Des romans, livres de recettes et BD pour se régaler en famille !
Où il est question de Sainte Marguerite, de
la baie de la Tringlette, d’un âne oracle lubrique, de la différence entre kebab et ćevapičići.
Où nous est révélé que rentrée littéraire rime aussi avec cocasse, savoureux et piquant.
Où je redis pour la troisième fois que ne pas lire Ante Tomic est une grave erreur.
C’est un roman qui se lit très bien.
Différents personnages se croisent avec leur histoire plus ou moins légère.
C’est frais et dynamique, on ne s’ennuie jamais.
Mon seul souci, c’est qu’il ne m’en restera rien d’ici les prochains jours.
Les titres des Editions Noir Sur blanc sont de ceux que je ne veux pas rater et j’ai eu la chance de lire l’un d’entre eux pour le comité de lecture Cultura : il s’agit de l’auteur croate Ante Tomić, dont on peut en outre découvrir sous format poche son titre précédent Qu’est-ce qu’un homme sans moustache ? aux Editions Libretto. Il reste ici dans son pays et contrairement à ses précédents ouvrages, il a choisi une île du côté de Split, deuxième ville la plus peuplée de Croatie, et inscrite au patrimoine de l’Unesco. L’une de ces nombreuses îles que recèle le pays, et en ce qui la concerne? a la particularité de célébrer la Sainte Marguerite, la sainte patronne des femmes en couche, et qui devient ici opportunément celle de la fertilité. Ce roman mêle les insulaires qui voient arriver en cascade les touristes des quatre coins de l’Europe, des couples en mal d’enfant – de chaque pays européen – et des migrants qui transitent depuis le Moyen-Orient.
L’auteur croate a choisi la légèreté, la dérision et l’humour pour aborder des sujets qui ne manquent pas de gravité : il est journaliste, on imagine donc que ce sont des thèmes qu’il traite régulièrement à travers ses articles. Selim est recueilli un matin sur la plage par un couple d’hommes : éreinté et blessé, il a échappé de peu à la noyade, loin de chez lui en Syrie, et en route vers la France dans l’espoir de retrouver la famille qui lui reste. Il est pris en charge par la police locale, gardé dans une cellule qui sert tellement peu qu’elle en devenue chambre d’hôte pour la famille de Krste, le policier. En même temps, Jozefina et Mijo débarquent de Linz pour célébrer la sainte patronne de l’île, en essayant toutes les offrandes possibles pour obtenir ce qu’ils espèrent tant, une grossesse. Du côté du port, le yacht Rosso de Neven Roso, d’Herzégovine, le sexagénaire ruiné, et Gabrijela, la vingtaine à peine entamée, est amarré suite à son licenciement de son poste d’importateur de confiseries suisses, laissant place à un triangle amoureux, avec le seul employé qui est resté à bord, et qui va tourner au grotesque, mais pas vraiment de la façon dont on pense.
Ce qui va réunir tout ce petit monde outre Sainte-Marguerite et sa fête ? Les fameux ćevapčići, spécialité culinaire à base de viande depuis la Bosnie, en passant par tous les pays des Balkans jusqu’au Moyen-Orient, ici la Syrie à travers Selim. Quoi d’autre que ce bout de viande, que l’on appelle aussi kebab, dont les recettes sont déclinées en autant de pays qui la cuisine, héritage direct de l’empire ottoman, pour trouver une unité entre les uns et les autres, des anciens pays yougoslaves jusqu’à la Turquie et la Syrie. Encore une fois, sous le signe de l’humour, les petits désaccords portant sur la recette parfaite du ćevapčići évoquent et tournent en dérision d’autres conflits plus tragiques, de l’art de tourner la gravité en légèreté, la légèreté des désaccords sur LA recette de ćevapčići en véritable affaire d’état.
Ante Tomić mène son récit avec toujours beaucoup de dérision, et j’avoue que cela fait du bien, et d’humour, ne prenant vraiment rien au sérieux même pas la guerre qui se mène un peu plus bas de la Croatie. La cellule du poste sert de logement pour touriste, le policier est plus occupé à fabriquer des ćevapčići dignes de ce nom pour le fast-food qu’il souhaite monter qu’à s’occuper de ses propres judiciaires, le prêtre qui sort largement de ses fonctions solennelles, des couples qui se plient en cinq pour avoir des enfants et qui ne se supportent plus, des anciens riches qui escroquent l’habitant, du touriste qui envahit ferry et îles, églises et fêtes. L’irrévérence de Ante Tomić est délectable, il se moque de tout, de lui-même et de son lecteur (le fameux amateur de Big Brother), on peut dire avec un sourire en coin que le respect est bien mort, même celui des ćevapčići, dont Selim avoue préférer la recette aux cerises et qui se fait rabrouer gentiment pour cela. Les enfants de Sainte Marguerite met également en exergue la façon dont l’argent a tout corrompu, la religion, les instituions, le pays et son patrimoine, au nom du tourisme.
Sainte Marguerite et les ćevapčići fédèrent les gens, religion et nourriture, autour de l’espoir et du plaisir, autour du patrimoine de la Croatie, autour duquel peuvent se réunir serbes, bosniens, croates, mais également un même motif, une parodie, pour déclencher un conflit. Ici et là, on lit entre les lignes quelques sursauts de tensions, notamment lorsqu’il s’agit de parler des autres ex-nations yougoslaves, mais toujours précieusement démontées par un trait d’humour. Pas de tentatioin moraliste qui sous-tend ce texte, juste une tentative de crayonner la zizanie dans laquelle l’île, et le pays, se sont tourné, le désordre joyeux, une liberté anarchique, une confusion ou tout peut devenir grave, le coup de couteau de la maîtresse inattendu, tout est tourné au cocasse. Le journaliste l’a d’ailleurs déclaré, son but était de divertir les lecteurs...
Jozo Aspic et ses quatre fils vivent isolés dans leur hameau de montagne abandonné, à quelques kilomètres de Smiljevo, quelque part en Croatie. La mère des quatre garçons est décédée après ces mots définitifs à l’attention de Jozo : “Tu es une merde”. Depuis, les quatre hommes vivent entre eux, sans véritables règles ou plutôt en suivant les leurs, notamment celles d’un père tyrannique et méfiant. Un jour, l’aîné, Krešimir, prend la décision de se marier et pour cela de se rendre en ville. Cette décision va embarquer toute la famille dans une suite d’aventures rocambolesques et les Aspic vont bientôt devoir renoncer à leur isolement.
Voici un livre à conseiller en ces temps où la météo et les informations sont plutôt sinistres ! Ces cinq Aspic sont vraiment des personnages étonnants. Jozo, le père, a développé ses talents culinaires autour d’une proposition de polenta déclinée à tous les parfums, comme il a entretenu à la fois sa misogynie, sa misanthropie et sa sauvagerie. Les quatre fils vivent sous sa coupe et sont totalement inadaptés à un monde qui les dépasse. Armés jusqu’aux dents, ils sont même capables de garder prisonniers les pauvres employés de l’électricité qui ont eu le malheur de vouloir se faire régler les factures que la famille ne paye plus depuis des lustres !
Quant à Krešimir, il parvient à se mettre à dos le chef de la police en lui piquant sous le nez, et le jour du mariage, sa fiancée. Ce qui va bientôt donner à ses frères l’envie, d’eux aussi, trouver chaussures à leurs pieds. Tout cela va provoquer une cascade d’événements et de rebondissements totalement improbables : poursuites, prises d’otages, échanges fournis de coups de feu... tout s’enchaîne et chamboule la vie des Aspic.
C’est drôle, délirant et parfois à la limite du crédible comme un excellent film d’action où le héros s’en sort toujours au prix d’invraisemblables retournements de situation. Malgré leur côté bourru et mal élevé, on se prend à s'attacher à ces Aspic.
Un livre qui fait souffler un vent de fraîcheur, d’originalité et de loufoquerie sur la littérature.
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