L’avis d’Anja K pour "Marcher droit, tourner en rond" Emmanuel Venet
Atteint du syndrome d'Asperger, l'homme qui se livre ici aime la vérité, la transparence, le scrabble, la logique, les catastrophes aériennes et Sophie Sylvestre, une camarade de lycée jamais revue depuis trente ans. Farouche ennemi des compromis dont s'accommode la socialité ordinaire, il souffre, aux funérailles de sa grandmère, d'entendre l'officiante exagérer les vertus de la défunte. Parallèlement, il rêve de vivre avec Sophie Sylvestre un amour sans nuages ni faux-semblants, et d'écrire un Traité de criminologie domestique.
Par chance, il aime aussi la solitude.
L’avis d’Anja K pour "Marcher droit, tourner en rond" Emmanuel Venet
Les chroniques sont en ligne ! A découvrir pour avoir des idées de lecture...
Plus que quelques jours avant les premières chroniques de nos #explolecteurs, venez découvrir les avis de la page 100 !
Il aura fallu que "Marcher droit, tourner en rond" d’Emmanuel Venet fasse partie des finalistes du Prix des bibliothécaires CBPT (Culture et Bibliothèque Pour Tous) pour qu’enfin je le lise.
Un homme, la quarantaine, assiste aux obsèques de sa grand-mère et s’emporte intérieurement, ressasse, contre l’oraison funèbre exprimée par l’officiante, Dame Vauquelin, loin, très loin de la réalité… nous assistons alors à un long monologue grâce auquel, nous apprenons qu’il souffre du syndrome d’Asperger, forme d’autisme, ce qui lui ôte toute possibilité d’accepter les arrangements avec la vérité. Lui, est un cœur pur et d’une franchise absolue. Cela lui vaut un déficit relationnel et une grande solitude.
Tout au long de ce récit, débité d’une seule traite, alternant présent et passé, sautant régulièrement du coq à l’âne, il passe en revue notre monde fait de mensonges et de faux semblants. Nous apprenons que le narrateur est doté d’un QI de 150, se passionne pour le scrabble "parce qu’il ravale à l’arrière-plan la question du sens des mots et permet de faire autant de points avec "asphyxie" qu’avec "oxygène", ou pour les catastrophes aériennes et aime – platoniquement – depuis sa jeunesse, Sophie Sylvestre.
L’écriture n’est pas ampoulée et cadre totalement avec les propos tenus. C’est à la fois caustique, drôle et tendre. L’auteur rend parfaitement le décalage entre son narrateur et les autres, son incapacité à "[me] plier à l’arbitraire des conventions sociales et d’admettre le caractère foncièrement relatif de l’honnêteté", son côté à la fois réfléchi et fantasque. C’est une belle manière d’aborder cette forme de handicap à l’aune d’un événement de la vie quotidienne. D’un sujet qui aurait pu être pesant, douloureux, accablant, Emmanuel Venet réalise une histoire presque légère où l’autodérision prend tout son sens, où l’humour s’invite au détour de chaque page. Les différents personnages sont décrits de manière à la fois minutieuse et cocasse et notamment le narrateur qui à force de vouloir "marcher droit", il ne lésine pas avec l’honnêteté, la franchise, la rectitude, finit par "tourner en rond", nous assénant ses vérités à lui, répétant à l’envi son admiration pour Roger Walkowiak, célèbre champion de Scrabble, ses listes pour le "petit bac", et ses études de crashs aériens.
Un bel appel à la tolérance
Lecteurs, placez ce livre sur le dessus de votre PAL (pile à lire), libraires, posez-le sur votre table près de l’entrée, imprimeurs, relancez vos machines…Que chacun profite de ce petit chef d’œuvre : c’est piquant, percutant, vif, intelligent et drôle, si drôle… Vraiment… à pleurer de rire !
Le sujet ?
A la manière des philosophes du XVIIIe qui dénonçaient le ridicule de leur société à travers les yeux faussement naïfs de quelque Candide, Ingénu ou étranger, tel, au hasard, un Persan, Emmanuel Venet descend en flèche une société dont les rapports humains sont fondés sur la pire des hypocrisies, une haine sans pareille ou au mieux une indifférence profonde. Visiblement cela contente tout le monde ou bien tout le monde s’en contente voire se félicite d’être capable de se couler dans le moule de la bêtise (pour rester poli), de la méchanceté et du simulacre.
Ici, celui qui pose un regard juste et droit sur la société, c’est le narrateur. Il a quarante-cinq ans et est atteint du syndrome d’Asperger, forme d’autisme qui l’empêche de s’épanouir en société d’une part, mais aussi de dissimuler ses sentiments, de jouer un rôle, un rôle social. Il est « asociognostique, c’est-à-dire incapable de se plier à l’arbitraire des conventions sociales. » Il n’aime « ni les propos trompeurs ni les cachotteries » Il est franc, honnête, lucide, aime ce qui est logique, clair et précis. Ses goûts vont au scrabble, aux recherches sur l’origine des catastrophes aériennes et à son amour d’adolescent, une certaine Sophie Lachenal devenue, depuis qu’elle s’est mariée, Sophie Sylvestre-Lachenal, femme à laquelle, il en est bien certain, il restera fidèle toute sa vie. C’est bien parti en tout cas !
Or, tandis qu’il assiste aux obsèques de sa grand-mère, il découvre avec stupeur et dégoût que le propos de l’officiante recrutée par sa tante Solange à la Pastorale diocésaine n’est qu’un immense tissu de mensonges éhontés.
Non, sa grand-mère Marguerite n’était pas une épouse fidèle, une mère dévouée, une femme généreuse, ouverte…. Elle a trompé son mari pendant des années, l’a laissé s’enfoncer irrémédiablement dans l’alcool, « préférait l’argent aux êtres humains, voulait rendre la France aux Français, considérait les handicapés comme des parasites et les homosexuels comme des malades mentaux, et regrettait amèrement la peine de mort au moins pour les assassins, les meurtriers, les violeurs, les braqueurs et les incendiaires ».
Finalement, dit-il, « les seuls renseignements exacts durant cette pantalonnade se réduisent pour ainsi dire aux données de l’état civil ».
Et chaque membre de la famille (tante Solange, tante Lorraine et les autres) en prend pour son grade. Et comme l’office dure un certain temps, personne n’échappe à son portrait peint au vitriol… Les masques de la comédie sociale que chacun aime à jouer tombent un à un laissant apparaître des individus abjects, grossiers, d’une bêtise insensée et totalement formatés par une société avide de passer tous ses citoyens à la moulinette. L’instinct grégaire aidant, tout le monde veut ressembler à tout le monde. Beurk !
Quand on pense que le seul qui soit dans le vrai, le bon sens, la logique, le seul qui échappe à la pensée unique, à la mode, aux futilités, au jeu social au sein de cette famille qui pourrait évidemment être celle de chacun d’entre nous, le « seul du clan à penser juste et à marcher droit » est considéré comme « un fou » ou un malade… Cela laisse rêveur… (Cela dit, chez Shakespeare et ailleurs sans doute, les fous ne sont-ils pas les plus clairvoyants ?)
Et évidemment, ces tissus de mensonges que l’on entend le jour des funérailles sont décuplés lorsque c’est la société qui s’en empare et qui s’exprime à travers les médias : « De même qu’on nous dit à l’échelle familiale que ma grand-mère Marguerite, femme réactionnaire et foncièrement égoïste, représentait un modèle de tolérance et de bonté, on nous serine à plus grande échelle qu’il nous faut à la fois abattre les dictatures et vendre aux tyrans des armes pour équilibrer notre balance commerciale ; produire plus de voitures et diminuer les émissions de gaz d’échappement ; supprimer les fonctionnaires et améliorer le service public ; restreindre la pêche et manger plus de poisson ; préserver les ressources en eau douce et saloper les aquifères au gaz de schiste. »
Plongée en eaux profondes dans la mer des absurdités et des mensonges. On a parfois envie de se laisser couler…
Un livre vraiment désopilant, saisissant de vérité, qui nous tend un miroir dans lequel, il faut bien le dire, nous ne sommes pas bien beaux à voir, nous, les sains d’esprit…
Retrouvez Marie-Laure sur son blog: http://lireaulit.blogspot.fr/
Le narrateur, quarante-cinq ans, atteint du syndrome d’Asperger « On me rétorque souvent que je schématise les situations complexes à cause de mon syndrome d’Asperger, mais je me contente de raisonner logiquement comme chacun devrait s’y astreindre. » assiste aux obsèques de sa grand-mère. Il sursaute en écoutant l’officiante vanter les mérites de Marguerite. « C’est ma grand-mère Marguerite qu’on voudrait faire passer pour une femme généreuse et gentille, révisionnisme dont personne autour de moi ne semble s’indigner ». Sa maladie fait qu’il ne supporte ni les mensonges, ni les approximations. Sa grand-mère Marguerite n’était pas la femme dévouée, généreuse… présentée. NON, l’hypocrisie régentait sa vie, de plus, elle était égoïste, menteuse (entre autre) une brave femme quoi !! De plus, elle n’est pas morte à cent ans, mais à 99 ans et 51 semaines. Ma grand-mère Marguerite était « une femme de tête autant qu’une femme de cœur ». Car ma grand-mère Marguerite était en effet à peu près aussi incapable de réfléchir que d’aimer. Quand il parle du reste de la famille, ce n’est guère mieux. L’homme aime que la vérité soit dite, que les choses soient exactes.
Cet homme, surdoué, a trois passions, le scrabble, le petit bac et ses listes apprises par cœur, les catastrophes aériennes, tout au moins, les causes exactes. Maintenant, avec internet, plus besoin de se déplacer pour trouver les renseignements. Et puis, il y a Sophie Sylvestre qu’il aime depuis la seconde et aimera toujours, même s’il ne peut plus l’approcher, encore et toujours parce qu’il ne possède pas le filtre des conventions, que les émotions, l’empathie lui sont inconnues.
J’ai adoré le jeu de ping-pong, le décalage entre les autres et lui. Lui est cartésien, droit dans ses bottes, hyper logique, immuable ; le reste de la famille, comme tout un chacun a des petits accommodements avec la vérité, la fidélité, la morale… est versatile.
Tout ceci donne un livre où l’ironie et le caustique offrent un portrait de famille décapant. L’homme n’est pas dénué de sentiments, peut-être que le mot est trop fort !, disons de tendresse pour son père. Pourtant il aime d’un amour platonique, enfin le croit-il Sylvie Sylvestre, et rêve de nuits d’instants avec elle comme une midinette devant un bouquin de la collection Arlequin.
Seul lui manque son grand-père avec qui il résolvait des problèmes de thermodynamique.
Emmanuel Vernet, psychiatre de son état, semble bien connaître cette maladie et ses symptômes. Je pense qu’il a pioché plusieurs anecdotes parmi ses patients et c’est amusé à nous les retranscrire. Les obsèques de la grand-mère offrent un nuancier d’émotions, de sentiments qu’il décrit avec humour et ironie. Je sens qu’il s’est délecté à écrire ce livre.
Derrière mes sourires et fous rires, il y a la souffrance du narrateur. Son intransigeance le rend inapte à la vie en société, blesse son entourage et fait, qu’à force de vouloir marcher droit, sans concessions à la vérité et la logique, il tourne en rond.
Quant à moi, seul du clan à penser juste et à marcher droit, j’essaierai de dépasser le score de Roger Walkowiak dans son quart de finale au championnat de France deux mille trois en duplicate. Pour un jour aussi moche, je ne vois pas ce que je pourrais espérer de mieux.
Un très bon livre
https://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2016/10/marcher-droit-et-tourner-en-rond.html
Notre monde vu par un homme atteint du syndrome d'Asperger
Emmanuel Venet se met dans la peau d'un homme de 45 ans atteint du syndrome d'Asperger, une forme d'autisme.
Le narrateur est pourvu d'une intelligence plus que normale avec un QI élevé mais il est incapable de se plier aux conventions sociales, il est inapte aux relations sociales.
Le narrateur assiste aux funérailles de sa grand-mère et nous livre ses pensées et toutes les réflexions qui lui traversent l'esprit durant la cérémonie. Tout le récit se déroule pendant la cérémonie.
Le narrateur ne supporte le portrait dithyrambique qui est fait de cette femme reconnue pourtant par tous comme quelqu'un "d'aussi incapable de réfléchir que d'aimer"
Il est choqué qu'elle soit présentée comme centenaire alors qu'elle est décédée à 99 ans et 51 semaines... Tout ce qu'il entend est pour lui un tissu de mensonges car une des caractéristiques de sa maladie est le besoin absolu de vérité.
C'est un homme entier sans nuances qui fait régulièrement référence à sa passion pour le scrabble, aux listes qu'il prépare pour le petit bac et à ses recherches sur les catastrophes aériennes, il prépare même un livre recensant tous les crashs des avions de ligne. Par ailleurs, il vit une passion amoureuse imaginaire avec Sophie Sylvestre qu'il connait depuis la seconde et suit sa carrière comme figurante au cinéma.
C'est un homme à l'esprit cartésien, au raisonnement logique, routinier et solitaire.
L'auteur qui est psychiatre connait parfaitement ce syndrome, il sait de quoi il parle et a certainement puisé dans des cas qu'il a rencontrés pour dresser le portrait du narrateur.
Au travers des réflexions du narrateur, l'auteur pointe l'hypocrisie des gens dits normaux, le poids des conventions sociales...
L'humour est omniprésent dans ce court récit qui offre de multiples thèmes de réflexion sur des thèmes aussi variés que la religion, les régimes amaigrissants, la corrida, le traitement que l'homme réserve aux animaux, les écarts entre les opinions politiques de certains et leur comportement dans leur vie personnelle...
Stigmatisant les incohérences des uns et des autres, les travers de chacun, les dysfonctionnements de la vie de couple, le narrateur, avec des propos souvent frappés au sceau du bon sens, n'épargne personne dans son tour de famille...
L'écriture est fluide et l'ironie souvent mordante dans ce récit qui se lit d'une traite. Une belle réussite !
Ce titre est sélectionné pour le prix décembre.
Les explorateurs de la rentrée littéraire - Avis de la page 100
Ce bref roman s'ouvre par une plongée dans les réflexions tortueuses – et souvent sensées – d'un quadra atteint du syndrome d'Asperger, une forme d'autisme dont avoir une vision étroite de certaines choses ou être en proie à des obsessions comptent parmi les manifestations possibles. Les premières pages cueillent notre homme aux obsèques de la grand-mère Marguerite, cérémonie bourrée de convenances où rien – ou si peu – ne trouve grâce à ses yeux : pourquoi faire à tout prix une sainte d'une personne vénale aux idées rétrogrades ? Ou comment habiller feue mamie pour son éternel hiver... Avant qu'on embarque à cent à l'heure pour un road-movie virtuel avec Sophie Sylvestre, éternel amour d'une jeunesse qui n'a jamais complètement quitté l'esprit du narrateur, par ailleurs fort encombré par ses passions maniaques pour le scrabble et les catastrophes aériennes...
La cocasserie est au rendez-vous de ce qui s'annonce comme un anti-éloge de la bien-pensance, tendre mais intransigeant, sans la moindre once de pathos !
Les explorateurs de la rentrée littéraire - Chronique complète
Un narrateur de 45 ans, atteint du syndrome d'Asperger, déroule le fil de ses réflexions, souvent baignées d'une logique imparable !, que lui inspirent les obsèques de sa grand-mère Marguerite, avec qui il n'était pas vraiment en odeur de sainteté. S'il est vrai que ces moments de recueillement ne sont guère propices à baver les uns sur les autres, ce n'est pas dans l'intention de faire se retourner la défunte dans sa tombe ni de se mettre la famille à dos qu'il agite ainsi les fantômes dans les placards : Asperger est un « gage de franchise », nous dit-il ; si mamie était près de ses sous et bourrée de principes usés jusqu'à la corde, pourquoi l'occulter ? Surtout que Tante Solange ou Tante Lorraine, qui ont fourni matière à composer l'oraison funèbre, ne sont pas toutes blanches non plus !...
C'est cette naïveté touchante que l'on aime dans Marcher droit, tourner en rond : la galerie de portraits au vitriol ici brossés – de fil en aiguille et de manière très mécanique, au rythme des obsessions du narrateur pour le scrabble et les catastrophes aériennes dont il nous rebat les pupilles à longueur de page – se succèdent sans hargne, avec la candeur et la maniaquerie de l'autisme émaillées, l'air de rien, d'insanités réjouissantes et d'un jugement pointu sur les aberrations de la société. Pas question de s'apitoyer sur sa condition, les rôles sont inversés : lui scrute son monde et, « amoureux fidèle bien que non déclaré », guerroie dans le souvenir de Sophie Sylvestre-Lachenal, rencontrée au lycée et avec qui il rêve un amour pur et sans faux-semblants.
Emmanuel Venet a fait le pari d'expurger ces lignes de tout pathos quant au syndrome d'Asperger, qui eût fait pleurer dans les chaumières mais probablement ôté de son sel au roman, « politiquement incorrect », tendrement drôle. Une jolie incitation à se sentir pleinement vivant ! Et un véritable tour de force littéraire tant la phrase de l'auteur épouse la parole de l'autiste...
Si les ouvrages mettant en scène des narrateurs antipathiques et très loin du politiquement correct et de la bien-pensance sont légions, il n’en demeure pas moins que le personnage principal du dernier roman d’Emmanuel Venet reste atypique, du fait de la maladie particulière qui l’affecte. Marcher droit, tourner en rond, publié aux éditions Verdier, est l’occasion pour son auteur, psychiatre de son état, de pénétrer dans l’esprit tortueux d’un homme atteint d’un trouble du spectre autistique et de livrer un court roman aussi corrosif que drolatique.
Et quoi de mieux, lorsqu’on écrit un roman à l’humour féroce, que de le faire se dérouler lors d’un enterrement ? Le ton est donné, dès le départ, avec les premières interrogations et remarques du narrateur, qui fleurent bon le blasphème. Nous voici aux obsèques de Marguerite, la grand-mère du narrateur. Ce moment de recueillement est souvent l’occasion de présenter le défunt comme un saint, de revenir sur les bons moments passés en sa compagnie et de faire son éloge. C’est alors un moment empreint de convenances que la morale insiste d’observer. Ce qui sera impossible de faire pour le narrateur, atteint du syndrome d’Asperger.
Ce syndrome, qui est une sorte d’autisme et qui se caractérise par un intérêt restreint pour les choses qui entoure l’individu qui en souffre et par des difficultés significatives pour les interactions sociales, empêche au narrateur d’observer pleinement la cérémonie, le faisant souffrir lorsqu’il entend Madame Vauquelin, de la Pastorale Diocésaine, livrer un portrait mensonger de sa grand-mère. D’une femme détestable, avare et égoïste, la voici transformée en femme généreuse, aimante et charitable.
Partant de ce postulat de départ et désireux de rétablir auprès d’un hypothétique lecteur la vérité concernant sa grand-mère, l’homme commence alors à dresser un portrait sans concession des membres de sa famille, dans lequel les souvenirs du narrateur se mêlent aux différentes interrogations passées et toujours actuelles d’un homme incapable de comprendre les réactions de son entourage et dont les seuls centres d’intérêts se résument au Scrabble et aux catastrophes aériennes.
Emmanuel Venet met alors sur le devant de la scène, avec humour mais non sans sérieux, une maladie dont les causes restent encore inconnues et dont la prise en charge reste assez onéreuse. Mais, derrière le masque de l’humour, se cache le mal-être profond dont souffre le narrateur et qui le pousse vers la solitude. Une solitude qui le ronge et qui le coupe encore un peu plus du lien social qu’il entretient avec quelques individus. Il se réfugie alors dans ses pensées et se met à imaginer la vie qu’il aurait pu avoir avec son amour de jeunesse, une certaine Sophie Sylvestre, dont les initiales doublées – appelées initiales – du bonheur, seront l’objet d’un quiproquo assez comique avec sa grand-mère. Et, dans son rêve, ce sera une orgie de parties de Scrabble, avec mots compte triple, s’il-vous-plaît et d’élucidations de crashs d’avions.
Le verbe est vif, cinglant, sans détour. Emmanuel Venet déploie toute l’ironie et le sarcasme possible à chaque phrase et l'attention du lecteur est accaparée par ce personnage complètement antipathique, délivrant sa propre perception du monde. La lecture est agréable et fluide et le lecteur se prête au jeu, laissant ses sentiments de côté, découvrant un portrait de famille peu flatteur dans un roman mordant.
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Les Explorateurs de la rentrée littéraire - "Le rendez-vous de la page 100" :
Au vu de la longueur du livre (122 pages), j'ai décidé de faire de ce rendez-vous de la page 100, celui de la page 50.
Dans "Marcher droit, tourner en rond", Emmanuel Venet met en scène un homme atteint du syndrome d'Asperger. Peu empathique, incapable de comprendre les réactions de son entourage, l'homme présente une intérêt restreint pour le monde qui l'entoure : ses passions se résument au Scrabble et aux catastrophes aériennes. Apprenant la mort de sa grand-mère, Marguerite, il se rend aux obsèques et commence à dresser un portrait sans concession des membres de sa famille.
Le verbe est vif, cinglant, sans détour. L'ironie et le sarcasme se découvrent à chaque phrase et maintiennent l'attention du lecteur. Complètement antipathique, le narrateur délivre sa perception du monde, dans un ouvrage mordant.
Lors d'une cérémonie d’obsèques, il va de soi que le commun des mortels s'émeut! La perte, les adieux, la douleur, la nostalgie, la peur de la mort, de la solitude, les prémisses du deuil avec toutes les émotions qu'il engendre... Quel que soit l'enterré, qui que soit le survivant, une foule de sentiments puissants et ambivalents s'invitent à la fête car si une chose ne laisse pas le cœur humain indifférent, c'est bien la fin d'une vie!
Mais notre héros n'est pas le commun des mortels, et si son cœur, humain, bat comme le notre, c'est d'une toute autre façon que le votre et le mien... En effet, l'homme qui nous invite à le suivre, à marcher droit et tourner en rond, est atteint du syndrome d'Asperger, forme particulière de l'autisme qui se définit, en plus des symptômes habituels de difficulté à établir des rapports sociaux et à communiquer, par le fait que ses sujets sont souvent très intelligents malgré leurs difficultés émotionnelles. Du coup, quand il se rend à l'enterrement de sa grand-mère, notre narrateur ne le vit pas de façon ordinaire puisqu'au lieu de s'émouvoir, de souffrir, de sentir tout simplement, lui va penser, et à sa manière... Et sa pensée, libérée des conventions sociales, des règles de circonstance , du poids des émotions et de l'empathie, va nous mener dans un portrait de famille caustique, mordant, sans aucune concessions mais aussi plein d'humour décalé et de tendresse.
Pour commencer, il se demande par exemple, pourquoi l'officiante s'évertue à présenter sa grand-mère défunte comme une femme honorable alors que de toute évidence, si l'on met les faits bout à bout, elle ne l'était pas! Du père gentil mais bébête aux cousines frivoles, personne n'est épargné et c'est un petit régal que de regarder le monde sous le regard d'Asperger, tout du moins celui que nous en montre Emmanuel Venet. On se dit même, à certains passages, qu'on devrait tous être un peu plus Asperger parfois, pour le bien de la vérité, de l’honnêteté et de la transparence... Et puis finalement non... Asperger n'est pas forcément une bénédiction et une des grande force du roman est justement cette évolution de point de vue: on démarre sur les chapeaux de roue et on sourit beaucoup; on se marre franchement même parfois, avec ce héros non-conventionnel et puis plus ça avance plus on saisit le grave derrière la façade, la manque derrière la facilité, l'incapacité sous la transparence...
Alors non, vivre avec Asperger ça ne doit vraiment pas être facile, ni pour le malade ni pour ses proches, mais quand-même, quel bel angle de vue pour dresser un portrait de famille comme on aime les lire: sévère mais juste, grave mais drôle!
J'ai souri, ri, pensé et repensé! Je n'en demande pas mieux à un livre et "Marcher droit, tourner en rond" est pour moi une petite perle littéraire que j'ai eu bien du plaisir à rencontrer!
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Avis à mi-lecture enthousiaste pour cette introduction dans l'univers précis, carré et pourtant décalé de notre héros atteint du syndrome d'Asperger, trouble qu'on qualifie souvent "d'autisme de haut niveau", ce qu'on comprends à la lecture des lignes d'Emmanuel Venet!
Y a du mordant, y a de la réflexion et y a même un peu de sentiment! Bien agréable jusqu'à présent! Hâte de découvrir la suite...
Avis à la page 100 :
Un titre laconique qui claque comme un ordre militaire, qui sarcasme comme un constat désabusé, posé sur une couverture jaune vif : voilà qui fait espérer un roman décapant et plein d’esprit.
Arrivée à la page 100, je ne suis pas déçue.
Au prétexte de l’enterrement de Marguerite, sa grand-mère, le narrateur, autiste Asperger, dresse un portrait cinglant et sans concession des protagonistes de la situation : de Madame Vauquelin, de la Pastorale Diocésaine aux divers membres de la famille, tout le monde y passe. C’est toujours mordant, c’est souvent brillant.
Le regard décalé et sans émotivité du narrateur éclaire férocement ces tranches de vie, sur un ton est ironique, grâce à un vocabulaire précis qui fait mouche.
C’est avec enthousiasme que je continue ma lecture.
Avis de fin de lecture :
Marcher droit, c’est sa devise.
Marcher droit et parler vrai ; sans faux-semblants.
Marcher droit et aimer absolument. Même si cet amour n’est toujours pas partagé.
Marcher droit et penser cartésien. Sans comprendre les petites et grandes compromissions de la vie.
Oui mais voilà, quand on marche trop droit, dans la vie, on finit par tourner en rond, en se heurtant sans cesse aux codes d’une société dont on n’a pas le mode d’emploi et que l’on ne comprend pas.
Cage hermétique, faite de rejets et d’incompréhension.
Et c’est ce qui arrive au narrateur, autiste Asperger.
Lors de l’enterrement de sa grand-mère Marguerite, il nous dresse le portrait de chaque membre de sa famille, portrait cinglant, regard extérieur aux conventions, sans concession. La condition humaine en quelques coups de griffe.
Et d’ailleurs, ce narrateur qui marche toujours droit est-il aussi celui qui tourne le plus en rond dans la vie ? Pas sûr !
Ce roman se lit facilement.
J’ai aimé le portrait des personnages qui se construit peu à peu par le croisement des destins, donnant consistance à chacun. Bien sûr, les personnages sont stéréotypés. Ce qui est intéressant, c’est le regard du narrateur sur leurs agissements, un regard décalé, logique à l’extrême, pour juger les passions humaines.
J’ai aimé le vocabulaire précis, le style enlevé.
J’ai moins aimé les précisions sur l’autisme Asperger qui appesantissent un peu trop le fil de l’histoire par leur didactisme.
Mais ce roman se lit avec plaisir, tout droit sans tourner en rond.
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