Le mythe de la malédiction de Cham est sans doute le point de départ de la disgrâce du Noir. Non seulement l'homme, mais également la couleur noire. L'exégèse de cette malédiction a permis de dégager quatre points saillants à partir desquels se sont ancrées toutes les idées et théories nègrophobes. De la justification de l'asservissement qui a conduite à la traite négrière, à la négation de toute humanité à l'homme en passant par les clichés, les stéréotypes et les préjugés dégradants dont les Noirs font l'objet depuis lors. Après ces exégèses, sont venus des pseudo-scientifiques inflexibles, amers et pétris de préjugés surannés, adouber de manière abyssale le glossaire négatif à l'endroit du noir. Le pire c'est que toute cette concentration de négativité passe par l'arme la plus létale que l'homme ait jamais connu : le verbe. À en juger de manière naïve et hâtive, on pourrait être tenté de se persuader qu'on est en face de dérives langagières. Le Noir est affublé de tous les vices, on lui prête des dispositions morales ignobles : perversité, luxure, débauche, moeurs dépravées. Ces mots ont une concentration de négativité telle que quand ils créent la réalité, elle est dévastatrice. En effet nous ne pouvons pas croire à la neutralité des mots. On peut toujours lancer des paroles en l'air, il reste que le seul fait de les prononcer laisse une trace. Les mots ne contiennent-ils pas, dans l'action qu'ils propulsent, un pouvoir pour commander la réalité ?
Victor Hugo disait à ce titre : « Attache un mot vengeur au flanc de tout un monde, et le monde entrainant pavois et glaive, échafaud, ses lois, ses moeurs, ses dieux s'écroule sous le mot. Cette toute puissance immense sort des bouches. »
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