"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le 5 mars 1955, Nicolas de Staël assiste à un concert au théâtre Marigny, à Paris. Bouleversé par la musique d'Anton Webern, il décide de traduire par la peinture son émotion. Dix jours plus tard, il se jette par la fenêtre de son atelier. Pourquoi un artiste jeune, séduisant, au faîte de sa gloire met-il fin à ses jours? Jack Tiberton, journaliste au Washington Tribune, est le seul à connaître la vérité car, pendant ces dix jours, il était là. Il a tout vu, tout entendu, et surtout tout noté. Le roman de Denis Labayle mène le lecteur au coeur de la création, là où l'émotion jaillit, comme ce rouge incandescent choisi par Nicolas de Staël pour son dernier tableau, Le Concert. Un voyage dans l'avant-garde artistique des années cinquante, une réflexion passionnante sur la création et ses doutes, la solitude de l'artiste qui cherche au-delà de l'horizon. Dix jours fictifs, possibles, qui font revivre cet énigmatique personnage, l'un des plus talentueux peintres de la France d'après-guerre, Nicolas de Staël.
Denis Labayle:Rouge majeur (ed dialogues)
Nous sommes ici plongé dans l'univers de la peinture et de la création précédée des tous les tourbillons du vertige,jusqu' à y jouer sa vie ,jusqu'à y perdre sa peau.
Après avoir entendu en concert ,l'oeuvre de Webern ,nicolas de Staêl n'a qu'une pensée en tête :réaliser une œuvre picturale qui fera jaillir des notes,d'où émanera le sentiment musical comme un accord parfait entre peinture et musique.ce sera l'oeuvre de la renaissance et le moment total où l'esprit en dépeignant le monde renait et se détruit.N'ayant de cesse de quitter Paris pour Antibes,il rencontre un jeune américain en quête de lui-même qu'il convie à la naissance de cette œuvre unique et au moment solennel de la création,cet avénement douleureux de l'idée jusqu'à sa concrétisation sur la toile.Le journaliste sera son protecteur ,son allié et«son ange gardien».Les premières scènes du livre se situent dans un Paris tout à la fois en reconstruction et en ébullition artistique celle des années 50,au moment même où Picasso,Braque,Char tissérent les premiers embryons de leurs œuvres maîtresses.Denis Labayle nous entraîne à leur suite dans une soirée mondaine après ce fameux concert et nous restitue le charme suranné des discussions vives,piquantes de ces intellectuels en pleine recherche parfois se fourvoyant dans la voie sans issue du Stalinisme ,à l'instar de cet écrivain masqué Marc Salliou(un Roger Vailland.matiné de Louis Aragon).Mais nicolas de Staël est ailleurs,tant son obsession le rend prisonnier de lui-même et l'abonne seul à l'acte pictural.A ses côtés, Jack Tiberton redécouvre le sol français qui l'a si mal accueilli -il fut l'un des premiers à sauter des embarcations américaines au moment du débarquement en Normandie le 6 juin 1944- et reste à jamais meurtri dans sa chair et dans son âme par un éclat d'obus.Beaucoup d'entre eux rentrèrent au pays sans être reconnu ,oublié par leurs congénéres parfois dédéniés par la France gaulliste.Malgré tout il reste nostalgique des ces petites rues parisiennes,de la vie culturelle du «vieux»continent et garde dans son cœur une place de choix pour l'amour vif de la belle Madeleine.Cette amitié entre l'artiste et le journaliste nous restitue la complétude d'un individu:celui qui est toujours ailleurs et celui qui veut rester sur terre.
L'émotion pure du peintre nous émeut et nous effraye à la fois ,c'est une âme slave en ébullition constante oscillant entre l'enthousiasme et la dépression ,sans demi-mesure,passant d'un projet brulant à la plus cruelle des désillusions.Le confident est en retrait,écoute les secrets d'un génie,s'exaspère de ses exaltations ,est présent lorsque le peintre chuchote à mi-voix son désarroi ou crie son dégoût des contingences matérielles.La tragédie se met en place progressivement sous le beau soleil de côte d'azur sur laquelle fondent tous les tourments ; «la peinture de Nicolas de Stael est en effet suivant ses mots entre « l'ordre et le chaos.Regardez chez moi tout est déchirure:j'aime le chaos ordonné ».
le lecteur ne sortira pas indemne du roman.
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