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« Mais il n'est rien tel que le bonheur d'être maman, et ce désir d'avoir un bébé qui soit un bout d'elle est chaque jour plus fort que sa volonté de se méfier des hommes. Elle s'imagine aussi que la conception d'un enfant dans le ventre d'une mère, ce n'est pas anecdotique. Une mère, ça vous définit un homme, et c'est sans doute pour ça que les hommes, musulmans ou chrétiens, révèrent la vierge Marie avec autant de dévotion : en le faisant, c'est une part d'eux-mêmes qu'ils vénèrent. ».
Quelque part dans la partie occidentale de la mer Méditerranée en 2032, la ville de Sialimar est une cité portuaire d'un État imaginaire, la Romagnie, riche de sa tradition chrétienne et fille d'une histoire deux fois millénaire. Le récit retrace le destin d'une jeune femme, et à travers lui, celui d'un homme à qui tout réussit, jusqu'au jour où le legs de son enfance musulmane le rattrape. Ce beau-parleur, parfaitement assimilé dans la société moderne qui avait accueilli ses parents immigrés, sûr de lui et l'esprit bercé de sa passion pour les mots et la supériorité de ses idées, ressent néanmoins le besoin de renouer avec ses racines musulmanes?; et pour improbable que ce soit, de poursuivre l'éternel combat de ses ancêtres...
En retrouvant Emad Jarar, grâce à Babelio et à l'auteur lui-même, j'ai renoué avec les thèmes développés dans les deux tomes du même auteur : Une nuit à Aden.
Dans Sialimar, Emad Jarar débat à nouveau de tout ce qui touche à l'intégrisme religieux, prouvant que l'on peut dire islamisme sans problème comme l'on dit athéisme, catholicisme, bouddhisme, protestantisme, etc… sans penser extrémisme. Pour situer son récit et ses réflexions, il a choisi de créer un pays imaginaire, la Romagnie et de placer sa dystopie en 2032.
Ce n'est pas la France puisqu'il parle de rapports avec notre pays mais aussi avec la Suisse, la Belgique, l'Angleterre, l'Allemagne, les États-Unis, etc… Pourtant, cette Romagnie fait bien penser à notre hexagone ou tout au moins à une partie située au sud, au bord de la Méditerranée. Enfin, la ville de Sialimar évoque Marseille avec son port, la mer, son centre historique, ses ruelles et ses quartiers populaires concentrant une majorité arabo-musulmane.
Le narrateur se nomme Elyas Mohajer. Pour épouser Sophie et être accepté par sa belle-famille catholique, il s'est fait passer pour athée et vit à Fleury, la capitale, loin de Sialimar, après avoir réussi professionnellement à Londres, dans le monde de la finance.
Comme dans Une nuit à Aden, l'auteur, par la voix d'Elyas, démontre, preuves à l'appui, toute la violence contenue dans le Coran. Lui qui a réussi à imposer des prénoms arabes, Asma et Rahim, pour ses enfants, se dit un musulman assimilé.
C'est avec Brahim, son factotum, que le débat va le plus loin car ce dernier applique sans discernement ce qu'il entend à la mosquée. Elyas détaille cette haine des athées, des homosexuels, des femmes, contenue dans les sourates du Coran qui est aussi « le plus antisémite des livres sacrés ». Celui-ci comprend 250 appels à la guerre sainte et il serait salutaire d'abroger ou d'amender 150 versets violents ou haineux ne pouvant que déboucher sur des drames comme l'actualité nous l'a démontré hélas trop souvent.
Athée, libre-penseur, persuadé que « la religion n'est pas plus utile qu'un bidet », Elyas Mohajer est rattrapé par ses racines, son enfance, sa jeunesse, lorsqu'il apprend l'assassinat de sa jeune cousine, Amal. Lorsqu'il revient à Sialimar pour les obsèques, son oncle, imam charismatique et son cousin Khalid se chargent de sa réintégration dans la famille et la communauté.
Alors, le roman change et devient un thriller mettant en scène les musulmans de la ville et les extrémistes fascistes membres de Résistance & Libération Nationale, le RLN, qui agit comme l'OAS autrefois. Une femme, Safia, amour de jeunesse d'Elyas, joue, ici, un rôle déterminant.
L'engrenage de la violence est lancé. La ville est sous contrôle militaire, ce qui n'empêche pas attentats et assassinats. Mais l'auteur va plus loin en lançant son héros sur une piste audacieuse et risquée : la demande d'autonomie pour que Sialimar devienne un État associé à la Romagnie.
S'appuyant sur le droit européen et international, sur des textes de l'ONU et de l'UNESCO, sur le Conseil de l'Europe et la Convention européenne des Droits de l'Homme, il prouve qu'un référendum d'autodétermination est possible.
Tout cela est basé sur une religion qui affirme qu'elle est la seule, qui voue tous les autres croyants comme les athées aux enfers, ce qui est absolument impossible à admettre. Dans Sialimar, Emad Jarar prouve que toute personne née et élevée dans la religion musulmane ne peut qu'y revenir pour appliquer les préceptes qu'on lui a inculqués. J'avoue que cela est désespérant.
Ce que l'auteur a développé, expliqué, soutenu, prouvé dans une bonne partie du livre, est contredit par les faits et doit nous faire réfléchir car notre angélisme sera toujours pris en défaut. Sans tomber dans la violence aveugle et la lutte fratricide, il doit bien exister une autre voie pour faire cohabiter les humains que nous sommes, sur une même planète ?
Optimiste quand même, Emad Jarar ouvre une fenêtre sur l'espoir avec une belle phrase finale à propos des femmes : « Et il faudra bien quelque jour que les musulmans leur donnent le rôle qui leur revient : cela amènera à mettre en cause la nature divine de leur Livre. »
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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