"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Assise sur la plage, je regarde la petite fille. Elle a chaussé des palmes en caoutchouc de couleur bleue. Elle essaye de marcher en levant haut ses jambes à peine plus longues que les palmes. La pierre, le sable, la mer et le ciel, tout autour d'elle semble vivant. Les angles trop affûtés des rochers paraissent s'adoucir autour de la petite fille. Les arêtes perdent leur tranchant, la perspective s'incurve. Autour de la petite fille le monde est ovale et penché.
J'ai écarté quelques mégots avant d'étaler ma serviette-éponge sur le sable. Maintenant je suis assise un peu crispée sur son côté recto où sont brodés à la machine des coquillages stylisés. Deux frises de berniques me bordent en haut et en bas quand je m'allonge. Enfin, pas tout à fait car, ma serviette-éponge étant un peu courte, la frise inférieure m'arrive au mollet. Un épineux que je ne puis identifier jette à terre et sur moi et ma serviette-éponge une ombre mouvante aux contours indéfinis. C'est avec un groupe d'une quinzaine de personnes, des collègues de travail accompagnés de leurs familles, que je passe mes vacances d'été. Ils se trouvent à une dizaine de mètres en rang d'oignons sous un bosquet. Les limites de leurs linges se chevauchent. Mon fils Sébastien, seize ans, est avec eux, sa serviette presque identique à la mienne, sauf qu'au lieu de coquillages elle a des motifs d'ancres de bateau.
Safran est le deuxième recueil de nouvelles de Marina Salzmann. À travers les onze histoires qui le composent, l'auteure explore divers aspects d'un monde hanté par sa propre disparition. Elle met en scène des personnages qui, tous à leur façon, tentent de résister à l'absurdité ou à l'anéantissement de leur existence.
Ainsi Camille réfugiée dans une Chine imaginaire y retrouvera peut-être son amour perdu. Agnès et ses collègues opposent à la bureaucratie et à l'aliénation une logique transmutatrice à la Lewis Carrol. Faute de mieux, on peut toujours essayer d'échapper au contrôle des caméras, habiller les morts ou décorer des cafétérias d'usine. Et on peut parler. Parler au vide, parler pour prendre congé ou pour faire comme s'il y a quelqu'un. Il y a quelqu'un.
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