Pour la peau, d’Emmanuelle Richard (ed de l’Olivier)
C'était l'été 2013. Je venais de quitter C. Je voulais respirer des hommes nouveaux mais je ne voulais surtout pas d'amour. Je me suis inscrite sur des sites de rencontre. J'ai rencontré E. par un biais qui n'avait rien à voir. E. venait d'être quitté par une fille pour qui il était prêt à se couper le bras au couteau à pain. J'ai voulu être aimé par lui comme il l'aimait elle. Je me suis perdue.
Pour la peau, d’Emmanuelle Richard (ed de l’Olivier)
J'étais tellement impatiente de le lire ! j'en attendais tellement ! une histoire d'amour passionnelle, romantique, forte et folle..malheureusement j'ai été déçue. J'ai même été parfois perdue et perplexe en lisant le roman ! Suis je passée à côté ? peut être que j'aime que l'histoire soit claire, franche et limpide...et là, elle prend des tournures qui malheureusement me faire perdre le fil de l'histoire, et trop "farfelue" pour moi. Certaines phrases sont écrites presque comme des poèmes..;si vous aimez, alors vous accrocherez à ce que l'auteure raconte..ça se lit mais loin du coup de cœur pour ma part.
Ce livre me tombait des mains à chaque fois que je l’ai repris, j’avais beau faire un effort, impossible d’accrocher, ne serait-ce qu’une seule phrase, les personnages étant si impersonnels, l’écriture décousue, l’histoire incompréhensible sautant du coq à l’âne, non franchement je n’ai pas aimé.
"Parfois je ne sais plus rien, hormis cette chose : si tout peut s'oublier comme le début quand j'aurai fini d'écrire je ne me rappellerai plus rien. Si tout s'oublie comme la chronologie, alors, quand j'aurai fini d'écrire, je ne souffrirai plus".
Ou l'écriture pour tenter d'exorciser la souffrance qui ne laisse pas Emma en paix depuis la fin de son histoire avec E.. Sous sa plume, des images, des réminiscences d'instants lumineux ou plus noirs, qu'elle tente d'ordonner, peut-être pour trouver un sens à cette histoire. Pourtant, à la lire on a envie de parodier Pascal : la peau a ses raisons que la raison ne connaît pas.
Car il est surtout question des sens, c'est par eux qu'arrivent les souvenirs, par la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et bien sûr le toucher. Ce sont eux qui ont guidé le cheminement d'Emma vers cet homme qui, au début, n'avait absolument rien pour lui plaire. Seule dans une nouvelle ville, sortant d'une relation de couple de plusieurs années, une envie de relations faciles et sans implications chevillée au corps. Peu à peu ses sens la poussent vers E. lui-même en cours de digestion d'une rupture... mais beaucoup plus compliquée. Emma ignore tous les signaux d'alerte, se persuade qu'elle maîtrise la situation et plonge dans cette relation à corps perdu.
Le récit de cette passion violente et finalement dévastatrice est terriblement convaincant, servi par une expression crue, explicite et sincère sans aucun essai d'enjoliver ou de dramatiser. On est dans la vérité des sentiments et des sensations, une vérité qui n'exclue pas les mensonges que l'on se fait à soi-même. Emmanuelle Richard pose un regard très courageux et très lucide sur ce qui conduit à la passion, ne niant pas la part du fantasme ou l'influence de failles psychologiques plus anciennes.
Ce n'est pas évident d'arriver à décortiquer ainsi la complexité du phénomène de l'attirance entre deux êtres, dans toute sa beauté mais aussi toute sa perversité. Emmanuelle Richard y parvient avec brio, provoquant presque un sentiment de malaise chez son lecteur qui pourrait reconnaître certains symptômes pour les avoir vécus. Aucune femme notamment ne pourra rester insensible face à cette démonstration implacable.
C’est à la manière d’une entomologiste qu’Emmanuelle Richard choisit de nous raconter la passion amoureuse. Dans son nouveau roman, elle cherche, détaille, creuse, dissèque la relation qu’elle a entretenue avec E. Ce faisant, elle essaie de comprendre le mystère qui entoure la naissance d’un amour, ce qui le fait tenir et ce qui le fragilise jusqu’à ce moment où il s’éteint, où il n’est plus tenable, plus vivable.
L’entreprise tient à la fois du besoin et de la thérapie, surtout pour Emma, la narratrice qui est écrivain et s’apprête à sortir un nouveau livre. Besoin de savoir quels sont les éléments factuels qui conduisent à accepter un nouvel homme dans sa vie, envie de guérir de ce nouvel abandon. Car, si l’on oublie les premières expériences durant sa jeunesse au Havre, elle sort d’une précédente histoire avec S. et entend cette fois se préserver d’un nouvel échec.
Elle a par conséquent raison de dire que cette nouvelle histoire ne commence pas avec la rencontre de E., mais « par la redécouverte de la solitude et de la liberté, ça commence par une entreprise de ma part, une inscription sur les sites de rencontres en ligne (…) par la conviction que je veux redécouvrir mon corps et mon désir oubliés depuis trop longtemps et par la certitude que je vais convoquer ce dernier homme comme il me plaira aux heures qui me conviendront».
L’histoire ne commence du reste pas non plus avec leur première rencontre. E. est alors dans son rôle d’agent immobilier et Emma dans celui de la personne qui visite un studio. Elle pourrait commencer avec leur premier rendez-vous dans son bureau. Seulement Emma se perd en route et constate qu’il y a deux rues Lefranc dans cette ville et que son GPS la conduit dans la rue homonyme. Comment tomber amoureuse d’un homme agacé à la voix sèche ? La réponse viendra quelques jours plus tard, insatisfaisante. Parce qu’«on ne sait jamais pourquoi on aime ni vraiment ce qu’on aime quand on aime, d’ailleurs je ne l’ai pas compris tout de suite ce que ça voulait dire les croûtes et le visage détruit et la voix qui partait en vrille et le reste mais j’imagine que c’est ce qui m’a plu, et aussi cette manière qu’il avait de se tenir debout au milieu du désastre, droit et fier malgré tout, cette façon de porter haut ce visage en lambeaux, les grands plis amers qui encadraient sa bouche.»
Faisons ici une parenthèse pour parler du style, de la musique de ce roman qui fait fort souvent fi de la ponctuation, sans doute pour marquer le caractère spontané, l’urgence qu’il a y à dire les choses de manière brute, sans filtre. Sans doute aussi pour retrouver l’authenticité des impressions et des sensations alors que l’histoire est désormais finie. Emma dira «j’ai besoin d’écrire cela, comme si j’étais en deuil. Pourquoi cette nécessité de dire, de peindre, de retrouver ? De sauver.» Et peu plus loin, à la manière d’un haiku : «Terminer ce livre. Finir de déposer pour oublier.»
Voici donc le mode d’emploi. Pour «déposer», Emma tente de recréer l’ambiance, le décor, les vêtements qu’ils portaient, les bruits et des musiques qui ont accompagné la fusion de leurs corps, les odeurs et les parfums qui se sont mélangés. Mais cette profusion de détails ne suffit pas à faire une démonstration : « Je ne comprenais pas cette tendresse, cette douceur entre nous. Je ne comprenais pas cette intimité évidente, cette sensation de familiarité qui penchait vers le double en même temps que cette impression d’une étrangeté et d’une altérité radicales et nouvelles qui me faisaient perdre tous mes repères. Je comprenais encore moins cette confiance réciproque immédiate.»
Deux corps s’appellent et s’apprivoisent pourtant. Le besoin d’être ensemble devient évident, les plans d’avenir s’échafaudent. Le premier différend est vite surmonté. On imagine les journées, soirées, nuits en commun. Mais déjà quelques oiseaux de mauvais augure font entendre leur voix…
S’il fait lire Emmanuelle Richard, ce n’est pas pour y chercher des recettes pour faire durer une histoire d’amour ou encore pour tenter de comprendre ce qu’il faut faire pour éviter l’échec, mais bien plutôt pour partager les moments de grâce, pour la peau qui frémissante et bien vivante.
http://urlz.fr/3lk8
Emmanuelle Richard, que l'on devine très proche d'Emma, son personnage écrivain dans le livre, s'interroge sur la genèse du sentiment amoureux. En pleine séparation, elle quitte Paris pour une ville anonyme de province facilement identifiable à Bordeaux. Et croise la route de E. Tous deux accorderont - ou pas - leur cœur et leur corps, se rêveront - ou pas - dans une belle histoire d'amour. Mais les démons ne sont jamais bien loin...
"Je voudrais sauver la grâce de cet instant quand ça bascule." Cette phrase tirée de "Pour la peau" suffit à mon sens à résumer le propos. En permanence, on est sur le fil, à fleur de peau, dans des allers-retours entre passé et présent, vécu et fantasmé. L'auteure se dévoile ici éprise de liberté, tant dans le ton que dans la forme, particulièrement inventive, passant du tutoiement à la troisième personne, qui ricoche, suite les méandres de la pensée, s'accorde aux sens. Car la découverte d'un être dont on explore peu à peu la part intime passe par un maelstrom de sensations qui sont ici très bien rendues. L'exercice de style est une réussite indéniable, et la jeune Emmanuelle Richard montre là beaucoup de maturité. Reste que l'on peut se demander si une histoire d'amour somme toute assez banale, où la confusion des sentiments reste monnaie courante dans ce genre de situation et où l'"intrigue" se déploie gentiment sans surprise réelle, suffit à faire un roman propre à captiver d'un bout à l'autre. Si l'écriture est bourrée d'aspérités souvent plaisantes, pour moi l'histoire manque singulièrement de relief.
Exploration d'une passion amoureuse
Voilà un livre comme je les aime : une écriture sublime avec sans cesse des phrases que j'ai envie de noter !
La narratrice vient de se séparer d'un commun accord de S., elle "sort d'un contrat amoureux de longue durée", dit-elle.
Elle s'inscrit sur un site de rencontres avec l'envie de faire l'amour sans passer par le jeu de la séduction, "Je n'avais envie ni de chasser ni d'être chassée. Rien que la peau, et c'était tout" Mais sa liberté tant espérée ne lui apporte rien.
A l'occasion de la recherche d'un nouvel appartement, elle rencontre E. qui lui fait visiter un logement. De 20 ans son aîné, son physique ne l'attire pas du tout. Une histoire de chauffe-eau qui ne fonctionne pas l'oblige à le recontacter et petit à petit ils se revoient. Elle va apprendre à le connaître et se sentir "tomber dans le sentiment amoureux" avec une véritable sensation de chute.
Ils vivent alors quatre semaines de passion durant l'été, une passion amoureuse à un tel niveau qu'elle entraine dépendance et addiction. Une passion destructrice.
J'ai particulièrement aimé la façon qu'a Emmanuelle Richard de brosser le portrait de E. par de multiples petits détails et de parler du désir et du manque.
C'est un livre constitué de courts chapitres et de mots qui sonnent juste. Un livre qui se déguste doucement, bercée par la musicalité des phrases.
Emmanuelle Richard, pour qui ce récit a une base largement autobiographique, dit avoir écrit ce texte dans un état d'urgence absolu. C'est, en tout cas, une très belle réussite qui me donne envie de me précipiter sur son précédent roman "La légèreté".
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2016/03/pour-la-peau-demmanuelle-richard.html
Récemment séparée de son compagnon, Emma veut rompre aussi avec l’amour qui rend malheureux. Elle recherche des hommes mariés, « des peaux en vrac ».
La recherche ne s’éternise pas puisque son regard se pose sur l’agent immobilier qui vient lui faire visiter un studio. Il est laid, repoussant, le teint gris... mais ne laisse pas Emma insensible.
C’est alors chaque page du roman qui invite le lecteur dans une valse des sentiments, aussi proches et aussi éloignés les uns des autres, de l’indifférence à la curiosité en passant par le désir pour s’échoir sur la plage de la passion, celle qui peut être très douloureuse.
Dans ce roman, j’ai ressenti l’engagement fort de son auteur, la solitude tout de suite créatrice d’un besoin d’amour, harcelé par cette volonté première de ne pas tomber dans ses pièges. Cette quête, tellement vive, provoque une sorte de lutte qui s’apaise et resurgit sans cesse.
Un roman qui dégage une grande sensualité, qui décrit parfaitement les états presque seconds avec lesquels la passion amoureuse est capable de nous aliéner.
Tout en appréciant les qualités de ce roman, j’ai trouvé un peu de redondance avant d’arriver à la fin que l’on peut deviner.
Emmanuelle Richard s'impose par un style d'écriture surprenant une urgence à coucher une douleur destructrice. Pourquoi quelqu'un hier qui n'était rien, peut devenir une personne qui va devenir un tout? Passer de l'indifférence au mépris à la curiosité, puis au désir, et enfin aux sentiments amoureux. Un cri, une déchirure jusqu'à la délivrance, une rupture laissant des traces profondes d'une relation à trois ne laissant aucune perspective dans une authentique construction amoureuse, un avenir plus serein, un couple.
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