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Un beau jour, Joe, un jeune homme, employé aux abattoirs, entend à la télévision un couple retraité expliquer qu'ils ont vendu la maison pour acheter un camping-car et qu'ils vont partir sur les routes histoire de ne pas mourir idiot. Illico, Joe décide lui aussi de mettre les voiles. Sur son lieu de travail, il fauche une bétaillère (bestiaux compris), passe prendre son plus proche ami, Sam un enfant placé, et file au volant de l'engin sur les routes montueuses de la région. Evidemment, la gendarmerie est alertée mais la chasse à l'homme commence plutôt mollement. L'insurgé, l'enfant et les six vaches auront le temps de rencontrer d'épatantes personnes. Dont l'une hors-champs et dont on ne peut rien dire sinon qu'elle porte une blouse blanche. Auront-ils le temps de sauver le rêve de la réalité ?
Le cri des cochons ou celui des vaches, un matin, Joe décide qu’il ne peut plus les supporter. Car ces cris envahissent sa vie, son repos, ses nuits, ses rêves. Ce n’est pourtant pas une décision simple à prendre lorsque l’on travaille dans un abattoir.
Chaque semaine, Joe doit recevoir des perfusions pour arriver à vivre à peu près normalement. Et dans ces moments-là, son seul rayon de soleil, c’est l’infirmière Joséphine. Il faut dire qu’elle aussi habite les nuits de Joe, ses rêves, sa folie douce et ses envies d’ailleurs. Mais rêver n’est plus suffisant, car ça ne fait pas vivre heureux.
Il en est sûr désormais, le bonheur est dans la fuite, loin de l’odeur du sang, celui des bêtes et celui des perfusions, loin de l’hôpital et de la mort.
Alors ce matin-là, le premier éleveur qui pose sa bétaillère devant l’abattoir à la surprise de la voir s’envoler avec ses six vaches à l’intérieur. Et Joe trace la route, mais n’oublie pas de récupérer au passage le jeune Sam, cet enfant élevé par des tuteurs qui ont confondu maison de redressement et éducation familiale.
Ils se font la belle. Par l’autoroute, par les petites routes, jusqu’à la montagne et ses verts pâturages ensoleillés. Ou pas. Il peut faire gris et froid dans les montagnes quand on n’a rien à manger et que l’on est entouré par quelques voisins trop bavards.
Quelle heureuse surprise. J’ai apprécié ce court roman aux chapitres brefs, qui fleure bon douceur et mélancolie, teinté d’un humour grinçant et parfois si réaliste. Il y a beaucoup de tendresse et de douceur dans ce road-trip pour la vie, dans ce texte aux intonations douces amères qui nous ramène indiscutablement à la banalité et la dureté du quotidien.
Chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2021/02/18/pas-trop-saignant-guillaume-siaudeau/
Pas trop saignant est un court ouvrage absolument percutant, déployé au moyen de chapitres concis mais gorgés d’une rage athlétique et d’un grand coeur. L’auteur confesse un récit fragile -parce que l’on sent qu’il nous échappe- et fugace : le·a lecteur·rice est isolé, sans pour autant être rejeté, et devient bel et bien le·a témoin d’une course vers deux antipodes, la vie et la mort, réconcilié autour d’un même désir, celui d’être libre. La plume de Guillaume Siaudeau, poétique vigoureuse, dévoile alors une cavale démente, aux pétales délicates, un conte doux-amer qui vient, non sans humour, écorcher quelques anomalies de la société. Le·a lecteur·rice butine alors un peu de mélancolie mais surtout beaucoup de tendresse dans ce récit qui est une véritable fracture temporelle, un arrêt dans le temps qui constelle le cerveau du·de la lecteur·rice en d’innombrables étoiles d’affection.
http://www.leslecturesdumouton.com/archives/2016/10/30/34499509.html
« Chez Jacques, il a tracé son chemin en rouge sur une vieille carte routière. Ils ont étudié et défini le meilleur trajet. C’est Sam qui fait le copilote, la carte sur les genoux. Il est fier de la mission qui lui a été confiée. Ça rend Joe encore un peu plus heureux. Quand Joe le voit s’extasier, plus rien n’a d’importance. Il se dit que si le monde devait s’écrouler d’une minute à l’autre, c’est précisément là qu’il aimerait s’arrêter pour attendre la fin. Au bord d’un sourire d’enfant ».
Et voilà encore un roman bien trop court à mon goût (135 pages) : il est tellement bien qu’on ne veut pas le lâcher !
Pour son troisième roman, Guillaume Siaudeau nous embarque dans l’aventure folle de Joe. Joe ne supporte plus de travailler dans un abattoir, d’entendre la mort des animaux. Il souffre dans son âme et sa chair. Le seul moyen de supporter son existence est de venir régulièrement à l’hôpital pour subir des injections qui le soulagent momentanément. Un jour, son infirmière préférée, Joséphine, n’est pas là pour lui faire son shoot. Cet événement va être le déclencheur d’une décision soudaine : stopper cette vie de massacres, retrouver une liberté. Là où certains démissionneraient simplement, lui s’enfuit avec un camion, six vaches et Sam, un petit orphelin qui vit chez des gens peu fréquentables. Les voilà embarqués dans une folle aventure, traqués par la police mais aidés par deux personnages : Jacques et Robert.
Mais que peut bien faire Joe avec six vaches, un enfant et un mal-être à surmonter ?
Ce roman, découpé en trois parties, possède de nombreux thèmes que j’affectionne : le mal-être qu’on cherche à enfouir au plus profond de soi, à dissiper du mieux qu’on peut, en silence ; le souhait de recouvrer une liberté aussi infime et éphémère soit-elle ; se retrouver, être en accord avec ses idées même si elles vont à l’encontre de la pensée collective. Guillaume Siaudeau nous offre un superbe anti-héros, un homme solitaire, un peu à la marge car d’une sensibilité à fleur de peau. On s’attache à ce personnage discret, amoureux de son infirmière, attaché à un petit gamin à la vie difficile, et surtout complètement vidé par une vie non choisie. L’auteur fournit aussi de beaux personnages secondaires, l’ami Jacques et le vieux Robert, qui les aident dans leur fuite. On s’amuse de la vision cruelle qu’il donne des policiers. Je ne vous parle même pas de la fin, une fin comme je les aime et qui fait écho à un magnifique film.
Le tout est servi d’une très belle plume. J’ai corné plein de pages tellement il y a de très beaux passages que je souhaitais retrouver. En voici une petite sélection :
- « Joe sait bien que les questions et les réponses sont comme les hommes. Il arrive souvent que certaines restent seules. Qu’elles n’aient pas leur pendant. Qu’elles restent à errer ici et là toute leur vie à la recherche de ce qui comblerait leur manque. Si toutes les questions avaient une réponse, ça se saurait. Y aurait moins de gens avec des points d’interrogation au fond des yeux ».
- « Il se demande parfois ce qui prédomine chez lui. L’amour ou la folie. […] Parce que les gens normaux sont en règle générale soit bien trop fous, soit bien trop amoureux. Ils se comptent sur les doigts d’une main, les types comme lui, dont le cœur partage équitablement l’amour et la folie ».
- « Joe se contente de manger sans dire un mot. Il attend patiemment que la boule dans sa gorge dégomme les quilles dans son ventre ».
J’ai reçu un beau shoot de littérature, sans intraveineuse, sans infirmière, mais qui m’a apporté un arc-en-ciel de plaisir. Un roman que je ne peux que vous inciter à dévorer, à point.
Court et beau roman. Beau autant dans l'histoire que dans la manière de la raconter. Guillaume Siaudeau use souvent d'images, fait appel à notre imagination :
"La perfusion est composée de plusieurs couches distinctes de liquide, chacune de couleur différente. Elle ressemble à un arc-en-ciel qu'on aurait mis à plat, et c'est au tour du liquide jaune de faire son job. Chaque couleur est censée soigner un symptôme spécifique, et le jaune a pour vertu de redonner un peu de moral aux troupes. Il faudra attendre la verte pour que le nœud dans l'estomac soit complètement défait, et la rose pour que les pulsions suicidaires s'éteignent complètement. Il restera enfin aux couleurs orange, bleue et mauve à s'occuper des dernières instabilités physiques et psychiques, jusqu'à la dernière goutte." (p.20)
Ces images, nombreuses, donnent une poésie certaine à ce roman, de la mélancolie et un soupçon d'irréalité dans une situation pourtant bien réelle. Tout au long du livre, on y croit, mais reste en nous la sensation que Joe peut vivre un rêve...
Construit en petits chapitres, plein de belles phrases que je ne peux citer ici, il serait fort dommage de les sortir du contexte du chapitre entier, on en perdrait le sel et la poésie, cet ouvrage est un délice, une douceur à déguster ; ça ne prendra pas trop de temps, puisqu'il ne fait que 133 pages, mais restera en vous un sentiment d'avoir lu un roman qui bouscule et émeut. Pourtant, rien de larmoyant, il est mélancolique et joyeux, triste et plein d'espoir, sans oublier un zeste d'humour, notamment lorsque Guillaume Siaudeau parle des forces de l'ordre : "Dix tasses de café vides attendent d'être remplies près d'un panier de croissants. Qui s'est déjà risqué à travailler le ventre vide sait que c'est une belle connerie. Un homme bien nourri en vaut deux. Certains même parviendront peut-être à décupler l'effet d'un croissant, jusqu'à valoir trois hommes. Tout ça n'est qu'histoire complexe de morphologie et d'absorption des sucres." (p.98)
Une très belle plume que celle de Guillaume Siaudeau, j'aime beaucoup son roman, le ton de son écriture qui use de poésie et de considérations on ne peut plus naturelles dans une même phrase, voire même met de la poésie dans ces considérations naturelles. Il a écrit deux autres romans chez le même éditeur, Alma, aux titres qui me laissent en penser le meilleur, mais que je n'ai pas lus : Tartes aux pommes et fin du monde (2013) et La dictature des ronces (2015).
"Ici chaque chose apparait plus simple. On parle souvent du retour à la réalité mais jamais du retour au rêve. La vie chez robert est de cette trempe-là. Il suffit de s’attarder un instant sur ses doigts pour comprendre qu’ils ont passé plus de temps à donner qu’à prendre. On voit bien que ce sont des années de partage qui ont creusé et abimé ses mains. Que ses rides ne sont pas là par hasard. Que ce ne sont pas des questions qui les ont dessinées mais le mauvais sang qu’il s’est fait pour les autres.
Robert est un livre fermé dans lequel Joe parvient à lire. Un joli secret mal gardé. Une carapace retournée. Un coffre-fort et son code épinglé au mur, juste au-dessus.
http://www.lesmiscellaneesdepapier.com/pas-trop-saignant-de-guillaume-siaudeau/
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