"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Effarement et exubérance, enracinement et étrangeté : dans ce nouveau roman, Jhumpa Lahiri pousse l'exploration des thèmes qui sont les siens à leur limite. La femme qui se tient au centre de l'histoire est professeur, elle a quarante ans et pas d'enfants. Elle oscille entre immobilité et mouvement, entre besoin d'appartenance et refus de nouer des liens. La ville italienne qu'elle habite, et qui l'enchante, est sa confidente : les trottoirs autour de chez elle, les parcs, les ponts, les piazzas, les rues, les boutiques, les cafés... Elle a des amies femmes, des amis hommes, et puis il y a "lui", une ombre qui la réconforte et la trouble tout à la fois... Le tour de force de ce beau roman, écrit dans une langue à la fois très simple et précise consiste à faire de cette anti-héroïne spectrale un personnage qui prend progressivement une véritable épaisseur charnelle et fictionnelle, et de ce non-roman une fiction tendue par un suspense transformant ces intrigues dérisoires en matière à un «page turner »d'un genre fantomatique et mystérieux. Premier roman de Jhumpa Lahiri écrit en italien, «Où je suis »brûle du désir de passer les frontières et de forger une nouvelle langue littéraire.
C’est un très joli roman introspectif, doux et réconfortant. J’ai aimé suivre les pas de la narratrice dans une ville italienne dont elle connaît les rues par cœur mais qu’elle n’arrive pas à habiter complètement. Telles les ombres des passants sur le pont qui à la lumière du soleil s’allongent et disparaissent. Fugaces et téméraires.
En retrait et anonyme, la voix inconnue se sent dans une bulle mélancolique qui ne la satisfait plus. En quête d’appartenance, les allées et venues quotidiennes où se mêlent les bruits et les sons sont les cordonniers de ses pensées. Lui donnent matière à réfléchir à sa vie personnelle et professionnelle, sa place humaine dans le paysage urbain. Et ces lents et doux cheminements intérieurs traversent notre propre champ de vision. Nous happent, nous pilonnent sur pied par l’implacable vérité.
C’est la magie de l’écriture d’une justesse absolue, la noblesse des choses simples. L’inconnue devient totalement présente et proche. Le papillon a quitté sa chrysalide, la renaissance est toute proche. La narratrice vit entièrement par le regard qu’elle porte sur les choses de la vie. De son quotidien, de ce qui l’émerveille ou l’attriste. J’ai beaucoup aimé la proximité avec le roman, avec cette femme à la fois fragile et déterminée.
Les courts chapitres sont les tableaux choisis de moments de solitude ou entre amis, comme dans le beau Musée de l’Antiquité où j’imagine le parfum des fleurs des tapisseries et le pépiement des oiseaux. Elle est chez elle partout et nulle part, le mouvement est son lien avec le monde.
Comme un petit Poucet, l’écrivaine passagère cueille des noms, des lieux, des images et des histoires pour les déposer ensuite sur le papier comme autant de petits cailloux pour trouver le bon chemin qui mène à soi et aux autres. Toutes ces choses non verbales vivent en elle, elle en a besoin pour avancer. Et la rareté de ces mots écrits fait le prestige de ce très beau lumineux roman à la magnifique couverture traduit de l’italien par Hélène Frappat.
La narratrice, professeur de lettres de quarante-cinq ans, vit seule dans son petit appartement plein de livres, quelque part en Italie. Elle y mène une vie tranquille, sans grande aspérité, uniquement occupée des petites choses du quotidien qu’elle observe avec finesse, emplissant de jolis carnets que personne ne lira jamais. Personne, sauf les lecteurs de ce petit livre...
Les notes et les observations quotidiennes que la narratrice accumule comme pour exorciser le vide et la solitude, voire même pour exister, sont autant de délicats instantanés d’une vie si plate que le moindre détail en acquiert un singulier relief. Tous ces petits riens auxquels viennent s’accrocher l’âme et la sensibilité de cette femme finissent par dessiner en creux un portrait frémissant d’humanité, dont les ombres, bien mieux que des mots, laissent deviner sa personnalité et ses émotions profondes.
Elle-même, étrangère à toute introspection, ne se livre guère. Heureuse de ses choix de vie quand elle s’agace du besoin de sa mère de se sentir perpétuellement entourée, en même temps étonnée de voir son amie lui envier le calme de son existence, elle semble osciller, sans en avoir vraiment conscience, entre le rassurant et confortable attachement à son chez elle, à sa ville et à sa routine, et la vague intuition de passer à côté de quelque chose. En particulier lorsque sa complicité avec l’un de ses amis mariés éveille chez elle un discret trouble… Longtemps prisonnière de ses hésitations, elle finira par opter pour le changement, en partant pour une année d’études dans une autre ville. Mais, sans remise en cause, trouvera-t-elle l’herbe plus verte ailleurs ?
L’on referme ce livre impressionné par la maîtrise et la subtilité de sa construction, qui, touche après touche, révèle un motif d’ensemble confondant de profondeur, de justesse et de délicatesse. Que de charme et d‘élégance dans ce roman hors du commun !
Merci à la Fondation Orange et au Cercle Livresque de m'avoir offert cette découverte.
Une vie simple ,mais un peu vide ,une personne attachante mais un peu seule au fil du temps jusqu'à la limite du temps a lire avec plaisir
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