Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Après Les boîtes de ma femme, paru en 2009, Eun Hee-kyung, considérée comme chef de file des écritures féminines nous livre ici trois Micro-fictions au parfum doux-amer dans lesquelles l'auteure développe toute sa connaissance des rapports humains. Du voyou repenti au businessman au seuil de la mort, de la petite fille modèle à la femme affranchie qui rate tout à force de tout réussir, Qui a tendu un piège dans la pinède par une journée fleurie de printemps ? nous fait découvrir des hommes, des femmes et des enfants confrontés à la jalousie, à l'incompréhension, aux difficiles rapports familiaux dans une société masculine harassée de travail.
Trois nouvelles composent ce petit recueil. Des histoires sur la difficulté de vivre en Corée, sur le quotidien, sur les rapports familiaux et sociaux.
- Il ne neige plus au pays natal : un jeune homme bègue, mal dans sa peau et mal accepté par les autres quitte son village d'enfance avec sa mère pour s'installer dans une plus grande ville. Il commence à fréquenter des voyous et raconte son parcours jusqu'à la prison. Le début :
"Les gens croyaient que je naîtrais en juin. Ils ignoraient que ma mère était déjà enceinte de deux mois le jour de son mariage. Mes parents avaient calculé que je verrais le jour en avril, et ils comptaient prétendre que je naissais avec deux mois d'avance. Je les ai mis dans l'embarras en déjouant leurs prévisions : je suis venu au monde en février. Effectivement au bout de sept mois" (p.6)
- Qui a tendu un piège dans la pinède par une journée fleurie de printemps ? : La vie d'une femme, d'abord jeune fille, élevée dans les carcans de la bonne société coréenne qui tentera de les rejeter sans y parvenir réellement. Définitivement seule.
"Sora n'était pas une fillette d'une beauté remarquable. Elle était pourtant très différente des gamins de la campagne qui parcouraient dix ou vingt kilomètres pour se rendre à l'école, leurs affaires sanglées sur la hanche, la semelle de leurs chaussures de caoutchouc tachée de boue rougeâtre." (p.36)
- L'héritage : un homme d'affaires, victime d'un cancer tente de cacher ses déboires financiers à sa femme, son fils et sa fille depuis longtemps éloignés de lui, qui les a négligés.
"Un soir, il annonça à sa femme, avec laquelle il ne s'entendait plus depuis déjà longtemps, qu'il avait un cancer. Il l'avait lui-même appris à la suite d'une endoscopie à laquelle il s'était soumis sur le conseil d'un jeune médecin, membre de son club de golf." (p.84)
La première n'est pas la nouvelle qui m'a le plus inspiré, d'abord parce qu'elle est emplie de retours en arrière, d'ellipses et ensuite, parce que je l'ai commencée juste avant mon week-end Huit Plumes et que je ne l'ai reprise qu'au vol retour (et bon, disons gentiment que je ne suis pas un grand fan des transports, même si finalement le voyage fut bon), la tête encore pleine des rencontres amicales. Pas facile pour reprendre le cours de l'histoire et pas envie de tout recommencer. Les deux autres, lues plus sereinement sont plus linéaires, pleines de détails de la vie quotidienne. L'écriture de HK Eun oscille entre le langage le plus policé possible, fleuri et imagé pour décrire une vie villageoise champêtre, bucolique et une langue crue, directe voire violente lorsqu'elle parle de la vie en prison. Les personnages sont tous mal en point, tant Sora la femme qui traverse sa vie sans la vivre, qui a le don de se faire détester en ne voulant que se faire aimer, que J et N les enfants de l'homme d'affaires en fin de vie, qui ne se sont jamais vraiment sentis aimés et respectés.
Une belle découverte que ces histoires pour moi qui ne connaît rien de la littérature coréenne du sud évidemment, parce que celle du nord doit être inconnue quasiment de tous. L'éditeur, lui est spécialisé en la matière, voyez son site ici. En plus, le bouquin est très beau : mise en pages, couverture réussie, papier épais de bonne qualité et titre on ne peut plus poétique et franchement attirant ; je ne connais pas le coréen, mais si c'est une traduction littérale du titre original, je peux dire que les Coréens ont le sens de la concision, puisqu'il est "Sangsok" !
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