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En 1921, Françoise Frenkel, jeune juive polonaise passionnée par la langue et la culture françaises, fonde la première librairie française de Berlin « La Maison du Livre ». Rien où poser sa tête raconte son itinéraire : contrainte, en raison de ses origines juives, de fuir l'Allemagne en 1939 après la prise de pouvoir d'Hitler, elle gagne la France où elle espère trouver refuge. C'est en réalité une vie de fugitive qui l'attend, jusqu'à ce qu'elle réussisse à passer clandestinement la frontière suisse en 1943.
Le récit qu'elle en tire aussitôt et qu'elle choisit d'écrire en français dresse un portrait saisissant de la France du début années quarante.
De Paris à Nice, Françoise Frenkel est témoin de la violence des rafles et vit sans cesse menacée.
Tantôt dénoncée, tantôt secourue, incarcérée puis libérée, elle découvre une population divisée par la guerre dont elle narre le quotidien avec objectivité.
Rien où poser sa tête, soixante-dix ans après sa publication en 1945 à Genève, conserve, miraculeusement intactes, la voix, le regard, l'émotion d'une femme, presque une inconnue, qui réussit à échapper à un destin tragique.
Le récit d’une juive polonaise francophile qui traverse la France occupée pour survivre.
L’auteur réussit à franchir la frontière pour aller en Suisse pour survivre puis sa trace sera perdue jusqu’à ce que quelqu’un retrouve ce manuscrit.
Un très beau document mais aussi récit littéraire de cette période historique, avec ses lâchetés et se moments de bravoure. J’aurai souhaité connaître la suite de son parcours.
Ce livre a autant de valeur en tant que témoignage histoire qu’œuvre littéraire. On en apprend autant sur l’état d’esprit français de l’époque en demi-teinte, pas de manichéisme dans ce récit ce qui est appréciable (et rassurant !) que sur les démarches effectuées par les étrangers et personnes juives placées dans une position inextricable.
Un témoignage poignant de la vie d'une femme juive pendant la seconde guerre mondiale.
Je viens de faire une rencontre inoubliable dont j’ai encore du mal à parler parce que le livre s’est refermé et je sais que je n’entendrai plus sa voix…
Elle s’appelle Françoise Frenkel.
Son livre, publié en Suisse en 1945, a été retrouvé par hasard dans un entrepôt Emmaüs de Nice. Quelques lecteurs ont compris qu’ils avaient en main un témoignage essentiel, la voix d’une femme qui a réussi à échapper à un destin tragique pendant l’Occupation. Il est enfin réédité chez Gallimard dans la collection « L’Arbalète ».
Née à Piotrkow en Pologne en 1889, elle part à Paris pour suivre des études de lettres à la Sorbonne. Elle aime marcher le long des quais et dénicher, chez les bouquinistes, un livre ancien. En 1919, elle fait un stage chez un libraire, rue Gay-Lussac, où elle apprend à connaître « les clients du livre ». Sa vocation est née : elle sera libraire. Il reste à trouver le lieu. En Pologne ? Les librairies françaises y sont nombreuses…
Lors d’un séjour à Berlin, alors qu’elle flâne dans les rues, elle prend conscience qu’il n’y a pas de livres français dans cette grande capitale universitaire. Encouragée par des proches, elle se lance dans l’aventure et en 1921, elle fonde la première librairie française de Berlin : « La Maison du livre ». Professeurs, étudiants, ambassadeurs, poètes, auteurs et amoureux des livres en tous genres affluent dans ce lieu unique, recherchant, je l’imagine, quelque ouvrage convoité mais certainement aussi la présence de Françoise.
La librairie devient vite un lieu d’échanges intellectuels : on y rencontre Colette, Gide, Maurois, on y suit des conférences, on y écoute de la musique et l’on y voit des pièces de théâtre. Elle devient lieu de vie, comme l’avait rêvé Françoise. Lieu de liberté.
Mais à partir de 1935, tout se complique : des volumes sont emportés par la police, il faut cacher les journaux. Les convocations et les contrôles se multiplient. Françoise est juive. Sa librairie manque d’être brûlée. Il faut partir et tout abandonner.
Je ne peux évoquer qu’avec une immense émotion les pages où Françoise décrit avec une très grande retenue son départ de la librairie, son adieu à ses livres qu’elle ne reverra jamais. Elle a veillé toute la nuit et au matin, elle entend « une mélodie infiniment délicate » : « C’était la voix des poètes, leur consolation fraternelle à sa grande détresse. Ils avaient entendu l’appel de leur amie et faisaient leurs adieux à la pauvre libraire dépossédée de son royaume. »
Elle n’a pas le choix : on est en 1939.
Puis, c’est la fuite : Paris, Avignon, Vichy, Nice. Plus les mois passent, plus les tensions sont vives. L’étau se resserre, les rafles se multiplient. Magnifique passage où la narratrice est face à la mer. Impossible d’aller plus loin…
On doit ruser pour tout : se loger, se nourrir, essayer de fuir… Les soucis quotidiens se multiplient : il faut faire la queue à la préfecture pendant des heures pour un visa, un permis de séjour, un sauf-conduit. Françoise veut rejoindre la Suisse où des amis l’attendent. Si elle se fait arrêter, elle le sait, c’est la déportation et la mort.
Or, malgré ce cauchemar quotidien, la souffrance et la peur, Françoise évoque ces gens généreux qui l’ont accueillie au péril de leur vie, qui ont su trouver les mots pour la soulager, une pièce pour la loger, un lieu sûr où la cacher. Je pense à cette jeune fille qui, honteuse du comportement de sa mère, tient à serrer Françoise dans ses bras avant qu’elle ne reparte, à Monsieur Marius et sa femme, coiffeurs, qui ont toujours été là pour elle, au soldat italien qui l’attrape à la frontière et la reconduit au car sans la dénoncer : « L’on pourrait écrire un volume sur le courage, la générosité et l’intrépidité de ces familles qui, au péril de leur vie, apportaient leur aide aux fugitifs dans tous les départements et même en France occupée. » Car, ce qui émane de ce livre, c’est cette voix qui dit son amour pour la France, pour ceux qui ont eu le courage et la générosité d’accomplir ce que leur conscience leur dictait et ils ont été nombreux.
C’est un texte sobre, d’une justesse de ton et d’une retenue admirables. Pas de cri, pas de haine. De la gratitude et de l’amour pour ceux qui lui ont donné de quoi poser sa tête. Et pour les autres, à peine une remarque ironique. Le livre d’une femme qui aime la vie et qui croit en l’homme.
Sa voix manquait à l’Histoire. On ne l’oubliera pas.
http://lireaulit.blogspot.fr/
Survie d'une intellectuelle juive dans la France de Vichy
Patrick Modiano fait renaître ce livre mystérieux paru en 1945. Dans la préface, il explique que ce récit a été découvert par hasard chez Emmaus. C'est l'unique livre de Françoise Frenkel, publié en 1945, passé quasiment inaperçu et vite oublié.
Écoutons Modiano :
"Ce qui fait la singularité de "Rien où poser sa tête", c'est qu'on ne peut pas identifier son auteur de manière précise".
"Je préfère ne pas connaître le visage de Françoise Frenkel, ni les péripéties de sa vie après la guerre, ni la date de sa mort...Ainsi, son livre demeurera toujours pour moi la lettre d'une inconnue, oubliée poste restante depuis une éternité et que vous recevez par erreur, semble-t-il, mais qui vous était peut-être destinée".
Françoise Frenkel est juive polonaise, après ses années d'études de littérature à la Sorbonne, elle parvient à ouvrir en 1921, la première et unique librairie française à Berlin qui devient vite un espace à part où les clients et amis "trouvent l'oubli et le réconfort, où ils respirent librement". Cette librairie est toute sa vie et sa raison d'être. "Claude Anet, Henri Barbusse, Julien Benda, madame Colette, Debroka, Duhamel, André Gide, Henri Hédenbergite, André Maurois, Philippe Soupault, Roger Martin du Gard vinrent rendre visite à la librairie", raconte-t-elle.
Elle va être le témoin de l'arrivée au pouvoir des nazis en 1933, témoin de la promulgation des lois raciales de Nuremberg en 1935 et du grand pogrom du 10 novembre 1938 qui a eu lieu dans toute l'Allemagne.
Ses activités de libraire sont de plus en plus menacées, ses achats d'ouvrages sous contrôle du "Service spécial de l'appréciation des livres à importer" dès 1935, certains journaux qu'elle vend sont saisis...
Sa vie quotidienne n'est guère plus facile, sous le regard de la "Surveillante" nazie de l'immeuble,
Elle ne quitte Berlin qu'en 1939 pour Paris et obtient un permis de séjour en France jusqu'à la fin des hostilités.
S'ensuit un périple qui va la mener de Paris qu'elle devra fuir pour Avignon, puis Vichy où elle assiste à l'arrivée des allemands puis Nice où elle se réfugie dans un hôtel, sorte "d'arche de Noé" où séjournent de multiples réfugiés de différents pays. C'est alors l'attente dans le désœuvrement, le rationnement, le marche noir et le troc mais aussi, après le recensement décrété par Vichy en 1942, le début des persécutions, des arrestations et des rafles en août 42.
Françoise Frenkel tente de passer en Suisse. Elle réussira à sa seconde tentative, en juin 1943, trouvant enfin un endroit "où poser sa tête".
On croise dans son récit des fonctionnaires obtus mais aussi des gens formidables comme ce couple de coiffeurs niçois, les Marius, qui la protègeront contre les rafles et l'aideront à passer la frontière.
Ce texte bouleversant, d'une extrême sobriété qui lui confère une grande force, constitue un formidable document sur les années noires et plonge le lecteur au cœur du quotidien à Berlin au moment de la montée du nazisme puis dans la France de l'Occupation.
Un livre utile, écrit il y a 70 ans mais dont l'écriture apparait très moderne.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2016/02/rien-ou-poser-sa-tete-de-francoise.html
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