"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Certains se plaisent à dévorer des livres au sens métaphorique du terme....Firmin qui lui est un rongeur voue à la littérature un amour sans bornes. Sa passion l'a irrémédiablement éloigné de ses congénères...lui qui rêve secrètement de partager cette passion avec d'autres....Un livre délicat et subtil, émouvant et triste.
Pour résumer Firmin c'est avant tout un livre sur l'amour des livres.
Harold Nivenson n’est pas brillant. Il prend de l’âge et sa santé se dégrade. Son petit chien, Roy, est mort et il lui manque beaucoup. Derrière sa fenêtre, il observe ses voisins mais cela ne le réjouit guère car sa vision des choses, de la vie, est très pessimiste.
Sur des fiches, il note un maximum de choses et se décrit sans aménité : « Peau de serpent desséchée qui s’écaille, ventre gonflé de crapaud, pattes grêles d’oiseau, odeur de bouc, face de chameau, cerveau d’un orignal fou-furieux assailli par les loups. Un boiteux qui traîne la jambe et trébuche sur les fissures du trottoir. » Ajoutant aussitôt, froidement : « Je possède une arme. »
À partir de là, le lecteur va de surprise en surprise car cet homme en bout de course a eu une vie dense que les souvenirs remontant à la surface permettent de découvrir. Son quartier était un quartier populaire mais il est maintenant envahi par des gens aisés, de jeunes cadres dynamiques et seule sa maison n’a pas été restaurée.
La Professeure Diamond est la voisine qui l’intrigue le plus. Elle le snobe mais si elle écrit des livres, il n’en a lu aucun : « Le journal dit d’elle que c’est une véritable mine d’or littéraire. Ce qui signifie qu’elle produit des déchets littéraires à une échelle industrielle. »
Il parle aussi de ces tableaux qui ornent les murs de sa maison : « Je me rends compte qu’ils n’ont aucune valeur, que ce sont pour l’essentiel des croûtes. Si j’en avais la force, je les jetterais tous à la poubelle… Je suis – et je le reconnais sans peine – le plus grand gougnafier que la terre ait porté. » Gougnafier, c’est ainsi qu’il définit les artistes mineurs.
Moll que l’on suppose être sa femme, s’occupe de lui qui parle alors beaucoup de ce peintre allemand venu de Munich : Meininger. Il l’a hébergé durant 38 mois mais son influence a duré longtemps ensuite : « Meininger, le peintre et Nivenson, le critique et collectionneur. La vie d’un dilettante. »
Toujours très critique envers ses semblables, apparemment misanthrope, Harold Nivenson n’est pas avare de phrases choc comme lorsqu’il confie : « Si quelqu’un m’annonce qu’il va me raconter l’histoire de sa vie, je sais immédiatement qu’il s’apprête à mentir. »
La peinture a été sa passion et sa perte : « J’ai toujours été fou, mais pendant la plus grande partie de ma vie, je me suis cru normal. » Finalement, ce roman original et prenant est une très instructive leçon de vie.
Firmin est un petit rat qui ne trouve pas vraiment sa place parmi ses congénères, et pour cause : il lit des livres depuis son plus jeune âge et est de ce fait devenu très intelligent. Il nous raconte son histoire, sa vision du monde et de la littérature, dans ce petit livre qui se lit d'une traite et nous laisse songeur.
C'est une histoire plutôt triste que l'on est amené à suivre car même s'il est différent, Firmin vit une vie de rat, et celle ci n'est pas de tout repos. Il faut sans cesse se cacher et chercher de la nourriture. La mort est partout. J'ai apprécié pouvoir découvrir la vie à la hauteur de cette petite bête car Firmin nous fait prendre conscience d'un tas de choses et nous fait réfléchir.
Réfléchir, c'est ce que fais Firmin la plupart du temps. En effet, en plus de suivre son histoire, on suit aussi ses pensées et ses réflexions autour de la condition humaine, de la littérature ou tout simplement de la vie. J'ai mis un moment avant de vraiment apprécier son cheminement de pensées, je trouvais que Firmin s'éparpillait un peu et je ne comprenais pas vraiment où il voulait en venir. Pourtant, à mesure que l'on apprend à connaître Firmin, ses pensées nous intéressent de plus en plus.
Car oui, Firmin est un petit rat extrêmement attachant. Il n'est pas comme les autres et se retrouve de ce fait très seul. Il ne peut pas se faire comprendre des humains (car non, ce livre a beau être original, les rats n'y parlent pas) alors qu'ils sont les seuls susceptibles de le comprendre. Sa vie est courte et semée d'embuches. Ce livre est vraiment frustrant car on espère jusqu'au bout que Firmin finira par trouver sa place, par être heureux, mais tout s'écroule toujours autour de lui.
J'ai aimé ce livre car j'ai eu l'impression d'apprendre énormément de choses. Il nous fait prendre conscience de ce qui nous entoure et est bourré de références littéraires. La fin m'a malheureusement laissé un goût amer, j'ai été frustrée d'avoir suivi cette petite vie sans avoir pu assister à quelque chose de positif et j'aurais tellement aimé pouvoir l'aider. C'est un livre qui m'a rendu triste et nostalgique mais qui fait beaucoup réfléchir.
http://bookshowl.blogspot.fr/2016/08/firmin-autobiographie-dun-grignoteur-de.html
Eve est assise à son bureau, devant la fenêtre où bruissent au vent les grands rideaux blancs de mousseline.
Les moineaux pépient à la mangeoire et le chat assis de l'autre côté de l'immeuble fait semblant de ne pas s'y intéresser tout en faisant sa toilette.
Un instant qui laisse Eve sur le chemin du passé et de son enfance avec ses deux frères, à Spring Hope, petite bourgade de Caroline du Sud.
Eve pense sans cesse à sa mère.
Celle qui portait le doux prénom d'Iris, qui aimait les peintures d'Audubon, les oiseaux, lisait avec sa fille Baulelaire et Mallarmé en langue française et écrivait des poèmes jusqu'à l'obsession et la folie à la manière d'Edgar Poe "Elle séjournait dans les décombres de ses poèmes, assise dans la maison vêtue de l'une ou l'autre de ses robes lavande et fantasmait sur une vie dont le destin, mon père et le Sud l'avaient privée, mais dont elle n'arrivait pas à se détacher".
Surtout, ne plus avoir peur d'ouvrir tous les petits tiroirs où se cachent tant de souvenirs sensoriels qui rendent sa mère si vivante. Un éboulement de sensations qu'Eve essaie de contenir par petits fragments "Je peux m'arrêter à tout moment, je ne l'oublie pas. M'arrêter d'écrire, je veux dire".
Elle a déjà tant essayé d'écrire quelques pages avant de laisser tomber par peur justement de ne plus pouvoir s'arrêter.
Eve se laisse doucement envahir par les images du passé qui se pressent à son esprit et de sa main les libère en formant des mots. Une suite de très beaux courts paragraphes qui composent ce texte.
Eve prend garde de ne pas se brûler comme furent brûlés les cahiers de poésie de sa mère. A Spring Hope.
De cette petite lucarne ouverte sur l'enfance, tout ce qu'elle voit, ressent, entend, goûte et touche, elle l'habille de mots "J'ai une image de la coiffeuse de maman et de moi enfant assise devant, sur une banquette tendue de satin, tandis que maman me brosse les cheveux. Le tissu sur la banquette est décoré d'oiseaux tropicaux, rouges, bleus et jaunes, et effiloché sur les bords, je le vois".
Ses plus vieux souvenirs, sa complicité avec son plus jeune frère Thornton, ce qu'on lui a raconté, en faisant la part du vrai et du faux une fois devenue adulte et aussi ses propres inventions, mettre en scène les mots.
Ecrire sur Spring Hope, c'est enfin pour Eve lire l'oeuvre de toute une vie, celle de sa mère.
Figer le passé dans sa mémoire et revenir toujours à cet endroit précis par petits cercles comme les ricochets dans l'eau.
"Si j'imagine retrouver ma mère maintenant, la retrouver telle qu'elle était à la fin, telle que je suis maintenant, j'ai la vision d'un vaste champ vert et de deux vieilles dames folles qui se précipitent éperdument dans les bras l'une de l'autre".
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