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« Des poèmes fougueux et décapants. Portés par une langue qui allait assez rapidement bouger pour devenir plus concise, plus âpre. », ainsi parle Jacques Josse de la poésie de Paol Keineg depuis une vingtaine d'années, depuis que le poète breton a abandonné le lyrisme un peu « césairien » des livres de ses débuts, qui le firent reconnaître comme la voix majeure, tant littéraire que militante, de la jeune poésie bretonne.
Ce nouveau recueil, Mauvaises langues, dont le titre même jour sur les mots, s'inscrit dans le sillage de Triste Tristan, Là et pas là, et, récemment, Abalamour. Long thrène de quatre-vingt six poèmes qui n'en sont qu'un en vérité, portés par une déréliction native («tuer en soi / la haine de soi«) que, seul, l'humour et l'ironie sauvent du désastre ! Mais Paol Keineg reste un homme incarné dans ses paysages finistériens et d'une extrême attention (une affection même) pour les gens simples qui hantent les chemins, les villages et les champs de sa Bretagne. Sa poésie devient alors une manière de sociologie des faits et gestes de son monde, où les minces bonheurs (un chat, une sterne qui chasse, une « vache aux gros yeux bleus ») rassurent finalement, face à la brutalité du monde, et apaisent les angoisses du poète - lequel n'est jamais le dernier à se moquer de lui-même, dans cette langue un peu boiteuse mais d'une vraie rigueur poétique. Cette boiterie apparente vient de ce que Keineg considère toute langue comme étrangère, et donc incertainement connue, lui qui parle et rêve aussi bien en breton, en français et en anglais !
On lira avec profit, ces mots de Joël Becam , dans La République des Lettres :
« Paol Keineg s'inscrit dans une parole tour à tour catégorique, intransigeante, lisse ou heurtée, incisive, souvent blessée, qui, de prime abord, peut sembler parfois vexatoire sinon blessante. Parole irréductible donc, qui s'avère toujours "à prendre ou à laisser", mais aussi, est-il besoin de le préciser, dépourvue de toute haine ("Fureur n'est pas cruauté". Parole singulière, subtile, caressante, et donc, parole bretonne, - avec humour, duperie et drôlerie à l'appui ! Et parole, il convient d'y insister - c'en est le sceau, en même temps que la clé - polysémique ("Les mots à deux ou trois tranchants").
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