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En 1994, Georges Petit retourne pour la première fois à Langenstein, sur les lieux mêmes où il fut déporté.
Pèlerinage décisif. G. Petit parvient à rompre le silence dans lequel il s'était si longtemps tenu. Il peut enfin " traduire en mots " ce qui lui semblait jusqu'alors l'indicible. Retour à Langenstein accomplit un devoir de mémoire : ne pas abandonner la parole à ceux qui " parlent à la place des déportés sans qualité et sans protection ", témoigner en toute vérité " des naufrages autant que des résistances " que suscita jour après jour une barbarie obstinée à détruire toute humanité.
La vie au camp est évoquée par touches, au gré des souvenirs qui ressurgissent, puis, en un récit plus suivi, l'évacuation tragique du camp, en avril 1945, l'évasion enfin. Ne nous y trompons pas : dans sa sobriété rare, dans son honnêteté profonde qui ne prétend qu'à rendre compte d'" une expérience de la déportation ", l'auteur, nous alerte Claude Lefort dans sa Préface, touche au plus grave : " Que les camps permettent d'administrer la preuve que les droits de l'homme sont une fiction et qu'il n'y a pas de résistant, de défenseur des libertés qui ne puisse être amené à perdre jusqu'au sens de son humanité.
D'autres l'ont dit avant G. Petit. Mais il nous fait entendre, à partir de son expérience propre, que la destruction de la personnalité de l'individu et celle du lien social sont indissociables. Le projet de briser l'individu, de faire en sorte qu'il perde la mémoire de soi, la faculté de penser - ce que peut faire un gouvernement tyrannique en le jetant dans une cave où il mourra lentement -, ce projet, dans un camp de concentration où chacun vit au milieu des autres, va de pair avec celui de s'attaquer à la racine de la coexistence, de ruiner la possibilité de l'échange, de la reconnaissance mutuelle, celle-là même qui cherche encore à s'exprimer par la compassion ".
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