"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Bulgarie au début du XXe siècle, une société pétrie de traditions, de superstitions et de conventions ancestrales. La jeune Miriam, fantasque, indépendante, un peu sorcière, aime Ahmed envers et contre tout. Elle décide de vivre avec lui, puis de le suivre à Istanbul au risque d'en payer le prix fort. Miriam doit se battre à chaque instant pour garder sa liberté : celle d'être une enfant libre et s'épanouir comme elle l'entend, puis comme femme, comme amoureuse et épouser qui elle entend - un homme aussi libre qu'elle -, enfin, comme mère. Mais, rattrapée par les préjugés, elle est confrontée à un choix impossible.
L'histoire racontée par Maria Kassimova-Moisset est celle de sa grand-mère et de son père, telle qu'elle lui a été racontée, telle qu'elle s'en souvient. La narration, qui s'attarde tour à tour sur les différents personnages, est entrecoupée par des dialogues dans lesquels l'autrice interpelle et questionne leurs actes. Créant ainsi un pont avec le lecteur du XXIe siècle
Miriam a été conçue une nuit d’orage. L’on dit de ces enfants, en Bulgarie, qu’ils sont les enfants du Diable.
Pourtant, sa mère, Theotitsa, se réjouit de sa venue au monde en cette année 1909. Cette mère qui a porté treize enfants dont seuls quatre survivront à l’âge adulte.
Mère et fille se ressemblent, voyant l’avenir et les choses différemment des autres membres de la famille.
Mais Miriam conserve une volonté propre, indomptable. C’est cette force qui lui fera faire le choix de l’amour en partant avec Ahmed. La jeune femme est catholique, le jeune homme, lui, est musulman.
Ils sont rejetés par les deux communautés. Il ne leur reste, donc, qu’un choix : tenter leur chance en Turquie.
Mais, une malédiction jetée par Theotitsa pèse sur les jeunes gens…à moins que la vie tout simplement ne puisse être tranquille lorsque l’on défit, pauvre de surcroît, les conventions.
Ce roman est un beau récit sur la famille. L’autrice retrace la vie de sa grand-mère, Miriam, mais elle se heurte à une difficulté : comment retranscrire les vies, les secrets qui ont été tus pendant des années ? N’est-ce pas trahir la vérité que de romancer ce qui a été ?
Le processus créatif est bien retranscrit avec des dialogues entre l’autrice et ses aïeux. Une façon de régler des comptes, de tenter de comprendre.
Ce roman dépeint la vie des populations pauvres de Bulgarie et de Turquie. Mais il est surtout la peinture de l’intolérance, de la différence, des conséquences subies lorsque l’on souhaite faire fi des conventions et des traditions.
Cependant, l’espoir règne quand même à travers les pages de ce livre, avec des amours qui affrontent tout, une famille dans laquelle demeure des souvenirs, dans laquelle se transmet une voix, une forme de visage tant aimé.
En résumé, un beau roman à découvrir aux éditions des Syrtes.
Un chant migratoire magistral !
« Rhapsodie Balkanique » est une épopée empreinte de ténacité et d’amour. La force qui bat sur les pages est à l’instar du linge lavé dans la rivière. On laisse nos mains naviguer dans le courant glacé.
Les destinées entrelacs, suivre subrepticement le chemin entre signe, sens, sourires et soupirs. La déambulation altière, l’étymologie comme un écho de ce qui ne s’oublie jamais.
Le tracé des vies dont les frontières assignent aux peines, aux difficultés, aux bouquets de tendresse et au lait frais gorgé de miel.
Ce chef-d’œuvre est un mémorial. Une généalogie balkanique dont on aime d’emblée Miriam, bulgare, dans cette aube du XXe siècle. Enfant grandissante au fil des pages. Malicieuse petite, vaillante femme, fidèle à ses convictions. Ahmed, d’origine turque, celui qui deviendra son mari, son alter-ego, son frère des déroutes et des sublimes joies, pas maintenant, pas tout de suite. Ces jeunes gens qui feront de ce livre, la résurgence et l’incantation de l’exemplarité. Ce n’est pas une fiction fragile et inéluctable. Une saga dont le pictural serait chatoyant et aimable. Mais c’est la vérité, merveilleusement dépliée par Maria Kassimova-Moisset. Cette dernière conte sa grand-mère Miriam et son père. Entre les pages, elle prend la parole et remet d’équerre l’évènementiel et le dore avec notre contemporanéité. L’essentiel et le brûlant, le toucher et le regard. Même si le gris des jours est un manteau de pluie, cette rhapsodie est lumineuse, inoubliable et touchante. Theotitsa, la mère de Miriam-Miya, femme digne, souveraine, elle qui perd ses bébés dans l’orée des incertitudes. Une malle pleine de leurs petits habits, « Nikola.. . Stefann... Jivka... Blago et Mitko… Zlatina… Nevena… Atina… Kostadinn ».
Petite Miriam qui est si perspicace, qu’elle se devine chanceuse. Chanceuse d’être en vie, d’être douée de rêveries, de prémonitions. Elle, bercée entre deux langues, le grecque par sa mère, le bulgare par son père. Le début de l’universel, de la concorde et des ses alliances. Miriam qui va tomber amoureuse éperdument d’Ahmed. « Et Miriam fut ».
Elle va pousser du pied les diktats, au libre-arbitre avéré, aimer Ahmed d’une autre confession, malgré le rejet de sa famille pétrie de conformisme.
« Et Ahmed, que tu vois là-bas, sous l’arbre, Ahmed, qui est d’une autre confession, quand il ouvre kes siens, j’y suis toute entière ! Je colle un morceau de vase cassé. Comme une bouchée de pain avalée. J’y retourne comme la dernière goutte d’eau dans une terre sèche. Je m’imprègne et pousse, crois et fleuris, donne des fruits et pourris. Je m’endors entre ses bras, je me rends. Je meurs et renais sans même savoir que la mort se sépare de la vie…Ça me suffit. Alors remonte dans ta barque, pêcheur, détache-la et pars, avant que je ne te garde dans ma mémoire, précisément ainsi et précisément ici – à me parler de foi quand je te parle de vie ! ».
Ahmed et Miriam vont affronter les affres. Garder la tête haute malgré les persiennes qui se ferment sur leur passage. Malgré les turbulences, le manque des siens, Miriam est une battante, celle qui veille sur l’antre et Ahmed. D’un logement à un autre, les regards lourds sur leurs âmes de lumière. L’itinérance pour loi. Ils sont égarés, seuls, dans l’effort d’une survivance, d’une assimilation. Pointé du doigt par ce siècle balkanique en proie au conformisme, au rejet de l’autre, l’étrange (er).
La Bulgarie est de poussières et de larmes. Ils vont s’enfuir. Le radeau de Géricault surpasse les vagues intestines. Le cosmopolite n’est pas. Le livre n’est plus. Nous sommes au cœur même d’un hymne balkanique qui flotte au vent et pousse ses deux oisillons hors de ce pays qui méprise les contraires assemblés. Miriam ne renonce pas. Elle fuit vers un ailleurs, La Turquie. Ce sera Istanbul. Ces deux fils comme des promesses, le spartiate d’un logement. Ahmed formidablement battant, intègre et se veut barbier. Mimétisme.
Haalim, l’aîné qui mendie des petites pièces sur la marche de la mosquée, un peu de pain pour demain, l’emblème de l’arrachement à l’enfance. Jusqu’au jour de trop. Miriam et ses courages, sa loyauté pour arme. Son orgueil qui survole toute la haine des turcs pour elle, l’étrangère. La bannie de la famille d’Ahmed. Son combat est la quête du pain. L’effort jour et nuit pour vaincre la douleur du manque, l’écroulement des désirs. Ahmed qui… Taire la suite.
« Rhapsodie Balkanique » est phénoménal, inoubliable. La cartographie des Balkans, ce qui fut il y a un siècle, mais si proche de nous, que l’on sent cette terre sur notre peau. Le sublime dans le quotidien. Ce livre est une ode à la vie. L’Histoire comme une lucidité radicale, sans compromis. L’auteure impliquée dans les respirations balkaniques, comme une renaissance des siens. C’est une œuvre extraordinaire, poignante et attachante, filmique. Les vestiges bouleversants entre la Bulgarie et la Turquie.
Les miscellanées lèvent le voile sur les Balkans comme une apogée.
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