"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans ce récit choral, Emmanuel Moynot suit « caméra à l'épaule » deux jeunes tueurs en série, Jeb et sa petite amie Bess, en cavale sanglante dans une Amérique déglinguée et crasseuse. En vingt chapitres coup de poing, montés en 8 pages comme des comics, on va croiser tour à tour les destins de la belle Maxine et de ses deux fils, de Bo sa brute épaisse de compagnon, du Pasteur Cletus, plus amateur de jeunes filles que de vin de messe, d'un représentant d'aspirateurs qui sillonne les routes en Camaro, d'un motard juché sur une Norton Commando...
Et pendant que Jeb et Bess sèment les cadavres sur leur route, Brett Edmund, le shérif adjoint de Sugar Grove mène l'enquête, en essayant de ne pas entraver celle de l'agent spécial Thomson, jolie blonde venue de l'Est...
Fauve du meilleur polar au @bdangouleme 2020, 180 pages de road movie découpées en épisodes comme une série sur HBO. Et on binge... On enchaîne les épisodes, @emmanuel_moynot s'en donne à cœur joie et on est embarqué dans ce tourbillon de violence et de soufre...
Chronique précédemment parue sur le blog www.sambabd.net
Voilà une lecture qui me laisse en joie. Enfin… « en joie » est peut-être inapproprié quand on parle de la virée mortelle d’un couple de tueurs en série, mais bon, disons que c’est le genre de BD qui fait plaisir à lire.
D’abord, parce que c’est plutôt drôle. Emmanuel Moynot nous distille quelques phrases choc dont il a le secret tout au long des glauques aventures de Jeb et Bess. J’ai particulièrement apprécié page 31 la case ou le narrateur nous dit le plus sobrement du monde : « Il évitait généralement de rester longtemps au même endroit. Les exigences du métier [NDLR : Tueur !!!]. On ne dort pas là où on a chié. ». Ou encore quand Bess dit à Jeb : « Ben, je crois bien qu’on est un couple, maintenant. Vu que tu m’engueules et que tu me dis tout ce que je dois faire et pas faire. » avant de lui offrir son corps pour la première fois… Bref, cet humour, cette légèreté parfois, contrastent à merveille avec la noirceur de la situation et, plus généralement, de l’Amérique (du Nord) qu’ils traversent.
Car c’est là le deuxième point vraiment intéressant de cette BD : L’Amérique « White Trash ». Cette Amérique profonde des Etats-Unis blancs, pauvres, à la fois bêtes et méchants… Mais pas tout le temps. Là aussi, c’est la force de Moynot, parmi tous ces personnages, violeurs, pédophiles, racistes, violents et j’en passe, de nous montrer les sursauts d’humanité là où, finalement, on ne s’y attendrait pas spécialement. Qu’il s’agisse du restaurateur qui prend Maxine en pitié (je ne vous raconte pas tout, mais c’est carrément justifié, la pauvre…) ou bien de Norton le motard-garagiste chez qui Maxine éveille le même sentiment… Voire plus si affinités…
Et puis il y a ce couple improbable, Jeb le tueur de pédophiles et Bess, la serveuse qui pète un câble. Même si leur cavale est inévitablement vouée à une fin tragique, on a forcément un peu de tendresse pour eux, en dépit, par ailleurs, des victimes (pas toujours innocentes…) qu’ils sèment sur leur chemin. On est en plein dans le mythe très américain de la fuite en avant d’un couple de Hors-la loi, dans la droite lignée de Bonnie and Clyde ou Thelma et Louise pour les personnages de fiction.
Question dessin, c’est du Moynot, en bi-chromie, mais pas toujours la même, selon les chapitres qui, notons-le, sont présentés à chaque fois par une planche en couleur du plus bel effet. Le tout colle parfaitement au propos et à l’ambiance recherchée.
Bref, une BD qui fait plaisir !
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