"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Un homme sans moustache est un homme sans âme », écrivait Confucius.
L'arrière-pays dalmate, son maquis, sa pierraille et son village, Smiljevo, avec ses deux mille habitants, son auberge, son église, son école primaire, son bureau de poste et ses deux épiceries. On y trouve une veuve joyeuse, un prêtre timide, alcoolique repenti, un épicier amateur de feuilletons mexicains, un général de l'armée croate, un émigré ayant fait fortune en Allemagne, un ivrogne, un poète haïku incompris, un ministre de la Défense et bien d'autres personnages hauts en couleur. Tout au long de ce roman d'amour hilarant, on découvre une population archaïque, obtuse, amoureuse d'agneaux à la broche, mais excessivement touchante dans son humanité. Ce premier roman d'Ante Tomic, douce satire de l'Église, de l'État et du machisme, aura lancé la carrière de l'auteur de Miracle à la Combe aux Aspics.
Parce qu’un jour son penchant pour la bouteille l’a fait s’écrouler en pleine messe, le bon curé Don Stipan s’est retrouvé muté à Smiljevo, petite bourgade perdue au fin fond de l’arrière-pays dalmate, en Croatie. Bien déterminé à ne plus dévier du droit chemin, il y est pourtant confronté à de nouvelles tentations, pour nos plus grands éclats de rire.
Car c’est à un moment de franche rigolade que nous convie l’auteur, bien connu en Croatie, pour ce premier roman satirique, adapté au cinéma en 2005 et désormais traduit en français. Parue en 2000 alors que le pays se remettait de quatre ans de guerre (1991-1995), cette joyeuse pantalonnade volontiers sous la ceinture tourne en dérision l’Église, l’État, l’armée, ou encore le patriarcat, un peu comme Don Camillo la situation politique de l’Italie après-guerre.
Sur fond de quotidien croate, que, mêlé à ses truculents et désarmants personnages, Ante Tomic nous donne à percevoir à travers la chronique des faits divers dont se régale à haute voix l’aubergiste dans son bistrot-épicerie qui sert d’épicentre au village, se déploie ainsi une farce burlesque, aux traits vaudevillesques, confrontant dans ses quiproquos grivois les aspirations à la liberté du pays, incarnées par une jeune ingénue, une veuve joyeuse et un poète incompris, aux symboles de l’autorité, férocement tournés en ridicule sous les traits d’un père autocrate – revenu enrichi après avoir émigré en Allemagne –, d’un général galant, d’un ministre de la Défense narcoleptique et, bien sûr, d’un curé naïvement en butte à toutes les tentations.
Tout cela pour ironiser, après une guerre déclenchée par la déclaration d’indépendance de la Croatie, sur ce que le mot « indépendance » peut bien vouloir dire pour la majeure partie de la population : « L’adjectif « indépendante », estimé au plus haut point et prononcé de manière solennelle uniquement à la suite du mot « Croatie », est quasiment inconnu en toute autre occasion : on ne l’utilise jamais, jamais on ne remarque son inexistence dans l’homogénéité harmonieuse de la communauté. Dans le village où trois ou quatre générations partagent le même toit, où certains atteignent l’âge de la retraite sans avoir découvert la joie du rugissement autoritaire, personne n’est jeune et indépendant. Avec un tel système de valeurs, le fait que quelqu’un soit a) jeune, b) indépendant et, par dessus le marché, c) une femme pousse toute vieille baderne un peu plus émotive que la moyenne à bouffer son propre chapeau graisseux. »
Qu’est-ce qu’un homme sans moustache n’est pas seulement follement drôle. Si l’on y rit souvent, et de vrai bon coeur, c’est aussi un récit à plusieurs niveaux de lecture, à la fois tendre et féroce à l’égard de la Croatie, de son système patriarcal et de son pouvoir très proche de la puissante Église catholique croate. Un sujet plus que jamais d’actualité, si l’on s’en réfère au mouvement d'hommes ultra-catholiques, appelé "Soyez virils", qui, chaque mois, s’agenouillent en place publique en Croatie, pour prier, comme on peut le lire dans la presse, « contre l'avortement, pour l'autorité masculine et pour que les femmes s'habillent avec modestie ». Coup de coeur.
Une bouffée de fraîcheur, un shoot de vitamine ! C’est l’effet Ante Tomić.
Après son mémorable « Miracle à la combe aux Aspics », les éditions Noir sur Blanc viennent de publier le premier roman de l’auteur, celui qui l’a fait connaitre en Croatie. Et vous savez quoi ? c’est une histoire d’amour ou plutôt une comédie romantique version déjantée.
Voici la chronique farfelue de Smiljevo, petit village des Dalmates. L’auteur nous conte une tranche de vie de ses habitants et les titres de chapitres annoncent la couleur (« Qui débute par une discussion théologique traitant des nichons siliconés, et se termine fâcheusement »). Il y a les naïfs, les maladroits, les affreux, les méchants, les romantiques, les cupides, les alcooliques, les commères. Ne cherchez pas de personnages plats. Ils sont tous plus hauts en couleur les uns que les autres. Une ribambelle d’énergumènes qui ne devraient pas vous laisser de marbre.
On pourrait se dire qu’un livre aussi foutraque ne peut venir que des Balkans, mais je ne le pense pas. Il pourrait venir de partout du moment qu’il y a aux commandes un bon conteur, que l’on y trouve des figures locales, des bars et des boissons alcoolisées. Si on place les personnages de Tomić dans une autre géographie, ils joueront les mêmes scènes, se comporteront quasiment de la même manière et écouteront les mêmes ragots.
La truculence et la dérision règnent en maitre mais l’auteur ne se prive pas de glisser en arrière-plan de cette histoire folle quelques sujets plus « sérieux » sur les maux de son pays et sur les travers humains.
Mais alors me direz-vous, elle est où ton histoire d’amour dans tout ça ? Vous la découvrirez en lisant ce drôle de bouquin. Et même si à mon goût il n’atteint pas les sommets de « Miracle à la combe aux Aspics » , j’ai à nouveau passé un sacré bon moment.
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