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Trois femmes décident de correspondre avec un homme. Elles inventent à cet effet un personnage commun, qu'elles baptisent d'un pseudo, Eva, et qu'elles incarnent tour à tour sur Internet, se passant le relais comme les trois soeurs Grées de la mythologie grecque se partageaient un oeil et une bouche uniques.
Une correspondance s'installe, entre les trois amies d'une part, entre Eva et cet homme, Ulysse, d'autre part... jusqu'à la surprise finale. Car sur le Net, toutes les manipulations sont possibles.
Jeux de séduction, libertinage amusé, avatars, masques, mensonges et vérités... On croit ne jouer qu'avec les mots. Mais le drame couve.
Trois amies, Sophie bourgeoise quarantenaire rigide, Alice trentenaire accro au poker et Jeanne vingt-cinq ans, harpiste fleur bleue décident de créer le personnage d'Eva, leur avatar qui répondra aux courriels d'Ulysse, un homme rencontré à la faveur d'une annonce d'antiquaire. Ce qui, au départ, est conçu par Alice et Sophie pour aider Jeanne à oublier son ex, Yves, devient vite une correspondance soutenue, un jeu de séduction. Comment agir pour qu'à trois amies très différentes, elles ne fassent pas douter leur interlocuteur de l'existence d'une seule Eva ?
Je ne suis pas très amateur des romans épistolaires, mais la forme du courriel modernise un peu le genre avec des échanges qui peuvent être parfois longs et parfois très courts, des réponses rapides. Il faut bien prendre l'habitude de lire les en-têtes avec le nom de l'expéditeur celui -ou ceux- des destinataires, l'objet du message et la date et l'heure, Ella Balaert joue aussi avec ces informations. Une fois le pli pris, la lecture est plaisante, même si l'exercice ne me permet pas de jouir autant de la belle plume de l'auteure que dans ses autres ouvrages ; le style est plus oral, plus dialogué et il est intéressant de remarquer les différences d'écriture entre les trois femmes, et l'évolution de Jeanne notamment.
Dans cette construction un peu particulière, ces trois femmes se révéleront, elles parleront de leurs doutes, de leurs peurs par l’intermédiaire d'Eva et entre elles, chacune en fonction de son caractère. Sophie reste la bourgeoise aux principes, un peu donneuse de leçons, qui dit pas mal de sa vie. Alice est une jouisseuse, elle ne cache pas ses gains ou ses pertes au jeu, ses amours tumultueuses et son envie de liberté, de profiter des hommes. Jeanne est romantique, peine à oublier Yves et un peu naïve, elle ne comprend pas toujours le double sens dans le jeu d'Ulysse. Et icelui d'être l'accoucheur, celui qui, bien qu'invisible, donnera naissance à la parole libre et franche des trois femmes.
Encore une fois, Ella Balaert crée de beaux personnages de femmes, de celles qui luttent tous les jours pour s'affirmer devant les hommes, qui jouent avec eux, qui osent ou au contraire qui peinent à s'imposer, qui, par peur du qu'en-dira-t-on, des apparences, préfèrent se cantonner à ce qu'elles pensent qu'on attend d'elles. Elles évolueront grâce à Ulysse et à leurs échanges à elles trois, mais aussi au gré des coups durs de la vie ou des coups de chance.
Décidément, Ella Balart est une écrivaine à découvrir pour ceux qui ne la connaissent pas encore. Pour les autres, il suffit de continuer à la lire pour se délecter à chaque fois de ses pages.
Construit comme une pièce de théâtre, ce roman sobre dans lequel lauteur samuse à faire évoluer les styles des protagonistes au gré des évènements qui surgissent met en lumière ce que lécrit dit comme ce que les silences révèlent. Il pointe aussi le miroir déformant quest lordinateur, et la facilité avec laquelle Internet peut faire perdre pied à ceux qui lui laissent prendre trop de place dans leur existence. Il rappelle enfin que si lon nécrit pas comme lon parle, on ne rédige pas non plus un e-mail de la même façon quune lettre manuscrite ni quun roman.
Pseudo est une lecture rafraîchissante, et finalement très entraînante, qui résonne en quiconque a déjà cherché sur le net le réconfort dune présence virtuelle au détour dune heure perdue.
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