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Il ne serait pas inexact de dire que, au cours des trois longs mois qui lui ont été nécessaires pour mener à bien sa tâche, le narrateur de Dans les Griffes de Jaggernaut, a dû s'armer tantôt d'une loupe et de dictionnaires, tantôt d'un masque et d'une tête-de-loup. C'était d'abord dans le dessein d'ôter les couches de poussière nocive qui tapissaient les volumineux dossiers secrets de M. Sherlock Holmes, alignés sur les rayons élevés de très hautes et robustes étagères. Ensuite, ce fut pour compulser, classer, calepiner, déchiffrer mille et mille papiers - feuilles imprimées, lettres écrites à la main ou tapées à la machine, etc. - que contenaient ces cartons. Il y avait beaucoup de documents en français, en anglais et en allemand, un peu moins en arabe, presque pas en hindoustani, en mizo ou en tulu. Tous ces dossiers, sur le dos de chacun desquels se lisait calligraphié en gros caractères gothiques « Die Geheimakten des Weltdetektivs », reposaient sagement dans le fond ancien d'obscures archives berlinoises, épargnées on ne sait par quel miracle, lors de l'embrasement du Reichstag.
Ce même narrateur n'a pas eu la chance de se rendre à Ceylan par bateau en 1907, ni de faire un grand tour de l'île en utilisant les divers moyens de locomotion d'alors, archaïques ou non. Fidèle, cependant, à la tradition des feuilletonistes et autres auteurs de romans populaires d'antan, il n'a pas hésité, chaque fois qu'un épisode de l'histoire le requerrait, à s'inspirer de telles ou telles pages extraites de vieux récits de voyage et d'exploration. Sherlock Holmes, d'ailleurs, lui a grandement simplifié la besogne en les arrachant lui-même par brassées à des reliures que le bibliophile espère disparates, dépenaillées ou extrêmement fatiguées. Quoi qu'il en soit, il a découvert ces reliques, couvertes d'annotations marginales à l'encre violine, dans un ensemble de cahiers en papier bistre. C'est Harry Taxon, croit-on, qui les y a réunies à des dates postérieures, en les fixant de façon malhabile - précisons-le - avec de la colle à la farine. Ce faisant, il a toutefois eu la bonne idée d'agrémenter ces feuillets de jolies cartes postales des régions concernées. Qu'il en soit chaudement remercié.
Enfin, en ce qui concerne les débuts parisiens de Mata Hari, la célèbre bayadère qui apparaît dans cette histoire, le narrateur tient à préciser que son aïeul a eu l'indicible plaisir de la voir in vivo célébrer les rites illusoires d'une liturgie gravement voluptueuse, dans le goût de ceux qu'exécutent les bayadères nues sur l'autel de granit pourpre de la pagode des voluptés malabares. C'était à Paris, au cours d'une réception offerte en son honneur, dans une immense maison de verre où d'habiles horticulteurs avaient su créer l'illusion d'un temple indien au coeur de la jungle.
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