"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Onirique, magistral, un chant tragique magnifiquement déplié.
Le macrocosme de notre humanité tremblante de pluie.
Les migrations, noria d’oiseaux noirs en plein vol dans la tourmente. Ici, elles sont au fronton des douleurs. L’exil à l’instar de l’horizon en front de mer. Une muraille gorgée d’eau cerclée de détresse. L’abandon ultime. L’échappée de soi-même, la plénitude n’est pas. Trop de courant et d’indifférence pour un lendemain où l’Homme deviendra universel.
Ce livre est un cri du cœur. Un éclat de lumière qui perce les pages sombres et intestines.
La magnanimité des bienfaiteurs qui encensent la trame et redonnent de l’espoir. La force du vent qui contre les contraires. On écoute Veronika Boutinova.
Ce texte des itinérances, des croisées est doté de plusieurs lectures, plusieurs fragments. Chacun des morceaux d’architectures est un écho en nos poitrines. Voix des migrants, voiles blancs et larmes salées. La corne de brume qui éclate en sanglot. L’électrochoc bénéfique, la parole est donnée. Ce récit est un levier qui interpelle nos consciences. Une litanie qui exauces l’honneur des migrations. Un parchemin qui pointe du doigt là où ça fait mal. Subrepticement, il démonte des diktats un à un et souffle de l’air froid sur nos arrogances et nos faillites.
Veronika Boutinova prend place.
« Un roman mausolée », un livre-somme, la vérité terriblement humaine et sinistre. Des hommes, femmes et enfants, nos frères et sœurs en humanité, qui font de leurs périples de survivance le gain des rapaces et des passeurs. Corps jetés en pleine mer puisque l’être de chair et de sang n’est plus.
Voix qui s’élèvent, ressacs et tempêtes. L’enfant qui pleure et dérange, arraché du ventre d’une mère et tel un fardeau, lancé en pleine mer. Une contrainte de moins pour le passeur criminel. Prouver toute sa barbarie jusqu’au paroxysme de l’horreur.
Les voix sont des échos. Calais perd ses couleurs. Les résistances comme des étoiles dans les yeux. Magda est ici. Elle, qui entend la voix des disparus en mer, radeau de Géricault. La Méditerranée est un cercueil qui dérive et s’enfonce sous l’intolérable. Les corps noyés, tels des oubliés de notre planète-terre.
Symbolique, puissant, viscéral et empreint d’une souffrance vive et insistante, la voix qui murmure son éloge funèbre dans la chevelure de Magda est celle du cri des fonds marins. Tous ensemble, la concorde des finitudes, ils disent leurs histoires de vie, les batailles pour survivre. Eux, devenus l’anonyme, le néant. Magda cherche l’homme qui flotte dans sa tête. Elle si fragile et pourtant endurante. « Entre ses heures de fac, Magda parfois bénévole, distribue de la nourriture, des sourires timides, des vêtements chauds, des chaussures, des tentes, prodigue des soins ou des conseils administratifs aux exilés. Nazali, lui, dépérit, hébergé dans le garage de la maisonnée de Blériot-Plage ».
Baptiste, son frère, collecte les faits, retient les dates des drames, archiviste mémoriel. « Des mots pour susciter la connaissance, observer, ausculter, disséquer, nommer, raconter, dénoncer, témoigner, sensibiliser, engranger la mémoire des faits, analyser. Je suis l’archiviste du flot migratoire, j’ancre ici tous les écrits rédigés sur les exilés de Calais et du monde entier. Je garde la trace historique ! Tu savais que c’est en 1988 à Cadix qu’on découvrait le corps du premier migrant mort noyé ? ».
« Archimède de Syracuse, le scientifique, vers 210 avant Jésus-Christ, marche et réfléchit, réfléchit et marche, traçant des lignes sur le sol de Sicile de son long bâton noueux ».
Il est la vérité, la raison, l’implacable et conte les cartographies des noyés, ce qu’il reste d’un corps jeté en pâture aux vagues et poissons. L’eau qui défigure un visage. Les ravages comme un mausolée scientifique. Les faits qui charrient les poésies, algues gluantes. Lèvres pâles et fermées, les corps devenus un fait, juste un fait, une preuve scientifique sans état d’âme.
Blériot-Plage, fourmilière où gravite l’aide humanitaire, les cachettes et les secours. Les traquenards des vils. C’est ici que Magda puise sa voix en devenir de lumière. « La confidente des noyés » Magda prononce la Babel anéantie. Épuisée par les voix dévorantes, le génocide maritime, elle cherche l’homme emblématique, celui qui parle au nom des siens. Elle voudrait pour lui, un linceul blanc, une mer sans frontières. Un cercueil où la rédemption serait alors le triomphe. Magda l’amoureuse de Nazaré qui veut rejoindre l’Angleterre et qui serre son secret contre lui. Lui, qui vit dans le garage familial. L’abri Alcazar, la grotte glacée où Nazalé trace sur les murs sa route pour demain, peut-être, pas encore, pas maintenant. Un autre jour. Ne rien dire au frère et à la sœur, fuir en silence, redevenir anonyme. Exilé pour toujours, l’amour pour Magda sera sa couverture de survie, peut-être, si tout se passe bien.
« Cette nécessité de sonder le sens de tant de cruauté. Sara Rosenberg, un Fil rouge. »
Sursum corda, Haut les cœurs !
Écoutez les voix qui s’élèvent de ce récit poignant et véridique. Écorchures vives, collines meurtrières, l’herbe flambe, les enfants tombent, les murs s’effondrent. Dos à dos, tuant le frère, le voisin, son alter-égo. Pays assigné aux déchirures, écartelé par des frontières juste nées, tache au fronton de nos convictions. Les Balkans sanglotent et se recroquevillent, les souffrances indélébiles, les regards n’osent se lever vers la lumière. Trop de peur encore, pas assez de confiance, trop de non-dits et de charniers. Ce n’est pas moi, ce n’est pas lui, c’est l’autre l’ennemi mon double mon frère en acte manqué. Où suis-je ? de quel pays ? où puis-je puiser le regain des repentances ?
« Sursum corda » est le livre des résistances, des preuves, le fleuve traversé à la nage sous les balles, une page de notre Histoire. Crucial, il est une urgence de lecture. Retenez dans vos mains les litanies de Zuka et de Charlotte. Deux contraires assemblés pour les diktats sociétaux. Pour nous, ici, dans la sève des paroles, c’est l’union pacifique, ce que je désire le plus au monde. Que chacun (e) puisse vivre là où, il ou elle le désire le plus et s’aimer dans le champ des possibles. Cette certitude est ma complainte. Ici, Zuka est universel. Homme du monde, déchiqueté par les mouvances intestines. Serbe dites-vous, certes, mais Zuka ne sait qu’effleurer les cheveux, regarder les bruissements du vent, les paraboles chantantes, cordes à nœuds : Haut les cœurs ! Charlotte est française. Ils s’aiment, envers et contre tout, sur les mailles de pays qui ne se connaissent plus. Drame de notre vaste humanité. Ne pas reconnaître l’autre comme son frère ou sa sœur.
Zuka originaire de « la Krajinia, refugié en Serbie. Et puis j’ai été chassé de Knin, mon pays, j’ai été expulsé hors de ma zone de vie, de confort et de souvenirs pour être ra-patrié dans les frontières antiques de la Serbie. Ces frontières effacées par Tito.Je suis né en Yougoslavie et un jour on me dit : Tu es né en Croatie mais tu es un Serbe, donc tu dois repartir chez toi. »
Le macrocosme de « Sursum corda » est notre devoir, notre éthique, ce que nous voudrions pour nos enfants. Que la terre soit universelle. Prendre du recul pour serrer encore plus fort Zuka et Charlotte dans nos bras. Pousser du pied les méandres intestines.
« Une amie metteur en scène de Charlotte, Veronika celle qui lui avait ouvert les portes de l’Europe de l’Est… nous avait envoyé un petit mot qu’elle avait fait traduire en serbe pour moi, et que nous avons lu après la cérémonie, à voix haute, chacun notre tour, mon amoureuse et moi, chacun dans notre langue. »
« Je vais, en France. Je reviens à Belgrade. Je pars, je reviens, je repars. Charlotte vient en Serbie. Elle repart à Lille. »
Ces êtres de l’amour, où peuvent-ils puiser l’olympien des miracles renoués ? Les frontières sont des éclaboussures, les épines des roses, les barbelés qui encerclent les champs de fleurs. Comment renaître malgré le silence et les armes baissés ?
« Charlotte est tellement loin et pourtant nous sommes si proches. Nous sommes les deux mêmes personnes. Non, en vérité, nous sommes une même personne ! »
« Sursum corda » est bouleversant. J’ai besoin à présent d’aller en Serbie. Fiançailles avec un peuple mal-aimé.
« Un paria qui prône la paix et la réconciliation
Tu as la rage
KNIN.
J’ai honte d’être un humain.
Nous sommes tous des virus sur cette planète.
Trois balles dans le corps de mon père. »
Ce livre n’est pas commun. Il est pour tous. Il est un devoir de lecture, un électrochoc. On ne peut lâcher des yeux Zuka et Charlotte et c’est bien ainsi.
Acclamation !
Que ce livre écrin de Veronika Boutinova soit dédié à tous les enfants du monde. Ce livre des courages, ce livre de nuit noire est, si vous faites bien attention, un outil pour un lendemain meilleur. Mes pensées vont vers cet universel à construire et ma belle Anabela qui comprendra.
Ce sanglot long qui perce les lignes est l’hymne à la Terre, la sienne, la nôtre. Femmes et hommes du monde entier, aimez-vous ! Un cri : abolir les frontières.
Publié par les majeures Éditions Le Ver à Soie, Virginie Symaniec éditrice.
Waël et Mira, sa sœur sont des enfants de Syrie qui quittent leur pays en guerre avec leur mère. Séparés d'elle, ils se retrouvent seuls pendant le long voyage jusqu'en Europe. Ils arrivent à Calais, dans le bidonville.
Court et très joli livre de cette maison d'édition que je ne connaissais pas, Une heure en été. Veronika Boutinova est l'auteure du texte, très beau, poétique. C'est un poème-documentaire tiré de la vie d'un jeune garçon qu'elle a rencontré à Calais, dans le bidonville, lieu qu'elle fréquente régulièrement à la rencontre de ces gens qui franchissent des frontières et des obstacles incroyables pour fuir leur pays.
"Après l'horreur, après la guerre,
l'Europe enfin et la douce paix sous nos pieds !
Là, sous nos yeux émerveillés,
nos regards épuisés, tant de sols variés :
sable, herbe, boue, bitume, goudron, graviers
et tant de pays traversés !
Nous étions isolés sur la si vaste terre..."
Emma Guareschi illustre de manière très originale, colorée, mélangeant des aspects réalistes à d'autres plus oniriques, collant ainsi parfaitement à la poésie du texte voire la renforçant ainsi qu'au côté documentaire.
L'ensemble donne un livre dur et beau et optimiste, qui s'adresse aux enfants et qui permettra aux parents d'aborder aisément la question des enfants qui fuient les horreurs de leurs pays et se retrouvent hébergés souvent de façon indécente.
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