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Jérusalem, Athènes et Rome, résument l'histoire de l'humanité, Paris résume celle de ces trois villes : « Il les amalgame dans son unité » (Victor Hugo, 1867). Comme le Guermantes de Proust, Paris, ville magique et mot magique, évoque une extraordinaire floraison de continuités et de discontinuités, ses logiques et ses contradictions, faites de réalités historiques et de représentations : les personnages de La Liberté guidant le peuple de Delacroix sont on ne peut plus parisiens, mais l'humanité entière se reconnaît dans sa barricade, son entrain, ses morts, ses tours de Notre-Dame.
« Cette ville, notait Louis-Sébastien Mercier en 1799, fixe éternellement les regards du monde entier. » Mais ces regards n'allaient pas de soi. Il fallait, pour que Paris devienne, entre le XVIIIe et le XXe siècle, la capitale mythique du monde, deux choses : la réalité d'une imposante métropole et, dans l'ordre des idées, une soif d'individualité et de modernité, un bouleversement de l'ordre ancien dont la capitale fut le centre premier et universel. Dans ce livre inspiré d'un cours donné en 1999 au Collège de France, l'historien Patrice Higonnet livre une histoire mythique de Paris. Il révèle l'alchimie magique d'une ville qui, à chaque époque, absorbe les mythes et les perceptions du passé, les adapte aux impératifs culturels nouveaux, pour s'en nourrir et créer un nouvel environnement : Paris, capitale de la république des lettres (et donc de la modernité) ; capitale de la révolution (où l'on apprendra que les émeutes de Londres, en 1780, causèrent plus de dégâts que la décennie 1789-1799 à Paris) ; capitale du crime (hantée par la figure de Fantômas) ; capitale de la science (la ville réunissait 87 % des congrès mondiaux en 1900) ; capitale de l'aliénation haussmannienne (avec ses fils paradoxaux, flâneurs des grands boulevards et richissimes chiffonniers, titulaires de loges à l'Opéra) ; capitale de la mondanité ; capitale des plaisirs (de la chair et de la chère) ; enfin, capitale des arts, jusqu'à la défaite de 1940 qui ruina tout.
Patrice Higonnet insiste sur les périodes et les mouvements clefs (révolutions, haussmannisation, Commune, Belle Époque, surréalisme), sur les acteurs réels du changement qui, comme chacun sait, sont rarement les décideurs. Ainsi, la place de la Concorde devait, à l'origine, ne servir à rien, dans un style « Paris bord de mer » semblable à celui de la place du Tage à Lisbonne. Et les interminables souterrains de la station Châtelet doivent beaucoup aux académiciens qui, ne voulant à aucun prix que les vibrations du métropolitain dérangent leurs délibérations, firent faire un crochet à la ligne 4 par la place Saint-Michel. Les poètes ont ici la part belle, mais aussi les artistes, à travers près de 80 illustrations. On y découvrira une descente infernale de Degas chez les prostituées, le dandy mexicain Adolfo Best Maugard, les scènes de café de Répine, et encore The Triumph of the New York School, de Mark Tansey, scène de capitulation militaire où Matisse, Apollinaire et Breton passent la main à Rothko, Pollock et de Kooning...
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