolu liant deux amis de l'autrice lui ayant confié leur bonheur douloureux. À vif, Zuka et Charlotte se sont trouvés à Belgrade en 2012. Depuis ils cherchent à garder le lien cosmique qui les traverse comme il traverse l'Europe et ses frontières, étanches. Charlotte vit dans le nord de la France. Zuka, originaire de la Krajina, est réfugié en Serbie. Tous deux tentent de survivre à leurs amours européennes.
« Charlotte à l'Est. Quand je suis partie en Moldavie avec Charlotte, elle a failli ne pas revenir, arrêtée à l'aéroport où on l'a prise pour une terroriste à cause d'un accessoire de théâtre qui n'était qu'un socle de lampe Ikéa ! Quand Charlotte est partie en Roumanie, elle est revenue avec Gnôle, son chien Tuica, qu'elle a passé clandestinement dans le bus, en le cachant au fond de son sac ! Quand Charlotte est partie en Serbie, elle est revenue avec l'amour, avec son Serbe, avec son amour serbe, Zuka. Charlotte a dit un jour que Zuka valait mieux que le Paradis. Zuka m'a dit un jour que Charlotte était sa petite fleur. Nous tous ici nous pensions qu'elle était une chienne, savante, mais une chienne, une fille qui joue et aboie, qui aboie en jouant. Bon voyage à vous deux dans votre péniche amoureuse, paradis des petites fleurs et des chiens polyglottes. ».
« Cette nécessité de sonder le sens de tant de cruauté. Sara Rosenberg, un Fil rouge. »
Sursum corda, Haut les cœurs !
Écoutez les voix qui s’élèvent de ce récit poignant et véridique. Écorchures vives, collines meurtrières, l’herbe flambe, les enfants tombent, les murs s’effondrent. Dos à dos, tuant le frère, le voisin, son alter-égo. Pays assigné aux déchirures, écartelé par des frontières juste nées, tache au fronton de nos convictions. Les Balkans sanglotent et se recroquevillent, les souffrances indélébiles, les regards n’osent se lever vers la lumière. Trop de peur encore, pas assez de confiance, trop de non-dits et de charniers. Ce n’est pas moi, ce n’est pas lui, c’est l’autre l’ennemi mon double mon frère en acte manqué. Où suis-je ? de quel pays ? où puis-je puiser le regain des repentances ?
« Sursum corda » est le livre des résistances, des preuves, le fleuve traversé à la nage sous les balles, une page de notre Histoire. Crucial, il est une urgence de lecture. Retenez dans vos mains les litanies de Zuka et de Charlotte. Deux contraires assemblés pour les diktats sociétaux. Pour nous, ici, dans la sève des paroles, c’est l’union pacifique, ce que je désire le plus au monde. Que chacun (e) puisse vivre là où, il ou elle le désire le plus et s’aimer dans le champ des possibles. Cette certitude est ma complainte. Ici, Zuka est universel. Homme du monde, déchiqueté par les mouvances intestines. Serbe dites-vous, certes, mais Zuka ne sait qu’effleurer les cheveux, regarder les bruissements du vent, les paraboles chantantes, cordes à nœuds : Haut les cœurs ! Charlotte est française. Ils s’aiment, envers et contre tout, sur les mailles de pays qui ne se connaissent plus. Drame de notre vaste humanité. Ne pas reconnaître l’autre comme son frère ou sa sœur.
Zuka originaire de « la Krajinia, refugié en Serbie. Et puis j’ai été chassé de Knin, mon pays, j’ai été expulsé hors de ma zone de vie, de confort et de souvenirs pour être ra-patrié dans les frontières antiques de la Serbie. Ces frontières effacées par Tito.Je suis né en Yougoslavie et un jour on me dit : Tu es né en Croatie mais tu es un Serbe, donc tu dois repartir chez toi. »
Le macrocosme de « Sursum corda » est notre devoir, notre éthique, ce que nous voudrions pour nos enfants. Que la terre soit universelle. Prendre du recul pour serrer encore plus fort Zuka et Charlotte dans nos bras. Pousser du pied les méandres intestines.
« Une amie metteur en scène de Charlotte, Veronika celle qui lui avait ouvert les portes de l’Europe de l’Est… nous avait envoyé un petit mot qu’elle avait fait traduire en serbe pour moi, et que nous avons lu après la cérémonie, à voix haute, chacun notre tour, mon amoureuse et moi, chacun dans notre langue. »
« Je vais, en France. Je reviens à Belgrade. Je pars, je reviens, je repars. Charlotte vient en Serbie. Elle repart à Lille. »
Ces êtres de l’amour, où peuvent-ils puiser l’olympien des miracles renoués ? Les frontières sont des éclaboussures, les épines des roses, les barbelés qui encerclent les champs de fleurs. Comment renaître malgré le silence et les armes baissés ?
« Charlotte est tellement loin et pourtant nous sommes si proches. Nous sommes les deux mêmes personnes. Non, en vérité, nous sommes une même personne ! »
« Sursum corda » est bouleversant. J’ai besoin à présent d’aller en Serbie. Fiançailles avec un peuple mal-aimé.
« Un paria qui prône la paix et la réconciliation
Tu as la rage
KNIN.
J’ai honte d’être un humain.
Nous sommes tous des virus sur cette planète.
Trois balles dans le corps de mon père. »
Ce livre n’est pas commun. Il est pour tous. Il est un devoir de lecture, un électrochoc. On ne peut lâcher des yeux Zuka et Charlotte et c’est bien ainsi.
Acclamation !
Que ce livre écrin de Veronika Boutinova soit dédié à tous les enfants du monde. Ce livre des courages, ce livre de nuit noire est, si vous faites bien attention, un outil pour un lendemain meilleur. Mes pensées vont vers cet universel à construire et ma belle Anabela qui comprendra.
Ce sanglot long qui perce les lignes est l’hymne à la Terre, la sienne, la nôtre. Femmes et hommes du monde entier, aimez-vous ! Un cri : abolir les frontières.
Publié par les majeures Éditions Le Ver à Soie, Virginie Symaniec éditrice.
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