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Spring Hope est le dernier grand plongeon en date de Sam Savage, auteur de Firmin, autobiographie d'un grignoteur de livres, dans l'esprit et la voix d'un personnage, et son oeuvre la plus personnelle à ce jour. Pierre après pierre, Eve, la narratrice, bâtit un mémorial à la mère qui l'a élevée, l'a privée d'affection et façonnée à son image.
Les souvenirs d'Eve évoquent une enfance dans la Caroline du Sud rurale, une maison en voie de délabrement sur une terre appauvrie et une société reculée qui succombe aux influences d'un monde plus vaste. Spring Hope est le portrait d'un lieu plein de colibris et d'iris sauvages, mais aussi de frustration et de peine.
Eve est assise à son bureau, devant la fenêtre où bruissent au vent les grands rideaux blancs de mousseline.
Les moineaux pépient à la mangeoire et le chat assis de l'autre côté de l'immeuble fait semblant de ne pas s'y intéresser tout en faisant sa toilette.
Un instant qui laisse Eve sur le chemin du passé et de son enfance avec ses deux frères, à Spring Hope, petite bourgade de Caroline du Sud.
Eve pense sans cesse à sa mère.
Celle qui portait le doux prénom d'Iris, qui aimait les peintures d'Audubon, les oiseaux, lisait avec sa fille Baulelaire et Mallarmé en langue française et écrivait des poèmes jusqu'à l'obsession et la folie à la manière d'Edgar Poe "Elle séjournait dans les décombres de ses poèmes, assise dans la maison vêtue de l'une ou l'autre de ses robes lavande et fantasmait sur une vie dont le destin, mon père et le Sud l'avaient privée, mais dont elle n'arrivait pas à se détacher".
Surtout, ne plus avoir peur d'ouvrir tous les petits tiroirs où se cachent tant de souvenirs sensoriels qui rendent sa mère si vivante. Un éboulement de sensations qu'Eve essaie de contenir par petits fragments "Je peux m'arrêter à tout moment, je ne l'oublie pas. M'arrêter d'écrire, je veux dire".
Elle a déjà tant essayé d'écrire quelques pages avant de laisser tomber par peur justement de ne plus pouvoir s'arrêter.
Eve se laisse doucement envahir par les images du passé qui se pressent à son esprit et de sa main les libère en formant des mots. Une suite de très beaux courts paragraphes qui composent ce texte.
Eve prend garde de ne pas se brûler comme furent brûlés les cahiers de poésie de sa mère. A Spring Hope.
De cette petite lucarne ouverte sur l'enfance, tout ce qu'elle voit, ressent, entend, goûte et touche, elle l'habille de mots "J'ai une image de la coiffeuse de maman et de moi enfant assise devant, sur une banquette tendue de satin, tandis que maman me brosse les cheveux. Le tissu sur la banquette est décoré d'oiseaux tropicaux, rouges, bleus et jaunes, et effiloché sur les bords, je le vois".
Ses plus vieux souvenirs, sa complicité avec son plus jeune frère Thornton, ce qu'on lui a raconté, en faisant la part du vrai et du faux une fois devenue adulte et aussi ses propres inventions, mettre en scène les mots.
Ecrire sur Spring Hope, c'est enfin pour Eve lire l'oeuvre de toute une vie, celle de sa mère.
Figer le passé dans sa mémoire et revenir toujours à cet endroit précis par petits cercles comme les ricochets dans l'eau.
"Si j'imagine retrouver ma mère maintenant, la retrouver telle qu'elle était à la fin, telle que je suis maintenant, j'ai la vision d'un vaste champ vert et de deux vieilles dames folles qui se précipitent éperdument dans les bras l'une de l'autre".
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