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Onysos le furieux Un homme est là, assis sur le quai d'un métro, à New York. Il est vieux. En guenilles. C'est Onysos.
Mi-homme, mi-dieu, il prend la parole et entame le récit de sa vie. C'est une épopée antique. De sa naissance dans les monts Zagros à la prise de Babylone, de sa fuite en Égypte à son arrivée dans la cité d'Ilion où il décide de mourir au côté des Troyens, il raconte une longue succession de pleurs et de cris de jouissance, de larmes, d'orgies et d'incendies.
Le temps d'une nuit, sur ce quai anonyme, Onysos le gueux, le boueux, Onysos l'assoiffé fait à nouveau entendre sa voix et se rappelle à la mémoire des hommes.
Le Tigre bleu de l'Euphrate Alexandre va mourir. Après avoir battu le grand Darius, conquis Babylone et Samarkand, après avoir construit des villes et fondé un immense empire, il est terrassé par la fièvre. Il ne lui reste que quelques heures à vivre. Il ne tremble pas. Il contemple la mort et l'invite à s'approcher pour lui raconter lui-même ce que fut sa vie.
Alexandre parle et la mort l'écoute. Le laissant revivre l'ivresse de son épopée et ressentir, une dernière fois, le désir. Celui de ne jamais interrompre sa course. De s'enfoncer toujours plus loin dans des terres inconnues. Le désir de rester toujours fidèle à cette soif intérieure que rien ne peut étancher.
Je retrouve avec toujours autant de plaisir la plume poétique et intense de Laurent Gaudé. Précise, mais onirique, les sujets de ses histoires sont différents et amènent au voyage. Laurent Gaudé précise au début du livre qu'il s'agit de deux textes écrits pour le théâtre, et on imagine aisément ce qu'il faut de puissance pour raconter ces histoires.
Le premier texte, "Onysos le Furieux" est différent du second "Le tigre bleu de l'Euphrate" quant au rapport au temps qui passe.
Dans le premier texte, ce vieil homme se raconte à un homme sur un quai de métro à New York. Il raconte sa naissance, ses ancêtres, sa vie de débauche et de fureur. Mais plus il se raconte, plus il rajeunit. Onysos conte avec force cette somptueuse Babylone, les portes d'Ur et le Mont Thabor. Il raconte ses colères, sa souffrance, mais il raconte l'Homme et fait émerger ce qu'il y a de plus inhumain dans l'humain. Et toujours, Onysos est mu par ce désir de vengeance. Et plus il se raconte, plus le vieillard rajeunit.
Le second texte fait référence à Alexandre le Grand. Ce jeune homme dont la conquête est gravée dans l'Histoire. Il raconte ses batailles, sa progression vers l'Est, sa chasse à l'homme lorsqu'il veut à tout prix attraper Darius. Car il sait que l'ombre se pose sur ses yeux. De ses victoires, de ces étendues qu'il a faites siennes, on retient également dans ce texte une seule "défaite", une seule fois, il a plié et ces raisons qui l'ont fait revenir en arrière sont humbles. Mais Alexandre a perdu la fougue de sa jeunesse.
L'écriture de Laurent Gaudé est toujours aussi précise, poétique. Ici, le fait qu'il précise que ces textes sont faits pour être clamés au théâtre leur donnent une consistance tout autre : on y sent la puissance vocale, on y sent le déchirement, on y sent l'obscurité et également le temps qui passe qui est le fil conducteur de ces deux textes.
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