"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nous sommes à Puerto Apache, bidonville autogéré de Buenos Aires, installé sur les rives de La Plata, dans une réserve naturelle. Le Rat, 29 ans, vit de petits larcins. Mais son activité la plus lucrative, c'est de travailler pour le caïd du coin : il doit retenir par cour des séries de nombres, sans les noter, et les restituer telles quelles à un autre dealer de la zone. Il ne sait pas à quoi tous ces chiffres correspondent, mais qu'importe, l'affaire paie bien.
Jusqu'au jour où il se retrouve pieds et poings liés sur une chaise, passé à tabac par des inconnus qui voient en lui plus qu'un simple maillon de la chaîne. Le Rat parvient à prendre le dessus sur ses agresseurs et à s'enfuir, pour se lancer dans une enquête dictée par l'urgence. Qui veut la peau du Rat ? Qui lui a prêté plus de responsabilités qu'il n'en a vraiment dans le trafic ? Désormais traqué, comment peut-il assurer sa sécurité ainsi que celle de sa famille ?
Puerto Apache mène le lecteur dans une enclave de pauvreté située en plein cour d'une capitale, un bidonville dont les habitants sont pleinement conscients de leur condition de marginaux, constitutive de leur identité.
Subtilement traduit avec doigté et perfectionnisme par Julie Alfonsi et Aurélie Bartolo, "Puerto Apache" de Juan Martini, édité par Asphalte Editions, est LE livre incontournable pour celui ou celle qui est attentif, curieux, et sensible à La Belle Argentine .
A pas feutrés, puis vifs nous pénétrons dans ce roman au réalisme fou, authentique , quasi sociologique où se mêlent les bruits, les senteurs . Plus particulièrement la puissance des sentiments, une sombre mouvance et un désespoir certain.
Ecrit avec le palpitement de Buenos Aires dans les entrailles des lignes, la connaissance aboutie de Puerto Apache, bidonville où vivent les Argentins les plus pauvres, les abandonnés, les exclus, mais pas que. L'auteur en tire une merveille d'urbanisme, et de sciences humaines.
Juan Martini est l'Argentin aux mille sollicitudes pour ce peuple oublié, dans ce bidonville où se côtoie la plus triste misère, et la noblesse pour autrui. Où le bruissement nourricier est l'attention pour autrui. Où chaque hôte est un frère ou une soeur pour le prochain.
Quasi sociologique, Puerto Apache est la fierté de ses habitants. G râce à la formidable force de l'altruisme ilsont transformé Le Rio de La Plata en survie généreuse.
"Les excès d'une nuit sans repos font des ravages dans le coeur"
"Je ne fais pas les comptes. Je vis au jour le jour. J'ai pas de vices. Ni de goûts de luxe. Je suis un pauvre type."
Néanmoins la détresse, la pauvreté accélèrent le processus de la marginalité. Ce Puerto Apache est l'encre noire des nantis. Une honte à cacher avec la couverture du mépris.
Lorsque un reportage télévisé vient oeuvrer dans ce champs de souffrance pour dénoncer cette inégalité, on a l'impression que ce voyeurisme, déclanche chez ces exclus un bouleversement dans la hiérarchie de ce bidonville, qui est microcosme sociétal avec ses propres règles et habitus.
"Ici ça n'est pas un bidonville, j' insiste , mademoiselle. On voudrait que ce soit bien clair. Ici, c'est un espace organisé. On a des règles de vie communes et de voisinage, dit le Tordu. ........ On aime pas dire qu'on fait la loi. Mais ici, il y a des règles. Et on vient d'un peu partout. Il y a des gens qui viennent de bidonvilles, c'est vrai. Ce sont des gens bien . ....."
"Le Rat" est l'emblème de ce système. A lui seul, le narrateur force le passage pour le lecteur qui est poussé dans le dos, et obligé de lever les yeux sur cette misère et de prendre acte de cette douleur et violence. "Le Rat" marche sur la ligne jaune. Il est mêlé dans des affaires louches. Son humanité pour "Le Vieux" son père, pour Marù, son amour clandestin.J'ai l'impression de rêver, comme toujours, quelque chose d'impossible, une vision qui s'imprime dans mon cerveaucomme un éclair. Un éclair qui brûle c'est sûr, mais qui te touche et se laisse toucher."
Marù, emblème d'une jeunesse lynchée par les plus forts, les plus vils, les plus corrompus.
Juan Martini nous délivre un morceau de l'histoire de l'Argentine, urbaine et sincère. Ce roman pour qui a foulé la terre Argentine est une piqûre de rappel. Le lecteur reste en haleine dans cette écriture limpide et prenante. Rien n'est laissé au hasard, rien ne se passe comme prévu . Tout est dans la question du Vivre-Ensemble de sa plausible possibilité ou pas.
On est dans un film qui force un arrêt sur image brutal. Puerto Apache en fond d'écran. "Le Rat" nous regarde, blessé car violenté par trois individus et le lecteur ne veut plus qu'une seule chose prendre "Le Rat" dans ses bras.
Ce roman est un cri, une dénonciation, une force implacable. L'histoire maintient Puerto Apache dans l'angle le plus beau, et nous prenons ce bidonville en affection.
Ce mélange fictionnel, avec la vérité, amplifie la dure réalité. Le lecteur devient argentin et n'a plus qu'un seul souhait celui de soigner les blessures du RAT et de marcher à ses côtés pour longtemps. C'est un roman de terre et de feu, de larmes aussi mais des chaudes et consolantes. La beauté qui rayonne dans les nobles lignes de Juan Martini a trouvé l'éclat de la véritable humanité et nous offre une pierre de lumière.
A lire de suite, pour toujours, par temps de pluie, de beau temps , pour un voyage au coeur de l'Homme et de sa vie.
Juste un mot pour la fin : Brillant
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