"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
" Une analyse et une anticipation que devra consulter toute personne préoccupée par l'avenir du monde... Le livre le plus méthodique, le plus honnête, le plus alerte de "vulgarisation' de tous les livres consacrés au problème. " Extrait de la préface d'Edgard Pisani Nourrir les Français ? La tâche est relativement facile depuis qu'a disparu la malédiction millénaire qui rendait chacun inquiet de sa subsistance quotidienne. Nourrir l'humanité ? Un défi bien plus complexe face au scandale des 850 millions de personnes qui ne peuvent manger à leur faim et aux trois milliards d'humains supplémentaires qu'il faudra nourrir en 2050. Cela frise l'impossible, alors que la planète va manquer d'eau, de terre et d'énergie et que nous devrons affronter les effets de nos inconséquences actuelles : réchauffement de la planète, pollution, érosion, perte de la biodiversité...
Dans ce livre sont présentés tous les aspects de ce gigantesque défi, sans doute le plus important du XXIe siècle et pour lequel l'agriculture sera à nouveau appelée à occuper le devant de la scène. Sont ainsi exposées très pédagogiquement les questions de l'avenir des subventions agricoles au sein d'un commerce " mondialisé ", des rapports de l'agriculture avec l'agro-industrie et la grande distribution, du risque de crises sanitaires de grande ampleur, de l'extension de la production OGM, mais aussi de l'émergence de nouveaux pays exportateurs (Chine, Brésil), etc. Un ouvrage aussi complet qu'accessible, qui passionnera agriculteurs et urbains, citoyens et décideurs.
Ce livre dresse un certain nombre de constats et de problèmes auxquels il conviendra de faire face pour nourrir la planète au XXIème siècle. A l’instar du regretté Edgard Pisani, ancien ministre de l’agriculture du Général de Gaulle, qui qualifiait cet ouvrage du « plus méthodique, le plus honnête, le plus alerte de « vulgarisation » de tous les livres consacrés au problème », je considère ce livre comme une excellente entrée en matière sur cette question complexe.
Cela peut paraître aujourd’hui en effet très lointain pour nous, Européens, mais l’abondance d’alimentation est quelque chose de très nouveau dans l’histoire. Comme le rappelle Bruno Parmentier, il y eut encore plus de 10 disettes par siècle en France du XVIIème au XIXème siècle. Avec 100.000 repas dans une vie, l’alimentation constitue pourtant la base de nos existences.
A la question « faut-il produire plus ? », la réponse est évidemment oui. L’accroissement de la population combinée à la modification du régime alimentaire nécessite une multiplication par 2,25 de la production agricole d’ici 2050, avec de fortes disparités selon les continents. C’est surtout l’Afrique qui est sous le feu des projecteurs :
"Vingt-cinq Etats africains, plus Haïti et l’Afghanistan, devraient maintenir une croissance annuelle de leur production alimentaire supérieure à 5% jusqu’en 2050 pour parvenir à nourrir leurs populations selon les normes occidentales."
Produire plus mais avec trois fois moins : les sols sont dégradés (par exemple 8% des terres d’Asie du Sud sont sujettes à la salinisation), l’eau de qualité se fait plus rare (notons au passage que plus de 40 milliards d’heures par an sont consacrées en Afrique à l’obligation de se déplacer à pied pour trouver de l’eau potable !) et la biodiversité diminue (par la déforestation et la surexploitation des milieux). Je vous cite cet exemple qui m’a frappé :
"On estime qu’il existe actuellement entre 300 000 et 500 000 espèces de plantes, dont environ 30 000 sont comestibles. Au cours de l’histoire, l’humanité s’est contentée d’en cultiver 7 000. (…). Actuellement trente espèces végétales fournissent 90% des calories consommées dans le monde, essentiellement blé, maïs et riz."
De plus, n’oublions pas que l’agriculture est très dépendante de l’énergie pour sa production (serres, engrais, machines). Citant l’institut technique ARVALIS, Bruno Parmentier nous rappelle que :
"Dans un champ de blé d’un hectare en culture intensive, on utilise 300 à 400 litres d’équivalent pétrole pour produire les engrais utilisés, plus 50 à 90 litres pour les épandre (…). Les 640 000 exploitants agricoles français dépensaient environ 400 millions € pour leurs besoins énergétiques ; une hausse de 10% du prix du baril de pétrole entraîne une baisse de 0,5 % du revenu agricole."
L’agriculture devra non seulement dépenser moins d’énergie, mais en produire davantage pour remplacer les énergies fossiles. Elle devra faire face à des menaces nouvelles : plus de chaleur à cause du réchauffement climatique mais également une remontée des insectes et des bactéries.
L’auteur passe ensuite en revue les grands thèmes actuels comme la biologie et les opportunités ouvertes par les OGM, les aspects de commerce international ainsi qu’un aspect relativement intéressant : les relations entre agriculture, agroalimentaire et grande distribution. Prenons là encore deux exemples du livre. Le premier concerne la comparaison Mexique / Etats Unis pour la production de maïs : en 2000, le secteur du maïs américain a reçu 10 milliards de dollars de subvention, soit dix fois la totalité du budget agricole du Mexique. En conséquence, le maïs cultivé au Mexique est remplacé par celui des Etats-Unis, 2,5 à 3 millions d’ouvriers agricoles perdent leur emploi en moins de 10 ans, et quand arrive la crise de 2007, la hausse du prix du maïs fait baisser de 18% le niveau de vie des ouvriers. Second exemple sur la concentration des acteurs de la chaîne alimentaire : pour un prix payé par le consommateur de banane de 1,5 à 3€, le producteur touche 5 centimes. La valeur ajoutée n’est ainsi plus captée par l’agriculture.
Je passe sur les aspects très intéressants du « Qui nourrira qui au XXIème siècle » pour aller directement vers les solutions prônées par l’auteur. Bruno Carpentier insiste sur l’importance du soutien à la politique agricole qui est en fait une politique d’alimentation ou encore une aide au pouvoir d’achat des consommateurs. Le budget de la PAC, certes critiqué (39% du budget européen), ne représente en fait qu’à peine 1/6 du budget français. Si les subventions aux exportations des pays riches (exemple du coton) déstabilisent les pays pauvres, d’autres soutiens indirectes comme l’aménagement du territoire, l’environnement peuvent être intégrés. Citant l’ancien ministre Edgard Pisani, il conseille de retourner à une politique de « vrais » prix des produits agricoles (baisse des subventions), incluant les aspects alimentaires, ruraux et environnementaux. Enfin, dans une postface très intéressante, faisant suite aux pénuries et spéculations des années 2007/2008 (qui semblent certes bien loin de nous en 2016), il liste un certain nombre de préoccupations nouvelles mais aussi de pistes comme celle de l’agriculture à haute intensité environnementale, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir.
Vous l’aurez donc compris à la lecture de cette chronique touffue, au risque d’être désordonnée, ce livre est une excellente entrée en matière pour quiconque s’intéresse au sujet. Agrémenté d’encarts, de tableaux, il présente les enjeux de façon très pédagogique. Comme le précise Bruno Parmentier :
"L’auteur choisit de ne pas prendre parti, préférant concentrer son effort sur l’alerte et l’éclairage des citoyens et des décideurs."
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