"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une route plongée dans la brume. Au loin, une jeune femme qui fait du stop : Remington ne sait plus d'où elle vient ni où elle va. Elle a pour seul bagage ses vingt ans, un revolver auquel il manque trois balles, et un violent désir de fuite. Soudain, un vieil homme s'approche et lui propose un marché : un bout de route contre un peu d'affection. En acceptant de monter à bord de la vieille Citroën en direction du Sud, Remington s'embarque pour un périple improbable dont chaque étape va progressivement lever le voile sur son passé et sur celui du vieil homme. Jusqu'à faire ressurgir les souvenirs cannibales qui l'ont conduite sur la route...
Une écriture au scalpel, un rythme enragé : très loin des sentiers balisés, un premier roman singulier et brutal, l'odyssée insolite de deux êtres en marge que le hasard va lier à jamais.
Pour son premier roman, Baptiste Gourden offre une odyssée peu ordinaire sur les pas d'une héroïne au nom peu commun : Remington. D'emblée, c'est le style qui étonne puis accroche avec cette langue percutante, précise, crue, déjantée parfois mais aussi pleine de poésie lorsqu'on ne s'y attend pas.
Remington fuit un violent traumatisme. Elle fait du stop : « le froid humide pénètre sa peau, sa chair, ses os, puis se faufile irrémédiablement jusque dans sa tête pour éteindre ses derniers espoirs. Elle gèle du cerveau. » Sa rencontre avec Fédor (84 ans), pour une demande très privée, va changer le cours de sa vie et captiver le lecteur, comme je l'ai été.
Avec maîtrise, l'auteur fait remonter les souvenirs de ses deux héros qui tentent de gagner l'Italie, pays de leurs rêves, d'abord en 2 CV puis le plus souvent à pied… Fédor surnomme Remington, Calamity Jane et c'est vrai que, souvent, elle fait penser à cette héroïne de la conquête de l'Ouest.
Le sexe est important dans ce roman. Remington a voulu faire l'amour très jeune puis a vendu son corps pour de l'argent, à ses risques et périls. Parmi les séquences de leur périple, la scène du mariage mérite d'être citée, d'abord pour la « PITANCE » car Fédor et Remington sont affamés puis par la tendresse de cette danse partagée avec un enfant et, hélas, par la violence, scène de cauchemar avec un homme ivre tentant de violer Remington, ce qui fait remonter de terribles souvenirs.
Nos deux déglingués de la vie, finalement, s'épaulent, se consolent, s'entraident, s'encouragent, se soutiennent, même si Remington n'oublie pas son Régent : « Oui, elle était son aimée. Sa belle. Son joyau. Sa duchesse. »
Chez Philippe, le passé de Fédor surgit enfin. La soirée en boîte vire aussi au cauchemar puis vient Adèle dont Fédor tombe amoureux mais il faut que chacun aille au bout de son destin.
Après un chapitre fantastique, je ne peux que citer encore Baptiste Gronden : « Elle remue. Elle bouge. Elle balance, elle tangue, elle tombe, elle saute, elle penche, elle s'arrime, elle bondit, elle prie, elle s'envole. Elle danse. »
Cette histoire folle de mal-être et de bien-être en même temps est celle d'un vieil homme qui espérait retrouver une vigueur sexuelle disparue et celle d'une jeune femme en fuite, tentant de mettre à jour sa vraie personnalité. C'est cru, c'est tendre, c'est enlevé. Leur itinéraire est jalonné de rencontres et d'aventures mais leur attachement mutuel est extraordinaire, formidablement touchant. Remington et Fédor, malgré leur différence d'âge, se comprennent, s'apprivoisent et vont accomplir un voeu fou malgré tous les obstacles.
Leurs vies respectives auraient pu être tout autres mais ils font leur choix et c'est tout le talent de Baptiste Gourden d'avoir mené à son terme cette histoire que j'ai aimée, grâce à Babelio et aux éditions Albin Michel.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Un road movie étonnant, une traversée de la France de 2 personnages atypiques, un vieu monsieur solitaire et une jeune fille paumée.
On est sur la route de la vie avec ces 2 êtres que l'on découvre au fil des pages et des kilomètres. On sourit souvent face à ce qui leur arrive et on est ému par la tendresse qui s'installe peu à peu entre eux.
Au fil des kilomètres, ils se dévoilent l'un à l'autre sans jugement. C'est simple et beau.
L'écriture est vive et dynamique avec parfois des envolées un peu folles, c'est agréable et fluide. Un premier roman dont l'auteur à suivre.
Qu'il est attachant cet homme dont on ne connait pas le nom !
La cinquantaine, parisien exilé à Los Angeles, musicien plus très motivé, il sillonne les routes à bord de sa vieille jaguar en compagnie de Romy, sa fille suicidaire qui se scarifie et à quitté l'école.
Ils font de belles rencontres.
Il y a une grande complicité et beaucoup de tendresse entre le père et la fille.
Le ton est mélancolique et doux.
Des faits comme de l'écriture émane du positivisme bien que ni l'un ni l'autre ne soient bien dans leur peau.
La lecture coule toute seule et nous enveloppe dans une ambiance agréable.
J'ai beaucoup aimé faire un bout chemin avec le narrateur et Romy sur les routes américaines, au son du moteur de la jaguar et dans le silence de leur connivence.
Remington est une jeune femme au cœur ridé comme la définit le narrateur. Elle fuit, fuit quelque chose qu’elle-même ne sait pas définir : « Il y a dans sa tête un nuage laiteux, dense, et il ne s’évanouit pas, c’est simplement que rien ne peut l’en déloger. Un souvenir solidement riveté aux parois de son crâne qui grandit à mesure qu’elle le fuit. »
Cela fait trois jours qu’elle traîne sous la pluie et n’a plus un sou. Elle est soudain accostée par un petit vieux qui lui soumet un étrange marché qu’elle accepte.
Souhaitant se rendre vers le Sud, elle va donc prendre le bus mais Fédor va alors du proposer de l’emmener dans sa vieille 2 CV. Tout d’abord hésitante, mais vu le temps toujours à la pluie et l’attente à subir jusqu’à l’arrivée du bus, Remington cède à l’invitation.
Le grand-père de quatre-vingt-quatre ans veut fuir l’impuissance et la solitude et la jeune fille de vingt ans fuit un traumatisme subi dont « elle a un souvenir qu’elle n’arrive pas à éclairer ». Ils vont ainsi nous emmener dans un véritable road-movie relativement noir avec cependant des lueurs d’espoir, une confiance mutuelle s’instaurant ente eux. Des scènes trash, des scènes hilarantes, des scènes de pure tendresse vont se succéder et s’entremêler.
Une scène qui concentre un peu de tout ça, m’a particulièrement plu. Celle où Remington et Fédor, alors qu’ils sont affamés, voient passer une procession de mariage. Remington a soudain une idée géniale : suivre jusqu’au lieu de la fête et s’y goinfrer gratis ! C’est là qu’elle découvre pour la première fois la fête de l’Amour.
Si je n’ai pas été très emballée par le début du roman, j’ai été ensuite véritablement conquise, captivée et séduite par l’histoire elle-même et par le style de Baptiste Gourden qui signe là son premier roman. L’écriture est jeune, moderne, imagée, enthousiaste, tout à la fois crue et poétique, très originale.
Remington est un roman haletant, tranchant, déroutant, un roman violent comme peut l’être la réalité. Il nous décrit un voyage pas comme les autres de deux êtres en marge, deux êtres désenchantés, cabossés, à l’opposé l’un de l’autre, ce qui va provoquer parfois des étincelles mais petit à petit, génère une relative confiance.
Baptiste Gourden fait preuve, dans son roman, d’un grand talent. J’attends avec impatience le deuxième !
Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel.
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