"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans la ville de Sotchi, en Russie, un dessinateur français erre à la poursuite du souvenir d'une amie disparue en mer.
Dans cette ville où se côtoient les traces les plus profondes du système soviétique et les révolutions les plus violentes du système capitaliste, à l'approche des Jeux Olympiques qui doivent s'y tenir bientôt, le voyage qui commence est aussi un voyage intérieur.
C'est un roman très particulier qui s'attache beaucoup aux sensations de Guillaume, à son mal-être visible, à sa mélancolie omniprésente, qui parle aussi beaucoup de la Russie actuelle, celle des petites gens qui vivent à Sotchi, grande ville (370 000 habitants) au bord de la mer Noire. Guillaume y élit domicile dans un petit hôtel typique, qui date de 1936, choisit une chambre sans luxe, mange dans les cantines ou les restaurants bon marché dans lesquels il côtoie les travailleurs russes, beaucoup de femmes, cantinières, serveuses, femmes de ménage... Il prend son temps. Il dessine. Surtout les lieux. Finalement pas pressé de répondre à la question qui l'a mené dans ces lieux : les raisons de la mort d'Olga. J'ai lu ce roman comme un livre de rencontres avec des personnes, avec des bâtiments, des sites, comme si Guillaume avait besoin de s'imprégner totalement de la Russie pour comprendre sa vie et la mort d'Olga. C'est un homme que cette disparition a mis à l'envers et qui doit se reconstruire en passant par Sotchi. Il n'aime pas le superficiel : "Depuis longtemps, seuls les défauts chez une personne t'intéressaient. Tu trouvais ridicule l'image parfaite, glacée, sans faille, de l'homme contemporain et tu ne comprenais d'ailleurs pas comment on en était arrivé là. Pourquoi, c'était simple ? Un individu lisse et hygiéniste consomme énormément, à tel point qu'il finit par devenir lui-même une marchandise." (p.17) La ville n'est pas très belle, certains endroits ont subi les constructions de la période communiste, mais d'autres ont pu garder leur charme : Guillaume y déambule, parfois accompagné, souvent seul. On est quasiment dans un reportage sur la ville (future hôte des Jeux Olympiques, en 2014) mais aussi avec les personnages du roman. Très étonnant, original, et je me suis même demandé plusieurs fois ce qui, dans ce bouquin, faisait que j'avais envie de le continuer. Parfois, je laisse tomber un livre sans vraiment savoir pourquoi, je suis capable de voir qu'il a des qualités, mais je n'y arrive pas. Là, c'est l'inverse, je lis ce bouquin que j'aime, sans savoir vraiment pourquoi. Je pourrais dire que ce sont les personnages de JC Taki, leurs rencontres, leurs doutes et remises en cause ; sans doute. L'atmosphère qu'il sait créer : sûrement. La Russie qui fascine toujours autant : assurément. L'écriture de JC Taki ; indubitablement. A mon avis, c'est le mélange de tout plus le goût et l'envie également de lire des choses qui sortent du lot des romans habituels.
Un roman écrit à la deuxième personne du singulier, comme si l'écrivain interpellait Guillaume, lui rappelait ses faits, gestes et pensées. Peu de dialogues, pas mal de descriptions courtes, des femmes, des lieux et des situations, dans une belle langue dont JC Taki sait jouer, tel ce zeugma : "Il y avait beaucoup de circulation. Les camions crachaient leur fumée noire, les voitures leur fumée grise, les deux-roues leur fumée blanche et toi tes poumons."(p.61). Premier roman de JC Taki qui est aussi -entre autres- réalisateur, et qui, pour la même histoire à réalisé Sotchi 255 (le numéro de la chambre d'hôtel de Guillaume), que je regarderais bien, intrigué et curieux que je suis.
L'inventaire du titre est celui des objets présents dans la chambre de l'hôtel, que l'on retrouve en titre des chapitres. Un petit tour en Russie ?
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