Miracle, comme La Mer aux arbres morts et Mille ans de plaisir parus aux éditions Fayard, est un long roman faulknérien où adultère et inceste hantent une petite société de parias condamnés à l'endogamie par la ségrégation. La violence sexuelle est omniprésente, les générations nouvelles héritant des conflits et des drames vécus par les précédentes dans un enchaînement qui n'est pas étranger au karma bouddhiste. Le roman commence par
l'annonce de la mort de Taichi et se termine sur celle-ci. Entre les deux, une longue rétrospection raconte l'ascension, les vicissitudes puis l'assassinat de ce jeune yakusa des Ruelles, ce quartier de parias de la ville provinciale de Shingû, l'un des quatre mille trois cents ghettos du Japon. Au coeur du roman, un chapitre étincelle d'un éclat singulier. S'y dénoue le lien inextricable qui se tisse à travers toute l'oeuvre de Nakagami entre la dimension romanesque et
l'autobiographie : le suicide du frère aîné, en des pages d'une beauté qui ne cesse de hanter tout lecteur. Autour de ce feu central, le récit, assuré par un vieil ivrogne hanté par le fantôme de la mère Oryû, celle qui mettait les nouveau-nés au monde, diffuse la mélancolie nue d'un désir qui se transforme en dépossession. Par la richesse des thèmes abordés la discrimination, les croyances, le jeu, la mafia, l'ivresse, la trahison, la mort, par l'opacité de sa construction et le phrasé envoûtant de son écriture, ce roman lyrique résonne, au-delà de l'impossible équilibre, d'un accord presque miraculeux.
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