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« Le sommeil de la raison engendre des monstres », nous dit Goya, et il nous montre le dormeur prisonnier de ses cauchemars. Rien de comparable pourtant au sommeil de la mémoire qui permet à des monstres autrement dangereux de hanter notre histoire en se coulant dans des formes familières. Ces figures de l'oppression du passé, héritières des régimes totalitaires, n'hésitent pas à détourner la mémoire de ceux qui se sont opposés à leur entreprise, à se parer de leur nom, à contrefaire les rôles pour abuser le regard et les esprits.
Mais c'est surtout la révolution qui, dans le monde contemporain, apparaît comme la négation radicale de ce qu'elle a représenté pour les exploités et les penseurs quand ils luttaient pour réaliser une société d'où les rapports de domination et de servitude auraient été bannis. Si bien que rendre au mot son véritable sens, faire en sorte que l'expression corresponde à la chose, que le souvenir réponde à la réalité des promesses, voilà qui serait rien moins qu'une. révolution : les moyens enfin conformes à la fin poursuivie, l'histoire elle-même pourrait être écrite d'une plume qui ne connaîtrait plus de ratures de cet ordre. À l'envers donc de ce qu'il en est aujourd'hui.
Comment sortir de la confusion et dissiper le cauchemar ? Il nous faut entendre les voix de Marx ou de Rosa Luxemburg, de Breton ou d'Artaud pour comprendre la vérité des mots et des noms, pour percer ce « mystère d'iniquité » qui consiste à changer chaque parole de l'émancipation en son contraire.
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