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Penser l'individuation ou la réalité « radicale » de la vie, implique une méthode génétique, et relève en même temps d'une démarche naturelle qui est au plus proche de la dynamique de la vie, et de la problématique perceptive. La philosophie de l'individuation peut en effet se caractériser comme un vitalisme, mais il s'agit d'un vitalisme critique, qui s'interroge sur les conditions de la connaissance réelle, dans ce qu'elle a de plus immédiat pour la conscience. C'est en ce sens que l'on peut comprendre la philosophie de Simondon, de façon post-phénoménologique.Le projet le plus général qui caractérise l'analyse ortéguienne est d'introduire les notions de vie et de valeur dans la science et les concepts sur lesquels elle s'appuie pour forger une théorie de l'Homme : le geste philosophique commun à Simondon et à Ortega consiste rigoureusement à élaborer une ontologie non-éléatique de l'Etre, à travers la notion d'ontogénèse chez le premier et de raison vitale et historique chez le second. L'enjeu est « d'apprendre à désintellectualiser le réel afin de lui être fidèle », l'éléatisme ayant représenté « l'intellectualisation radicale de l'être... cercle qu'il est urgent de dépasser » : le fait de parler de réalité a semble-t-il trop longtemps fait l'objet de l'ontologie, c'est-à-dire d'une réification du réel en ce qu'il a d'identique, la chose étant réduite à une nature que l'esprit observe de l'extérieur, à une « res » ; or, nous dit Ortega, « ce qui nous gêne dans le naturalisme à l'heure de concevoir les phénomènes humains, ce qui les couvre face à notre esprit, ce ne sont pas les attributs secondaires des choses, des res, mais l'idée même de res fondée sur l'être identique et, en tant qu'identique, fixe, statique, prévu et donné... Le naturalisme est, à sa racine, intellectualisme, « projection du mode d'être particulier des concepts sur le réel ».Simondon dénonce de manière similaire le privilège ontologique accordé à l'individu comme être donné une fois pour toutes, de façon monolithique, en tant qu'effectif et en acte, laissant de côté l'opération et le processus d'individuation qui conduit réellement, c'est-à-dire potentiellement, à l'individu constitué ; pour les deux auteurs, il s'agit en fait, de « renoncer allègrement, courageusement, à la commodité qu'il y a à présumer que le réel est logique », et de repenser un concept de devenir en tant qu'être, dans la perspective de cette philosophie ionienne dont l'enjeu était de « sauver les apparences ».
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